Justice : Jean-Marie attendu comme le Messier

Jean-Marie Messier est incorrigible. Toujours en attente d’une décision judiciaire sur ses facéties flamboyantes à la tête de Vivendi, il ne peut s’empêcher d’en rajouter dans la démesure. Cette fois, il s’est attaqué à forte partie : une sorte de grand requin blanc nommé Jean-François Hénin. Oui, Hénin, l’ex « Mozart de la finance », ancien patron d’Altus Finance, filiale du Crédit Lyonnais. L’homme qui, en son temps, avait plaidé coupable dans l’affaire Executive Life et avait été condamné par un juge californien en juillet 2006 à une amende d’un million de dollars et à une interdiction du territoire américain de 5 ans, accompagnée de 5 ans de mise à l’épreuve. Autant dire qu’entre deux amoureux des USA, où Messier s’est aussi fait tirer l’oreille, le combat s’annonçait saignant.

Petits arrangements entre amis

Le 26 janvier 2006, la société Maurel & Prom, présidée par Jean-François Hénin, qui en est le principal actionnaire par l’intermédiaire de sa société familiale Pacifico ((Cie de participations commerciales industrielles et financières) et dont environ 37% du capital est dans le public, avait confié une mission à Messier Partners de New York. Il s’agissait, soit de trouver un acquéreur de 50% de son capital social, soit de céder une part de ses actifs à l’un ou l’autre des 3 acquéreurs potentiels dont les noms avaient été fournis à Messier Partners par des courriels de Maurel & Prom des 24 et 31 Mars 2006. Pour sa peine, la petite entreprise de Messier devait percevoir un honoraire de résultat de 0,55% du montant de l’opération, si elle était menée à bien.

© Oliv’

Le 24 mars 2006, au vu des résultats obtenus, Maurel & Prom décidait de mettre un terme au mandat de cession partielle de son capital social. Elle demandait donc à Messier de lui transmettre sa facture pour les démarches déjà entreprises. Le 5 avril, les parties amendaient leurs engagements initiaux et convenaient d’un honoraire de 783 000 euros au bénéfice de Messier Partners. La somme était réputée déductible de l’honoraire complémentaire dont Messier aurait pu se prévaloir ultérieurement en parvenant à convaincre l’un des 3 acquéreurs potentiels désignés par Maurel, d’acquérir une partie de ses actifs, objectif qui restait donc d’actualité.

Mais au fait, de quels actifs s’agissait-il ? Maurel & Prom, une vieille entreprise fondée en 1813, avait été l’un des principaux transporteurs maritimes entre la France et les « comptoirs » africains du Sénégal, de la Cote d’Ivoire, du Cameroun, du Gabon et du Congo. Reconvertie un temps dans le négoce alimentaire, l’affaire a été redéployée avec succès par Jean-François Hénin vers l’exploration et l’exploitation pétrolière et gazière. Un business nettement plus dans l’air du temps. Visionnaire, Hénin s’est plongé avec délice dans le trading des droits d’exploitation pétrolière longtemps avant que n’éclate la crise financière mondiale. Il faut croire que « Mozart » est aussi bon dans son nouveau job que dans l’ancien : le 21 février 2007, la société Maurel signait un protocole d’accord avec ENI Congo SA, filiale du groupe pétrolier italien ENI S.p.A. L’accord portait sur la cession à ENI Congo d’environ 45% des droits congolais d’exploitation de Maurel pour la coquette somme de 1,434 milliards de dollars.

Messier face au Hénin beau monde

Par l’odeur des dollars alléché, Messier prétendit que la cession à ENI entrait dans le champ initial de sa mission. Habitué à manier les gros chiffres, il décida d’assigner Maurel devant le tribunal de commerce de Paris, le 6 juillet 2007, en exigeant 14,7 millions d’euros d’indemnités. Bons princes, les juges lui ont attribué 5,649 millions d’euros le 18 décembre 2007, portant intérêt au taux légal à compter de la date du jugement.

C’était évidemment sans compter sur la capacité de riposte d’Hénin. Après consultation de son conseil d’administration – on y relève notamment la présence de l’illustre Alain Gomez – appel de la punition fut interjeté par la société Maurel le 22 janvier 2008. Le 5 mars 2009, la cour d’appel de Paris rendait son verdict : la petite entreprise de Jean-Marie Messier était renvoyée à ses très très chères études. Condamnée aux dépens de première instance et d’appel, elle se voyait privée de dessert et priée de verser une petite douceur de 50 000 euros à Maurel & Prom au titre des frais irrécupérables.

Pour Messier, les dommages collatéraux pourraient être plus importants encore ; il se murmure sur la place de Paris que Jean-Marie l’ex-Maître du monde a le mauvais œil. De plus, ajoutent ses plus fervents détracteurs, traiter avec Messier Partners est le plus sûr moyen de se retrouver avec un mauvais procès au cul ; 2 bonnes raisons en effet pour s’abstenir de lui demander conseil.

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