Pour Vivendi, tous les moyens sont bons pour éviter que ses petits actionnaires français rejoignent une "class action" engagée aux Etats-Unis. Sans grand succès pour l’instant.
Occupée à mater par tous les moyens, fussent-ils de basse barbouzerie, la révolte individuelle de ses petits actionnaires français représentés par Maître Frédérik-Karel Canoy, Vivendi doit aussi s’employer sur son front de l’Ouest. Là-bas, sa mission consiste à mettre à mal l’action collective (« class action ») lancée aux USA à son encontre et à celle de ses dirigeants emblématiques, Jean-Marie Messier et sa « première gâchette » Guillaume Hannezo.
Contrairement aux méthodes un brin expéditives employées en France à l’encontre du « Colombo du Petit Porteur » et de ses fidèles, des mauvaises manières mises d’ailleurs en évidence par les perquisitions récentes du juge Cassuto, c’est d’avantage sur ses réseaux d’influence que Vivendi s’est appuyée pour tenter d’impressionner la justice américaine. Sans succès notable malgré l’ampleur des moyens déployés.
Le 21 mai 2007, le juge Richard J. Hollwell rendait en effet une ordonnance de validation de l’action collective engagée par les actionnaires de Vivendi. Une action qui autorise notamment à se joindre à la fête, les actionnaires français ayant acheté des titres Vivendi entre le 30/10/2000 et le 14/08/2002.
Déçu et inquiet d’une telle décision, Jean-François Dubos, le secrétaire général de Vivendi qu’on ne présente plus, a donc activé ses réseaux : il a d’abord recherché l’avis d’un membre éminent du ministère français de la Justice en la personne de Marc Guillaume, ex-directeur des affaires civiles et du sceau devenu depuis secrétaire général du Conseil constitutionnel. Dans sa réponse du 3 avril 2007, l’homme de droit a répondu à Dubos qu’une class action de type « Opt-Out », c’est à dire autorisant tous les grugés potentiels français à s’enrôler, même ultérieurement, pour faire rendre gorge à Vivendi à moins d’y avoir formellement et individuellement renoncé, serait contraire à une décision du Conseil constitutionnel de 1989…
Plus récemment, Marc Guillaume expédiera une nouvelle réponse aux avocats de Vivendi, réitérant son avis selon lequel « la loi française ne reconnaît pas les class actions de type ‘Opt-Out’ largement utilisées en droit américain » (lettre de Marc Guillaume à Jean-François Dubos du 9 mars 2009, immédiatement remise par ce dernier à Paul Saunders, avocat de Vivendi, qui la remettra à son tour au juge Hollwell dès le 11 mars) et cite de nouveau la décision n° 89-257 du Conseil constitutionnel à l’appui de sa démonstration.
Pour faire bonne mesure, Vivendi présentera également au juge américain une lettre de Pascal Clément, ancien ministre de la Justice, laissant entendre en des termes certes très mesurés, que le juge yankee serait bien avisé de prendre, en droit international, l’argumentation juridique de Marc Guillaume en considération.
Les démarches en faveur de Vivendi afin d’interdire aux actionnaires français d’agir aux USA ne manquaient pas de saveur ; à plus d’un titre…
Flash-back : interrogé lors de ses vœux à la presse, le 11 janvier 2006, sur l’avenir de la « class action » en France, le ministre de la Justice, un certain Pascal Clément, avait d’abord fait mine de ne pas comprendre la question. Il s’était ressaisi et avait, assez laborieusement, expliqué à son auditoire qu’en dépit des promesses du chef de l’Etat lors de ses vœux de bonne année fin décembre 2004, la « class action à la française » était définitivement enterrée… Pensez donc, permettre à ces caves d’épargnants de se rebiffer collectivement grâce à un partage des frais de justice n’était pas du tout dans l’air du temps. Peut être pour les affaires d’escroquerie à la consommation et encore…
Enterrée, elle l’avait déjà été des années plus tôt ; lorsqu’un certain Clément Pascal, qui n’était encore que le vice-président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, dirigeait la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la réforme du droit des sociétés. Et que, l’air de ne pas y toucher, il avait interrogé le 27/11/2002, un certain Guillaume Marc en ces termes : « Pourriez-vous éclairer la mission sur le problème de la Class Action à la française permettant de mettre en cause, le cas échéant, la responsabilité des administrateurs ?… ».
Faisant explicitement référence au cas Vivendi, Marc Guillaume avait –déjà- répondu à l’époque : « Nous ne devons pas importer en France, les défauts de la Class Action dans les modalités de sa mise en œuvre, tout en conservant les inconvénients du pénal… ».
Autres temps, autre mœurs ; devenu avocat au sein du bureau de Paris du cabinet Orrick, Herrington & Sutcliffe LLP, ce même Pascal Clément ne se privait plus de faire usage de la si décriée class action notamment pour le compte de sa cliente Vivendi (tiens tiens) à l’encontre de la « méchante » Deutsche Telekom, accusée du « vol » de 48% des parts de l’opérateur mobile polonais PTC ; un différend de l’ordre de 7,5 milliards de $ qui justifiait bien un léger retournement de veste… Par malchance pour Vivendi et ses avocats de prestige, un tribunal de Seattle rejettera finalement le recours de l’ancien joujou de Messier et de ses co-demandeurs contre l’opérateur allemand, leur reprochant surtout d’avoir fait le tour du monde des juridictions pour essayer de trouver enfin une oreille favorable…
Malgré ces prestigieux témoignages juridiques en faveur de Vivendi, le juge yankee Richard J. Hollwell est resté droit dans ses bottes. Le 31 mars 2009, il a rendu un avis définitif et a rejeté la requête de Vivendi de voir ré-examinée la class action engagée à son encontre et à laquelle les actionnaires français peuvent donc définitivement se joindre. Comme pour bien enfoncer le clou, il a indiqué que, quel que soit le sort juridique réservé aux actions collectives éventuellement engagées en France, « …en outre, il est raisonnable de penser qu’il existe de nombreux actionnaires français de Vivendi qui ont des demandes de dédommagement trop faibles pour justifier une action individuelle et il est certainement de leur intérêt de participer à une class action… ».
Interrogé sur les conséquences de l’ouverture de ce deuxième front, Maître Canoy qui, jusqu’à présent, a su déjouer toutes les manœuvres de sa puissante adversaire et conserver la quasi totalité de ses clients, ne pense pas que les actionnaires individuels français vont rejoindre en masse l’action collective engagée aux USA contre Vivendi. « On est trop près du but à Paris », ajoute-t-il dans un sourire énigmatique avant de conclure : « par contre l’évaluation du préjudice individuel des actionnaires par les tribunaux américains va être intéressante à suivre ». Une question que doit aussi se poser Jean-François Dubos qui paraît avoir utilisé tous ses jokers…
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On comprends pourquoi l’homme à la chaussette trouée revient en France. Il se sent à l’étroit aux States ?
et merdum, j’ai eu quelques actions Vivendi, m’en vais voir si je peux lui piquer quelques picaillons, après tous ceux qu’il m’a taxé