J-1. Six candidats se bousculent au barreau pour succéder à terme au bâtonnier actuel. Petit journal de campagne et zoom sur la bonne affaire immobilière de l’école de l’ordre. Issy même.
J-1 Santini change de barreau
A l’issue des élections de l’ordre des avocats de Paris, le 30 novembre et 2 décembre prochain, le bâtonnier Jean Castelain aura la joie de connaître son dauphin. L’heureux élu, pendant un an, se mettra au parfum des dossiers prioritaire du barreau avant d’en prendre la tête pour deux ans (et 180 000 euros HT annuels).
Avec un peu d’avance, et beaucoup de sollicitude, Bakchich se propose de déblayer un peu le terrain du dauphin…et de le faire flipper un brin avec l’épineux dossier de l’École de formation du barreau (EFB).
Sentant ses poulains trop à l’étroit dans leurs locaux parisiens, les pontes de l’ordre des avocats cherchent depuis des années à trouver un lieu propre à accueillir l’EFB.
Le salut est venu d’une terre bénie des affaires, véritable paradis des avocats, les Hauts-de-Seine. D’où a surgi un bienfaiteur, le maire d’Issy-les-Moulineaux André Santini. Si le bon Dédé n’a jamais caché son amour des barreaux de chaise, son idylle avec le barreau de Paris est aussi récente que passionné. Le fondateur du club des parlementaires amateurs de cigare a tout bonnement décidé d’offrir pour un euro, un terrain de 1740 m2, en plein Issy, au conseil de l’ordre, afin qu’il puisse bâtir son école.
Et ce beau geste n’a pas laissé insensible le barreau. D’autant que Santini a, à force reprises, confirmé ses intentions. Que ce fut en participant à des séances du conseil en juin, en accompagnant les avocats sur ledit terrain en juillet ou en déposant le projet de cession à l’ordre du jour du conseil municipal du 16 décembre.
Mais nulle romance ne survit sans petites contrariétés. Et les mauvais coucheurs- doublés de pointilleux juristes- de s’inquiéter. Qu’une collectivité territoriale cède à une entité privé, fut-ce un ordre des avocat, pour un euro, un bien estimé par André Santini lui-même à 17 millions d’euros, ne serait-ce répréhensible ? Si, si… "Détournement de fonds publics pour la mairie, recel de détournement pour l’ordre, voire corruption active et passive pour l’un et l’autre s’il y a contrepartie", décrit à Bakchich l’associé d’un des plus grand cabinet d’avocat parisien.
De bien gros mots en attendant des plus gros maux ?
Les droits à payer lors d’une transaction foncière ou immobilière pourraient aussi titiller les services fiscaux de l’Etat. La TVA payée sur une vente d’un euro s’avère curieusement bien moins élevée que la taxe perçue sur une opération à plusieurs millions. CQFD "On ne peut pas parler de fraude fiscale, jure Olivier Haumant, le directeur général des services de la mairie, qui gère l’opération. S’il y a des taxes à payer nous aviserons avec l’ordre". Et le fonctionnaire de préciser "que le terrain ne vaut pas 17 millions d’euros mais 5". Soit la valeur auquel la mairie s’apprête à racheter le terrain auprès de la SNC Forum Seine avant de le céder gracieusement à l’ordre…
En résumé, la mairie s’apprête à acheter 5 millions un terrain qu’André Santini estime à 17 millions avant de le revendre pour un euro au barreau, afin qu’y soit construit son école de formation. Limpide et si peu suspect que le barreau de Paris a tout de même dépêché un cabinet d’avocat pour évaluer les risques de l’opération, qualifié par ses propres soins de "cadeau".
Billevesées qui n’ont pas empêché les réjouissances du 23 novembre dernier. Le conseil de l’ordre, auquel a assisté André Santini a entériné les choix de Jean-Michel Wilmotte comme architecte du projet et de Bouygues comme opération. Une mise à 45 millions d’euros, célébrée dans les volutes d’un barreau de chaise, offert par André Santini au bâtonnier Castelain. Pourvu qu’ils ne se soient pas enfumés…
J-5. Le barreau de Paris ne craint pas les frimas
Sous sa robe, le conseil de l’ordre dispose d’épais bas de laine. Gérée par ses soins, la Carpa (Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats de Paris) déborde de 966 301 531 euros exactement, selon les comptes 2009. Vous avez bien lu. Un milliard d’euros. De l’argent qui fait des petits dans les coffres de BNP Paribas, dont le barreau de Paris est le deuxième plus gros client. Un magot assorti de 79 800 720 euros de fonds propres.
Les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là. Excellent cru, l’année 2009 s’est achevée en fanfare. La Carpa a dégagé un résultat net de 4 860 115,98 euros, tandis que les comptes du barreau affichaient 13 350 673,49 euros de bénéfices. Une réussite qui mettra un peu de baume au cœur des 15% d’avocats parisiens en faillite. Ou à ces conseils qui sont sans le sou. En 2009, pour aider les jeunes pousses dans le besoin, l’ordre a eu une idée superbe : créer une pépinière. À savoir des locaux, loués à un tarif modeste, pour que les avocats fauchés puissent accueillir leurs clients en des endroits décents. Las, la structure s’avérant déficitaire, les tarifs vont augmenter en 2011.
