Les circonstances de la mort de Jacques Bino agitent la Guadeloupe. Les négociations ne donnent rien. Dans les rues, le calme n’est qu’apparent. Reportage.
19h15 Pointe-à-Pitre, 00h15 à Paris : Les négos c’est une blague !
La rencontre entre le leader de la grève – le collectif LKP – et les médiateurs du gouvernement, n’a rien donné. « Les propositions faites ne correspondent pas à nos revendications sur les 200 euros. Ce qu’ils nous proposent c’est des miettes », s’énerve Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la CGTG, lors du rapide point presse au sortir du bâtiment de la PAF. Pas question de reprendre le travail. « C’est une blague ». Même son de cloche pour Elie Domota, qui embraye. « Ensemble nous lutterons, ensemble nous vaincrons, ce n’est pas demain que nous mettrons un genou à terre. » Non, demain, le programme est tout autre. Retour à la table des négociations prévu à 15 heures. En attendant, consigne est passée de rentrer prestement pour éviter des incidents. Et de nouveaux affrontements avec les jeunes qui tiennent les barricades. Même la sécurité LKP s’inquiète.
18h15 Pointe-à-Pitre, 23h15 à Paris En attendant le médiateur
Depuis 16 heures, heure locale, les représentants du LKP discutent avec les médiateurs du gouvernement… dans les locaux de la police aux frontières (PAF). Une chance, c’est à quelques mètres de l’hôtel Saint John, où logent presque tous les journalistes. Seuls deux cars de police et trois de gendarmes stationnent derrière le bâtiment.
16h15 à Pointe-à-Pitre, 20h15 à Paris
En attente du discours de Sarko à RFO…
La conférence de presse à la Mutualité ce matin s’est achevée par une nouvelle marche hommage à Jacques Bino. Avec trois tours autour de la place de la victoire. Trois, comme autant de générations de Guadeloupéens tombés au combat. En 1801-1802. En 1967. En 2009 avec Bino. 20 000 manifestants, se vante le LKP, dont l’un des meneurs a allégé l’ambiance avec une blague potache. « Au moment de tourner autour de la place. Si la tête touche la queue, la tête trouvera toujours un passage. » Plus tôt, au meeting du LKP à la Mutualité, l’intervention de José Bové a été fort applaudie.
8 heures à Pointe-à-Pitre, 13 heures à Paris
La nuit a été plus calme, même si la mairie de Sainte-Rose a été envahie, au grand mécontentement de son maire (UMP). Une nouvelle marche en l’honneur de Jacques Bino doit avoir lieu ce matin. Selon le LKP, 2000 personnes ont rendu hommage, la veille, au syndicaliste tué par balle. Un meeting au Palais de la Mutualité doit démarrer à 9h30, organisé par le LKP, afin de réagir aux annonces faites par le Premier ministre François Fillon, une aide de 200 euros aux plus bas salaires. Le mot d’ordre reste « hommage à Bino » et « on ne baisse pas les bras ». Même Victorin Lurel, député socialiste, pas le plus dangereux gauchiste de l’île, fait la moue. « Cette proposition ne changera rien »
Toute la journée de mercredi a tourné autour de la mort d’un homme. Jacques Bino est mort dans la nuit, aux alentours de minuit, tué par balles. Il était le fondateur de la section impôts à la CGTG, membre de Akiyo, et contrôleur des impôts. Un fonctionnaire, qui ne demandait donc pas les 200 euros d’augmentation, et père d’un enfant de huit ans.
Après le meeting de la fin de matinée et la marche funèbre de l’après-midi, à partir de 17 h, les discours commémoratifs fusent devant la Mutualité. Au micro, se succèdent amis et collègues de Jacques Bino, qui, la gorge nouée, se souviennent…
Philippe Pépin, un ancien camarade de la CGTG : « Ce qui me revient d’abord de Jacques Bino, c’est sa gentillesse (…) Il était incapable de se mettre en colère. Jacques Bino était militant depuis 1993, il a participé à la grève de 1994, à celle de 1998, c’était un homme de terrain. Il était très actif. Quand on lui disait : tu viens ? Il répondait : je viens ».
