La politique lyonnaise, c’est aussi une affaire de famille !
Quand on est frères et malins, on ne se place pas tous dans le même parti, comme ça, on peut mieux s’entraider et « couvrir » plus de terrain : c’est ce qu’ont compris Thierry Philip et Christian Philip.
Petit historique pour présenter les protagonistes.
Petits-fils d’André Philip (député SFIO de 1936 à 1940, qui a rejoint de Gaulle en 42 à Londres, puis député de 1946 à 1951, ministre de 46 à 47), Thierry et Christian Philip savent se placer en politique.
Commençons par Christian Philip :
Une (très) brillante carrière universitaire (Professeur, puis Doyen, puis Président) à l’Université du Mans de 70 à 83, puis Directeur des Enseignements supérieurs au Ministère de l’Education Nationale (86 à 89), puis recteur (Reims puis Clermont) avant de devenir dir cab de Fillon à l’Education Nationale de 93 à 95, il est depuis directeur du DEA droit communautaire au Centre d’Etudes Européennes. En même temps, d’abord conseiller régional, puis premier adjoint de Barre, conseiller général, et président du Sytral (1995-2001) puis de Lyon Parc Auto (2001-2008, sous… la gauche ?), il a fait toute sa carrière à droite (RPR puis UMP), et est depuis 2007 Représentant du Président de la République pour la Francophonie.
Thierry Philip :
Nommé président du Centre de cancérologie Léon-Bérard à Lyon en 1989, il est aussi président du Comité National du Cancer.
En 2003, il veut acheter le club de football de l’AS Saint-Étienne, dont il était le coprésident. En vain. En 2004, il se découvre une fibre politique (ou découvre les revenus potentiels de la politique ?). Il est élu au conseil régional Rhône-Alpes, dont il est devenu aussitôt vice-président (Il est évident qu’il fallait récompenser au plus vite un militantisme aussi virulent que très récent !).
En 2008, il se présente sur le 3ème. Collomb avait préparé de longue date cet arrondissement pour son arrivée à lui-même, en le bétonnant pour une victoire. Mais la crainte d’une victoire pas assez confortable, et le 9ème arrondissement qu’il fallait reprendre en main, ont fait préférer le 9ème à Collomb. Du coup, il a fait cadeau d’un arrondissement très préparé à Thierry Philip. Ce qui relativise la victoire, même si elle reste remarquable et un fait politique primordial lyonnais, du 3e arrondissement de Lyon, traditionnellement à droite, et la défaite au premier tour de Dominique Perben, tête de liste UMP sur Lyon. Depuis, Thierry Philip est donc Vice-Président au Grand Lyon, candidat aux Européennes en interne au PS, tout en restant maire du 3ème, vice-président de région, président du centre de cancérologie, et je suis sûr d’en oublier !
Maintenant que les protagonistes sont présentés, revoyons ce qui se passe depuis 2003, très symptomatique de la « méthode Collomb ! »
1ère période – 2001 : la 1ère ouverture au centre
Les barristes se retrouvent bien embêtés quand Barre annonce son retrait, et choisi de soutenir… Collomb. Beaucoup rejoignent alors Collomb, l’aident à gagner, et lui permettent de nouer les contacts fructueux à droite. Un parfait exemple de ces ralliements, celui de Michel Chomarat, passé de Barre à Collomb à cette époque, ce qui lui a permis de sauver quelque revenu en étant chargé de mission. Christian Philip, alors, est obligé de céder la présidence du Sytral (qui, à l’époque, n’est pas aussi juteuse que sous Rivalta).
Ceci dit, Collomb n’est pas trop dur avec Christian Philip, puisqu’il lui laisse la présidence de Lyon Parc Autos (tous les parkings payants lyonnais !), au grand dam de certains (dont Jean-Bernard Suchel, qui était réputé savoir négocier pourtant ses ralliements, malgré sa posture « gauchiste », et qui avait beaucoup voulu cette place, en vain).
