L’avocat Dominique Inchauspé a voulu comparer les droits français et anglo-saxons. Où l’on se rend compte qu’en France comme aux USA et en Angleterre, la justice est fondée sur la faiblesse de ceux qui la rendent.
Dominique Inchauspé est un avocat qui laisse aux pioches les effets de manches. Il bosse comme un nègre, alors qu’il n’en a pas besoin puisque son écriture est remarquable. Un pavé après l’autre, le maître tente d’encercler la justice de la muraille de ses livres. Par son travail, il veut expliquer à tous, donner des lunettes à la grande aveugle. Des avocats écrivent des livres pour faire joli dans leur bibliothèque ou passer à la télé ; l’Erreur judiciaire n’entre pas dans cette catégorie. Vous me direz qu’avec ce thème, de Platon à Christophe Hondelatte, l’audience est ouverte.
Face à ceux qui nous bassinent avec la supériorité du droit anglo-saxon sur le code Napoléon, Inchauspé est allé voir. Il met dans la balance tout le système de la procédure in english. Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, le scénario est le suivant : l’équivalent de notre instruction se fait à l’audience sur des éléments recueillis de façon peu organisée. Les « preuves » ne sont utilisées que pour justifier la tenue du procès. Mais ne pèsent plus sur les épaules du prévenu dès qu’il entre en « homme libre » au tribunal. Là, chaque acteur ayant permis d’incriminer un homme redevient témoin. Il est alors, par « votre Honneur », prié de justifier ses investigations, cuisiné par la défense et l’accusation. On voit ça dans les séries télé. Heureusement, 95 % des accusés « plaident coupable », ce qui simplifie le boulot. Sinon, l’exercice de cette justice-là serait impossible.
Et que donne ce système, en plus de satisfaire Hollywood ? Il fabrique trop d’erreurs judiciaires. D’abord, une pensée pour ce condamné à mort américain, toujours vivant puisque, pendant trois heures, ses bourreaux n’ont pu trouver sa veine (proposons l’exportation de la guillotine). Et chacun connaît – merci l’analyse ADN – les ravages provoqués par les certitudes des jurés populaires, celles qui ont envoyé injustement des hommes, le plus souvent noirs, à la mort.
Il y a vingt-cinq ans, les flics américains n’arrivaient pas à fournir à la tâche, il y avait des Outreau partout. Des filles déclaraient avoir été violées, vingt-cinq ou trente ans plus tôt, par leur père. Des gamins des écoles se disaient, eux aussi, violés, attouchés, photographiés façon pédophile. Inchauspé rappelle le cas de Jordan, une petite ville du Minnesota où 25 adultes se sont retrouvés en cabane. C’était la mode. Les psys disaient aux filles : « Ne pensez-vous pas que votre traumatisme vient d’un viol par votre père ? » Mais c’est bien sûr… À la télé, des gamins entendant de drôles d’histoires de zizis montaient les leurs, d’histoires, et les familles partaient dormir en prison. L’accusation était là, on verrait plus tard pour rendre justice.
Revenant sur notre terre, dans le ventre du monstre judiciaire bien sûr, celui d’Outreau. Où un juge puis des juges n’ont pas su arrêter la folie. En France, Inchauspé, pièce par pièce, reprend deux « fausses » erreurs judiciaires. Pour l’avocat, Guillaume Seznec et Omar Raddad sont deux coupables. Vient le cas de Jean Deshays, accusé d’un meurtre, en 1948 près de Nantes. Tout démontre qu’il est l’auteur du crime jusqu’à ce que le véritable assassin, bien plus tard, se dénonce (à suspense, le bouquin de notre avocat est aussi un polar). L’analyse de l’affaire Dils – innocent – est celle d’une vérité introuvable. Suivent de très nombreuses pages sur le déraillement d’Outreau, où il y a encore à dire.
Le difficile, en matière de justice, reste de juger juste. Le droit anglo-saxon, surtout aux États-Unis, fonctionne mieux quand, par l’action d’un avocat coûteux, on est assez riche pour inonder l’audience de preuves et d’expertises. En France, évidemment, la justice « de classe » fonctionne aussi. Mais le système du « pour et du contre » qui régit l’instruction est, a priori, plus protecteur pour chacun de nous. Heureusement, Nicolas Sarkozy va changer tout cela. En confiant l’instruction au procureur, un accusateur qui obéit au gouvernement. Et aussi en multipliant dans les prétoires le cocktail magistrats-jurés, une recette inaugurée par le régime de Vichy en 1941.
comprends pas…comment peut on juger une chose qui n’existe que dans le virtuel et dans les films
si la justice existait cela se saurait…non ?
A…moins qu’elle n’existe que pour certains…qui peuvent ce la payer…
dans un livre il y aurait d’écrit… dent pour dent…oeil pour oeil…est ce que cela a à voir avec ce qu’on appel justice… ?
Pour ce que j’en ai vu, le Droit anglo-saxon protège mieux les libertés individuels des non-criminels, protège mieux les magistrats eux-mêmes, et protège mieux les entreprises. Dans les deux premiers cas c’est une supériorité qui influe sur la gouvernance, mais pas sur les droits de la Défense. Dans le troisième cas, c’est une supériorité qui permet aux entreprises de mieux se défendre d’une part contre les entreprises de Droit non anglo-saxon, et d’autre part contre les individus.
Notamment, lorsqu’elle est attaquée, une entreprise peut, dans le Droit anglo-saxon, poursuivre pour diffamation son accusateur pour le faire taire, puisque l’entreprise demandera des dommages et intérêts directement liés à son manque à gagner, sans rapport avec les moyens économiques d’un individu. Ça s’appelle une slap-action, et la réponse des-dits individus est la class-action : se regrouper pour attaquer.
Autrement dit, le Droit anglo-saxon défend mieux les individus non-criminels contre l’État, mais pas contre les entreprises, et il rend la défense d’un criminel plus difficile qu’en Droit français.