Deux membres du PS, Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès, et un journaliste de Bakchich, Renaud Chenu, ont pondu une oeuvre politico-délirante. Dans "18 mois chrono", ils imaginent les résultats de la prochaine présidentielle.
J’attendrai, le jour et la nuit, j’attendrai toujours l’arrivée de Martine Aubry… à la tête de la République.
Pour apaiser leur angoisse en raccourcissant le temps, trois auteurs ont décidé de le tuer en publiant 18 mois chrono. Pour Marie-Noëlle Lienemann, Paul Quilès et Renaud Chenu, c’est plié, Martine sera la prochaine locataire de l’Élysée. Tel Orson Wells décrivant le débarquement des Martiens à Manhattan, ce trio décapant met en scène un remake du triomphe de la force tranquille.
Qu’on aime Martine ou pas – ce qui n’est pas galant –, le bouquin est instructif et souvent drôle. Nous sommes en 2012, en mai. Plus que de coutume, ce qui est dire beaucoup, Nicolas Sarkozy fait ce qu’il lui plaît, rencontre secrètement Marine Le Pen. Le temps d’un pas de tango pour répartir les rôles, Sarko reste président, et la fille du Breton devient un pilier du gouvernement, la tentation d’une idylle. Malédiction, l’horrible Iago-Gollnisch balance le complot à la presse. Éliminé au premier round, Nicolas, digne comme un Jospin de campagne, annonce enfin une bonne nouvelle : « Je renonce à la politique. » Rien que pour lire cela, noir sur blanc, achetez le livre et photocopiez la page.
Martine, donc, est élue présidente. Oublions l’aphorisme de Coluche : « On croit que les rêves, c’est fait pour se réaliser. C’est ça, le problème des rêves : c’est que c’est fait pour être rêvé ». Beaux joueurs, soyons convaincus que Martine est présidente. Ce qui est épatant dans 18 mois chrono, c’est que le chemin pour atteindre le 55, Faubourg-Saint- Honoré semble facile.
Lienemann, Quilès et Chenu possèdent un effet GPS qui banalise le labyrinthe, et Sarkozy, cet idiot, les aide. Voilà-t-il pas que, si on croit la fiction, l’événement devrait avoir lieu ces jours-ci, Nicolas dissout l’Assemblée. Pour lui, la perspective de repartir avec une Chambre introuvable, née de la grève qui horripile, de l’insécurité qui fait peur, de Ben Laden qui campe sous nos tapis. Manque de tout ça, les Français remobilisent la gauche – rappelons que le PS en fait partie – pour barrer notre galère : Martine est Premier ministre
Ici, le bouquin devient au poil. La répartition des portefeuilles entre camarades en dit long sur ce qui se passe, pour de vrai, en ce moment au PS. Après avoir fait taire Ségolène avec le perchoir de l’Assemblée, lieu idéal pour seriner, on a casé Fabius aux Affaires étrangères, Adeline Hazan à la Justice (Sarko ayant refusé Montebourg), Hollande aux Finances, Thuram aux Sports, Cambadélis à l’Éducation (la pauvre), Baylet, dit « le veau sous la mère », étant chargé de flatter le pis du Parlement, François Lamy à la Défense, Bartolone à l’Intérieur…
Ne riez pas, ce Monopoly politique a un sens : il indique, via Lienemann et Quilès, qui sont des amis de Martine, les places des vrais amis et la consolation que peuvent espérer ceux qui ne le sont pas. Et l’épouvantable épouvantail DSK, dites-vous (si la lecture vous a porté jusque-là) ? Le mari d’Anne Sinclair a fait pschitt, la belle vie à Washington, les couloirs du FMI jalonnés de filles aux longues jambes ont eu raison de son ambition présidentielle. DSKamoté, voilà le travail !
Disons que nos amis poussent parfois le bouchon un peu loin, pas seulement quand, dans leur scénario, ils confient un rôle à Frêche ou Charpak qui sont morts, mais quand ils imaginent que Védrine, l’oracle, va quitter la soie de LVMH pour la bure, celle d’ambassadeur à l’ONU. On rit aussi des efforts de nos auteurs pour, justement, donner de la hauteur à Harlem Désir, un si joli nom sonnant le creux. Qui peut encore croire en un homme qui a pensé que l’amour des potes passait par celui de Mitterrand ?
Pour dire la vérité, rien de mieux que la fiction. Cette traverse romanesque signe un livre unique, où l’on écrit ce qui ne se dit pas. Pour l’avenir, convoquons Fitzgerald : « Faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et être pourtant décidé à les changer ».
A voir sur Bakchich.TV : entretien avec les auteurs Paul Quilès et Renaud Chenu.