Ordonnance de renvoi en correctionnelle pour sept acteurs du dossier Vivendi dont Messier, Hannezo et Licoys. Une victoire de l’avocat Karel Canoy, alias "Columbo".
Fréderik Karel Canoy, l’avocat des petits porteurs de titres Vivendi, affectueusement surnommé « Columbo » dans nos colonnes, a un grigri ; un chiffre porte-bonheur. Le 7. Comme les 7 années qu’il a passé à ferrailler contre les dirigeants de Vivendi Universal pour s’être payer la tête, et le portefeuille de leurs actionnaires. 7 comme le nombre de lascars renvoyés en correctionnelle par une ordonnance de 280 pages du juge d’Huy datée du 16 octobre.
La brochette est impressionnante : à tout seigneur tout honneur, c’est Jean-Marie Messier qui ouvre le bal pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses sur le niveau d’endettement du groupe, manipulation de cours et abus de biens sociaux.
Suivent par ordre de préséance, Guillaume Hannezo, sa mauvaise conscience au look de Lucky Luke défraîchi qui trinque pour délit d’initié, Eric Licoys pour abus de biens sociaux, les rois de la gestion de la trésorerie Hubert Dupont Lhotain et son adjoint Blondet, qui ont eu la faiblesse d’obéir au Boss et de passer des ordres de bourses discutables à l’ami Guez de la Deutsche Bank.
Ce dernier avait même demandé à sa hiérarchie à l’époque l’autorisation de faire le grand écart tellement l’exercice lui paraissait périlleux. Tous trois morflent pour manipulation de cours.
Reste Edgar Bronfman Junior le Canadien, qui devra lui aussi répondre du délit d’initié pour avoir vendu ses stock-options en janvier 2002 alors qu’il avait connaissance de petits secrets non communiqués au public.
L’héritier de la famille Bronfman qui puise sa fortune notamment dans le commerce d’alcool et la prohibition, s’était jusqu’à présent présenté comme victime des agissements de Messier…Faut croire qu’il n’a pas été assez convaincant. Pour faire bonne mesure, le juge suggère même que tout ce joli monde soit maintenu sous contrôle judiciaire.
Pour le Parquet, qui avait requis au terme de contorsion juridiques inédites relevées par Bakchich.info le 26 février, (« dossier Vivendi : quand non-lieu rime avec laborieux ») un non-lieu général, le coup est rude. Presque autant que pour les « renvoyés » dont l’échelle des responsabilités respectives est sans commune mesure.
On pourrait donc entendre rapidement parler d’un appel de cette ordonnance, formé soit par le parquet pour sauver la face, soit par l’un ou l’autre des 7 lauréats, dans les dix jours de la notification de la décision. La rencontre pourrait d’ailleurs être cocasse : c’est Edith Boizette, l’ancienne juge d’instruction et l’actuelle présidente de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris qui avait à l’époque, fixé le montant de la consignation devant être versée à la suite du dépôt de la plainte de « Columbo-Canoy ». Nul doute qu’elle sera ravie d’entendre les explications des appelants…
Le renvoi en correctionnelle est donc une très mauvaise nouvelle pour Messier dont les réseaux politiques impressionnants, et la présence à ses côtés de Jean-Charles Charki, le gendre de Claude Guéant, dans Messier Partners sa nouvelle boite à malice, ne sont pas parvenus à lui éviter ces nouvelles déconvenues judiciaires à Paris.
Malheureusement pour lui, ça pourrait être pire encore à New York : « Columbo », qui a fait un passage éclair sur la Côte Est le 5 octobre pour assister à l’ouverture du procès Vivendi devant le tribunal fédéral du district sud a eu l’occasion d’échanger quelques considérations sur l’affaire avec le juge Orwell qui mène les débats de l’autre côté de l’atlantique. L’Honorable juge, était auparavant avocat au sein du prestigieux Cabinet White & Case où il s’occupait de valeurs mobilières, de faillites et d’affaires liées aux marchés financiers.
Pas très bon pour les défendeurs qui avaient l’intention de l’enfumer avant l’ouverture des débats. Le courant semble être bien passé entre le Juge et « Columbo » suscitant au passage l’indignation difficilement contenue des avocats de Messier, Hennezo et de Vivendi.
L’échange a été fructueux. Avec son flair légendaire, « Columbo » a découvert que les avocats de la Class Action qui représentent les actionnaires floués de Vivendi, n’avaient même pas connaissance de l’action pénale engagée par lui à Paris et n’en avaient donc fait aucun usage dans leurs conclusions. Une légèreté qui confine à de la négligence et pourrait leur coûter fort cher si leurs clients venaient à le leur reprocher, et à demander à en être indemnisés au tarif local.
Si l’ordonnance de renvoi du juge d’Huy est confirmée, on pourrait bien assister prochainement à quelques empoignades épiques entre le « petit » Columbo et les « gros » avocats de la Class Action, à savoir les cabinets Milberg et Abbey, afin que ces derniers fassent à l’homme à l’imperméable froissé, la place qui lui revient légitimement dans la conduite du procès new-yorkais.
« Columbo-Canoy » a en effet quelques arguments à faire valoir : d’abord, qu’un certain nombre de « ses » clients de la première heure, sont présents et représentés aux US par des mecs négligents, du simple fait de la législation américaine sur les actions collectives, sans qu’ils n’en n’aient jamais explicitement manifesté l’intention.
Ensuite parce que le dossier pénal français contient quelques « perles » en matière de dépenses somptuaires, de nature à rendre un peu plus hostiles à Vivendi, les malheureux jurés payés 40 dollars par jour pendant le procès pour entendre les sornettes de ses dirigeants.
Enfin parce que l’audition de "Columbo" comme témoin à charge, le jour même de celle de Messier prévue pour début novembre, serait sans doute de nature à tempérer un brin la verve et à affaiblir considérablement la défense de l’ex-Maître du Monde.
Et à faire de cet épisode inédit de la cultissime série, un moment inoubliable.
Message à "La Camorra"
S’il a acquis ses actions entre les dates fixées par le tribunal (novembre 2000-août 2002) tout actionnaire français est automatiquement inclus dans la Class Action américaine sauf s’il a explicitement manifesté avant le 15 septembre 2009, son intention d’y renoncer. (c’est une Class Action de type ’opt out’). Il n’a donc rien à faire et rien à payer si ce n’est d’attendre que Messier et sa clique, solidaires de Vivendi Universal, soient condamnés à indemniser leurs victimes. Ce qui est sympa avec "Columbo" c’est qu’il est aussi encore temps de se joindre à son action civile à Paris si l’on a acheté (ou acquis, notamment par échange de titres Vivendi SA contre des titres Vivendi Universal) des actions Vivendi entre 2000 et 2002. Suffit de le joindre au 01 43 98 96 36, et de préciser les conditions d’acquisition des titres en question (date et prix d’acquisition, toujours en portefeuille ou cédés et si tel est le cas, à quel prix).
Pour le Parquet, qui avait requis au terme de contorsion juridiques inédites relevées par Bakchich.info le 26 février, (« dossier Vivendi : quand non-lieu rime avec laborieux ») un non-lieu général, le coup est rude.
La politique américaine est déplorable, mais un Messier ne serait pas relaxé par un parquet aux ordres du pouvoir