Le collectif Big Brother Awards s’amuse depuis dix ans à décrypter les apôtres de la surveillance, du flicage et de la sécurité outrancière. Fruit de leur travail : une remise des diplômes, toute en ironie.
51 candidats pour 10 prix. Les Big Brother Awards récompensent depuis 2000 les accros du sécuritaire, les acharnés de la surveillance, les paranos du fichage. Cette année encore, les jurés composés de journalistes, magistrats, responsable d’association, écrivains ou encore sociologues ont eu fort à faire pour départager les candidats. Reportage.
.Prix Orwell Etat/ Elus : Eric Besson, ministre de l’immigration, remporte le Prix haut la main. Les chefs d’inculpation sont multiples : durcissement des quotas d’expulsions, refus de disculper les personnes et associations aidant les migrants, expulsion expéditives hors contrôle du juge des libertés et non respect des droits des migrants. Comme dit Eric Besson "c’est pas Auschwitz". Encore heureux !…
-Mention spéciale Fichiers : les ministres successifs de l’Education nationale (en l’espèce, Xavier Darcos, Luc Chatel et Gilles de Robien), pour six années d’efforts à mettre en place un fichage systématique (sans base légale et dénoncé par des instances de l’ONU comme le Conseil des droits de l’enfant) des enfants dès l’âge de trois ans. Base Elèves et la BNIE (Base nationale d’identifiants élèves) sont le socle d’un futur "Safari", qui permettra un fichage à la source des futurs actifs, façon "casier scolaire".
-Mention spéciale « Exécuteurs des basses oeuvres » : Eric Ciotti, député et président du Conseil général des Alpes-Maritimes. Il est rapporteur de la dernière loi sécuritaire de l’ère Sarkozy ("Loppsi2"), "porte-flingue" du gouvernement pour toutes les questions de sécurité intérieure, et "conducator" zélé d’un département qui veut être le premier à supprimer les allocations aux familles en difficultés
.Orwell Localités :Christian Estrosi, le maire de Nice, est le promoteur en tant que ministre de la fameuse loi « anti-bandes » votée cette année, mais c’est surtout pour sa volonté de faire de sa ville un laboratoire de la vidéosurveillance qu’il a été distingué (en projet, un réseau 600 caméras à Nice pour un investissement de 7,6 millions d’euros).
.Orwell Entreprise : les banques BNP Paribas, la Banque Postale, LCL, la Société générale… et tous les autres établissements bancaires qui laissent ou incitent leurs employés à dénoncer aux services de la Préfecture les clients sans papiers venus à leur guichet
-Mention spéciale Internet : Trident Media Guard & son actionnaire Thierry Lhermitte, qui escomptent bien faire des profits faciles sur la surveillance des internautes autorisée par l’Hadopi
.Orwell Novlang : Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, qui a signé le décret imposant le terme de « videoprotection » à la place de « vidéo-surveillance »
-Mention spéciale médias : Ex-aequo Les Infiltrés (France 2 / CAPA) pour avoir divulgué les pédophiles filmés en caméra caché, et le journaliste du JT de TF1, dans l’affaire Continental, pour avoir diffusé des images non-floutées qui ont permis d’arrêter et de condamner des syndicalistes.
*Prix Voltaire : Il récompense des individus et des collectifs qui luttent contre la surveillance et tentent d’enrayer la frénésie de contrôle des élus et des responsables publics et privés. C’est le groupe Pièces et main d’oeuvre (PMO) qui l’emporte. Né à Grenoble il y a une dizaine d’années, c’est son minutieux travail d’information sur les relents totalitaires des techno-sciences qui a remporté les suffrages. Ils sont notamment parvenu à contrer avec éclat la campagne d’acceptation des nanotechnologies organisée fin 2009 par le gouvernement via la "Commission du débat public" (CNDP).
.Prix Spécial du Jury : Alex Türk, sénateur du Nord et président de la Commission de l’informatique et des libertés (CNIL). Coupable d’avoir participé à l’érosion des pouvoirs de la CNIL, ainsi que son double discours perpétuel a poussé le jury, à l’unanimité, à l’extraire de la sélection pour lui réserver cette distinction particulière. Il était nominé en tant qu’ « exécuteur de basses œuvres » et pour son appétit à jouer de la « novlangue » avec persévérance
La 10ème édition des Big Brother Awards en France se clôturera le 29 mai à St Denis, à la Belle Etoile, dans le théâtre de la Compagnie Jolie Môme. Car, outre la traditionnelle compétition annuelle, les Big Brother Awards proposent une journée de rencontres et d’ateliers, en invitant les différents collectifs et organisations de résistance qui ont été distingués par un Prix Voltaire au cours de ces dix dernières années.
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