Le riche barreau sans cœur ? Pas pour tout le monde. Grande nouveauté, le prochain vice-bâtonnier sera indemnisé par l’ordre. Son pécule : 90 000 euros brut sur l’année, soit la moitié des émoluments du bâtonnier. Dur.
J-8. Un lot de casseroles.
Six candidats, dont trois épaulés par un co-listier, et deux femmes, les candidats se bousculent au barreau de Paris. Enfin, au dauphinat. Le vainqueur du scrutin, pendant un an, endossera le titre envié de dauphin du bâtonnier actuel Jean Castelain. Avant de prendre sa suite pour deux ans. Lesquels deux ans de représentation seront indemnisés 180 000 euros HT annuels.
Un gros lot autour duquel s’agitent les casseroles. Et pas seulement autour de Catherine Paley-Vincent, co-listière de Pierre Olivier Sur (voir plus bas).
Candidate, la spécialiste de l’immobilier, Brigitte Longuet, a un Monsieur au passé sulfureux. Gérard Longuet, sénateur UMP et toujours maintes fois relaxé dans les affaires de financement politique.
Un blanchiment qui attend peut-être les deux candidats sous le coup d’une procédure disciplinaire de l’ordre : Bruno Toussaint et Gérard Coscas, qui encourent une inéligibilité. "L’ordre me salit depuis deux ans mais je n’ai aucun plainte de client", jure à Bakchich, Coscas, qui n’a de cesse de dénoncer les méthodes de l’ordre.
Quant à la spécialiste des nouvelles technologies, Me Christiane Féral-Schuhl, ses adversaires se sont émus de son savoir-faire. L’experte a défendu jusqu’en 2009 la société "Eurl Europe Election", spécialiste du si décrié vote électronique… qui va justement s’occuper des scrutins des 30 novembre et 2 décembre. Précautionneux, et désireux d’éviter la bataille juridique de trois ans autours des élections de 2004 quant au vote électronique, l’Ordre a fait voter la nomination d’un expert pour surveiller les élections. Ouf…
J-11 - La candidate à la vice-présidence du bâtonnat de Paris est en butte à de violentes critiques pour avoir créé des sociétés commerciales au sein de son cabinet d’avocats.
Bienvenue dans le monde feutré mais impitoyable des avocats parisiens. La campagne pour l’élection du futur bâtonnier de Paris, qui aura lieu les mardi 30 novembre et jeudi 2 décembre, ne se fait pas à fleurets mouchetés. Pour séduire les 22500 avocats du barreau de Paris, le plus important de France, les six candidats à cette prestigieuse charge, accompagnés de leurs vice-bâtonniers, mènent une véritable campagne politique. Les réunions se multiplient dans les grands cabinets parisiens, transformés pour le temps d’une soirée en un préau électoral ; et les ragots volent bas dans une profession de paons où, depuis Daumier, la robe fait le moine.
Six candidats se présentent au bâtonnat de Paris. Les outsiders, Jean Balan, Bruno Toussaint et Gérard Coscas, ne sont pas des célébrités. Tout aussi inconnus du grand public, les trois favoris sont Christiane Féral-Schulhl, spécialiste du cyberdroit et de l’e-commerce ; Brigitte Longuet, plus branchée sur l’immobilier et épouse de l’ex-futur ministre et Pierre Olivier Sur, un de ces grands avocats pénalistes, qui penchent à gauche pour les droits de la défense et à droite pour la composition de leur clientèle.
Deux femmes sur les trois prétendants, ce qui n’est que justice dans une profession désormais largement féminisée. Et encore Pierre Olivier Sur, le favori pour l’instant, fait campagne avec comme vice bâtonnière l’avocate Catherine Paley-Vincent. Pour l’instant et depuis le XVIe siècle, date de la création du barreau, une seule femme a été élue en 1998.
L’enjeu est de taille, c’est l’égo du futur vainqueur, dans un monde de paons. Qui évoquera le fait qu’un avocat sur cinq est au salaire minimum ? Et que plusieurs milliers d’entre eux ont déposé leur bilan ? Personne ou presque, le seul grand débat de fond évoqué est la création de « l’avocat en entreprise », une réforme libérale qui est le cheval de bataille des grands cabinets anglo-saxons, qui pèsent lourd dans l’élection (6000 avocats sur 22000). Les derniers parrains de l’école de formation du barreau n’étaient autres que Christine Lagarde et Jacques Attali, c’est dire.
Le Barreau de Paris est riche, fort riche. Le trésor de guerre de trois milliards dont les revenus- 200 millions- sont gérés par la BNP dont l’ordre des avocats de Paris est le deuxième plus gros client. Ces fonds permettent de financer le fonctionnement de l’Ordre (et ses frasques comme Bakchich l’avait raconté, lors de sorties un peu arrosées), l’aide juridictionnelle et la formation des avocats.