2ème période : 2004 : la prise de la région
Le PS gagne la Région, Collomb récupère des collaborateurs de Comparini au Centre, et continue de cultiver sa « droite » (les centristes, et quelques déçus de l’UDF). Thierry Philip, auguste inconnu au PS, qui, un an à peine auparavant se préoccupait tellement de politique qu’il… envisageait de racheter le club de foot de Saint-Etienne, c’est dire si la politique lyonnaise l’intéressait, se retrouve propulsé élu régional, et vice président ! Alors même que moins de six mois avant, il n’était pas au PS (heureusement, quelques secrétaire de section complaisant, a pu lui fournir une ancienneté plus… adéquate). Miracle de la politique… Mais pas innocent : le fameux billard en 4 bandes de Gérard Collomb est en route !
3ème période : 2005 à 2007
Perben arrive, et vient s’implanter à Lyon. Pour cela, il lui faut un fief : le 6ème arrondissement est tout trouvé, c’est le quartier riche de Lyon ! Mais… il appartient à Christian Philip. Et c’est là que le piège prévu par Collomb se met en place. Perben se fait mal recevoir par Christian Philip : atterrissage raté, 6ème fermé. Christian Philip maintient sa candidature, jusqu’à 2 mois du scrutin ! Imaginez la difficulté pour les électeurs de s’y retrouver ! D’autant plus que cela accrédite la campagne de Collomb qui passe son temps à décrire Perben comme un étranger venu s’implanter à Lyon. Un joli coup de la part de Collomb qui est né en Saône et Loire !!! Mais Perben est tellement mauvais (mal conseillé ?), qu’il se défend mal, va peu sur le terrain, et passe son temps à poser avec le gouvernement, bref, fait tout ce qu’il ne faut pas ! Et il gagne le 6ème tellement mal qu’il perd beaucoup de crédit ! Collomb se prépare alors le 3ème arrondissement à grands coups d’investissements (berges du Rhône, conseillers spéciaux qui « fluidifient » les relations avec les associations, etc…), et en remplissant la section avec tout son cabinet, avec femmes, enfants , etc… Il veut gagner le 3ème pour compenser la perte probable du 5ème. Perte qui d’ailleurs n’aura pas lieu !
4ème période : L’estocade
Collomb voit Perben se préparer à venir sur le 3ème. Logique, mais dangereux pour lui. Thierry Philip montre sa gourmandise pour Lyon. Où va-t’il venir ? 8ème ? Mais que deviendrait Touraine ? Collomb préfère alors se rabattre sur son 9ème, qu’il faut d’ailleurs reprendre en main, et… donne le 3ème à Thierry Philip. Le cadeau en or. Certains se seraient prostitués pour l’avoir ! Ce qui relativise un peu la « fabuleuse » (ou présentée comme telle) victoire de Thierry Philip dans le 3ème arrondissement de Lyon, et la défaite de Perben au même endroit, qui a ouvert un boulevard à Gérard Collomb ! Il était d’ailleurs alors assez hilarant de voir des journaux lyonnais dire de Thierry Philip qu’il allait de succès en succès politique, alors que le succès de 2004 était celui de Queyranne, et de sa liste !
Et depuis ?
Christian Philip a parfaitement négocié son retrait face à Perben en obtenant une place de représentant de la France pour la francophonie, qui, gageons le, doit être source d’émoluments. Quant à Thierry Philip, cumul est un faible mot pour son sens de la politique ! Il s’est déjà présenté en interne pour les européennes, et beaucoup se demandent quand il va annoncer sa candidature aux prochaines législatives, voire les présidentielles ! Il serait intéressant de voir combien lui rapportent tous ses différents mandats, électifs et autres ! Mais, ça…
Quant à Collomb, il a fait (encore une fois) la preuve de sa maîtrise du billard à 4 bandes et plus… Ainsi va la vie lyonnaise…