Jean-Marie Nomertin, Secrétaire général de la CGTG : « Je suis enragé (…) On dit que ce sont des jeunes qui l’ont tué par accident. Mais pourquoi l’avoir saigné de trois balles alors ? Nous voulons la vérité. »
Patrice Tacita, leader d’Akyo : « Jacques Bino était toujours là quand il fallait gérer les questions pratiques et logistiques. Après une réunion syndicale ou une manifestation, il s’assurait toujours de savoir si tout le monde était bien rentré chez soi. »
Un jeune guadeloupéen, musicien : « On dit que ce sont des jeunes délinquants qui ont tué Jacques Bino. Ca fait deux jours que j’entends parler de jeunes délinquants. Or, cela faisait quatre semaines que tout se passait très bien. Depuis avant-hier, il y a du bordel. J’ai grandi dans les ghettos, j’en suis sorti, et je demande aux jeunes de revenir au calme. Mais ça fait longtemps qu’on aurait dû régler les problèmes que rencontrent ces jeunes… »
Elie Domota, chef du collectif LKP, et leader de la grève : « C’est seulement quand le sang est versé qu’on commence à nous écouter. On a des coups de fils dans tous les sens maintenant. Des coups de fil de Michèle Alliot-Marie, de Jégo… comme s’ils n’avaient rien fait jusque là ! Ce qui est le cas. (…)
Avec Nicolas Sarkozy, il vaut mieux être un Pitbull qu’un Guadeloupéen. Si un Pitbull te mords en Guadeloupe, le lendemain, Sarkozy fait une loi sur les Pitbull. Alors que nous, cela fait des semaines que nous marchons, et nous n’avons toujours rien obtenu.
Pour moi, les vrais responsables de la mort de Jacques Bino, c’est le patronat et l’Etat. Le 8 février, nous avions trouvé un accord avec les élus : un RSA pour 5000 personnes. Jégo était d’accord, Lurel était d’accord, tout le monde était d’accord. Mais Jégo est parti, sans prévenir. C’est de leur faute si nous sommes encore dans la rue.
Ensemble nous luttons, ensemble nous gagnerons, jamais nous ne fléchirons ».
Une minute de silence est observée, entre les drapeaux rouges et les bandeaux noirs, qui marquent le deuil.
A la tombée de la nuit, alors que les grévistes rentrent doucement chez eux, deux questions restent en suspens. Qui a tué Jacques Bino : des jeunes, par accident, un tireur d’élite, sur ordre du préfet, ou un autre type, par vengeance personnelle ? Et : sa mort va-t-elle calmer les gros chahuts nocturnes ou au contraire les encourager ? Il est 20 heures à Pointe-à-Pitre, la ville est calme. Mais le trop calme peut être douteux, surtout à la veille d’un grand rendez-vous, dans l’Hexagone, entre Nicolas Sarkozy et les syndicats, auquel quelques élus de Guadeloupe sont conviés.
Mais aussi après l’intervention télévisée du Président mercredi, où Nicolas Sarkozy n’a évoqué l’Outre-mer qu’à la toute fin de sa déclaration, relevant du bout des lèvres « l’angoisse », « l’inquiétude » et « une certaine forme de désespérance de nos compatriotes des territoires d’Outre-mer ».
Nicolas Sarkozy devrait intervenir à nouveau, jeudi soir, sur RFO.
Lire ou relire dans Bakchich :
Ce déballage public des disfonctionnements structurels et des iniquités mémorielles qui subsistent entre les Dom-Tom et la métropole pose la question de ces deux entités bien distinctes qui sont vendues à l’Union Européenne et aux agences de voyage comme communes, car la base des réflexions à avoir se porte sur la légitimité, l’identité et l’intégrité territoriale.
la suite ici : http://souklaye.wordpress.com/2009/02/09/pour-une-poignee-de-bananes…/
« Convocation des États Généraux »… en Outre Mer seulement !…
Pourquoi pas aussi en Métropole ?
Louis XVI déjà… (‘paix à son âme’…) avait convoqué les « États Généraux »… juste avant la… 1ère.… Révolution française !
Les privilégiés de l’époque… noblesse et clergé… ont fait capoter ces « États Généraux »… et ç’a été la fin du régime !
Les privilégiés de nos jours… Fonctionnaires et Élus… vont-ils accepter « l’ABROGATION de leurs PRIVILÈGES » ou… tout faire capoter ?
Ces États Généraux certes limités à l’Outre-mer… n’annoncent-ils pas la fin du socialogaullisme… la fin du « régime totalitaire de la Vème » ?..
Lueurs d’espoir !
A PROPOS DE LA MORT DU CAMARADE JACQUES BINO
Ceci s’adresse au correspont de Bakchich. Jacques BINO était accompagné. Pourquoi n’essayez-vous pas d’interviewer le passager, présent au moment du drame ?