Le Barreau est surtout le principal interlocuteur du garde des sceaux et d’un Président de la République, avocat lui même et, paraît-il, à jour de ses cotisations. Autant dire que la lutte est féroce et tous les coups sont permis.
Utilement, cette campagne est enfin l’occasion de découvrir quelques pratiques peu avouables dans une profession généralement épargnée par la presse avec laquelle les grands ténors du barreau entretiennent des relations habilement négociées, à coup de PV fournis et d’infos distillées.
Le cas de Catherine Paley-Vincent, qui fait équipe avec Maitre Sur, pose un sérieux problème. Et effet, le cabinet Ginestié-Magellan-Paley Vincent, qu’elle a créé avec ses associés, a créé une filiale, la société commerciale GMG, dont l’unique objectif est de salarier les membres non avocats du cabinet.
Plus étrange, cette entité dégage des bénéfices que se partagent seulement certains associés du cabinet en question, dont madame Paley Vincent, à hauteur de 18%. « Des bénéfices à GMG, mais vous plaisantez », a expliqué cette dernière à Bakchich. On comprend ses dénégations. Les avocats, s’ils ont la possibilité de se constituer en société civile de moyens, sans marges bénéficiaires, ne sauraient se livrer, d’après la loi, à des activités commerciales.
Hélas pour Maitre Paley-Vincent, l’extrait Kbis du tribunal de commerce indique clairement que la société GMG indique le montant des dividendes dégagés, entre 260000 euros et 330000 euros. Lesquels dividendes commerciaux sont naturellement soumis à un régime fiscal moins sévère que le bénéfice d’un cabinet d’avocats ordinaire. Malheureusement, explique un avocat bien informé, l’activité de cette coquille juridique s’apparente à « un prêt illicite de main d’œuvre », une opération interdite depuis…la constitution de 1848, rédigée par le républicain Louis Blanc et quelques autres.
Et ce n’est pas tout. Le même cabinet décidément créatif, qui a pignon sur rue place des Etats-Unis dans le cossu seizième arrondissement, a créé une deuxième société, Ginerativ, dédiée à la conception d’actes juridiques commercialisés auprès des experts comptables. De façon illégale là aussi, les jeunes collaborateurs du cabinet sont censés participer à la mise à jour de ces logiciels, et cela de façon bénévole, pour le plus grand profit de Maitre Ginestié, le gérant de Ginerativ. Or chacun sait que deux anciens collaborateurs du cabinet Ginestié Magellan Paley-Vincent ont porté plainte devant le Conseil de l’Ordre pour obtenir le paiement de leurs prestations. La procédure traine depuis huit mois.
De tels arrangements avec le droit sont d’autant plus surprenants que Catherine Paley-Vincent préside le comité d’éthique au sein de l’Ordre des avocats. La femme de César se doit d’être irréprochable et une candidate à la vice-présidence de l’Ordre des Avocats également.
Dans le cadre de la campagne au bâtonnat de Paris, vous avez publié des accusations graves à mon encontre concernant le fonctionnement de mon cabinet.
Pour votre complète information je vous adresse la mise au point suivante :
La société GMG est une société à responsabilité limitée à capital variable dont l’objet consiste en la mise à disposition au profit de l’AARPI Ginestié, Paley-Vincent et associés, d’une structure de gestion regroupant l’ensemble des moyens humains, matériels et techniques, administratifs et managériaux nécessaires au fonctionnement de notre cabinet, hors bien sur, le concours des avocats. C’est un schéma classique dans l’organisation d’un cabinet d’avocats, et comme tel a été validé par l’Ordre des avocats par courrier du 26 mai 2006.
Ginerativ est une EURL dont mon associé Philippe Ginestié est l’unique porteur de pars. Elle a pour activité le développement de systèmes informatiques utilisant l’intelligence artificielle pour la génération de contrats. Elle est complètement indépendante des deux autres structures et surtout, elle n’emploie aucun personnel de l’une ou l’autre. Là encore, cette activité est connue de l’Ordre des avocats qui l’a validée par courrier du 4 septembre 2007.
Je vous adresse copie de nos échanges de courriers avec l’Ordre visant ces deux sociétés.
Contrairement à ce qu’indiquerait "un avocat bien informé", il n’y a donc ni "coquille juridique", ni "prêt illicite de mains d’œuvre", mais, ignorance et volonté de me nuire.
Je vous saurais gré de bien vouloir porter cette mise au point à la connaissance de vos lecteurs à la suite de immédiate de l’article."
Catherine Paley-Vincent.
(ndlr : Bakchich maintient ses informations)
L’Ordre des Avocats de Paris, c’est comme jadis, la Samaritaine : à tout moment, il s’y passe quelque chose ! sur www.cosal.net, on apprend ainsi qu’à J-4, un des candidats au Bâtonnat est désormais frappé d’inéligibilité.
Pauvres Avocats parisiens, qui vont être obligés de choisir entre la peste et le choléra !