Vous avez déjà oublié que c’est un sujet qui chatouillait nos élites juste avant le début du naufrage boursier ? et si on vous dit « abus de biens sociaux » ça y est, ça vous revient ? Quel rapport avec la crise direz-vous ? Un très bon rapport dirait un agent immobilier ruiné ; mieux, une relation de cause à effet quasiment mécanique. L’« ABS » n’est en effet qu’une forme particulière de la cupidité humaine.
Les vrais responsables ont tout intérêt en effet à noyer le poisson de la crise derrière des faux-semblants : « sub-primes », produits dérivés, titrisation, ventes à découvert, traders, stock-options de ceci, de cela !… Et si ma tante en avait… La raison profonde et fondamentale en est la cupidité naturelle de l’Homme. Exacerbée par la perspectives d’un gain aussi facile que colossal et le sentiment d’une quasi impunité, ça nous donne la crise de 2007-2008. Adam Smith, philosophe du capitalisme naissant, se retourne dans sa tombe. Le pauvre qui croyait dans les vertus auto-régulatrices de sa « main invisible » ne s’est pas rendu compte qu’on l’avait remplacée par un « bandit-manchot » .
Un exemple ? Fastoche, il en existe des centaines. Afin de dépassionner le débat, prenons un peu de champs et empruntons donc plutôt à la jungle des années 2000. En ce temps, là, un mégalomane poupin du nom de Jean-Marie Messier faisait déjà des siennes avec un joujou extra nommé Vivendi Universal. Un douloureux souvenir pour quelques milliers d’épargnants. Déjà.
Bref, l’affaire, née de la fusion en 2000 de Vivendi-ex Générale des eaux, Seagram et Canal + se présentait sous les meilleures auspices. On allait voir ce qu’on allait voir disait Messier entre deux confidences dans Paris Match… La suite fut moins glorieuse. Comme la populace tardait un peu à reconnaître son génie et à se ruer sur les titres Vivendi Universal, le boss décida qu’on était jamais mieux servi que par soi-même. Pour faire grimper le cours de l’action Vivendi ou en tout cas pour qu’il ne descende pas trop, Messier fera racheter par Vivendi au cours de l’année 2001 plus ou moins à l’insu de son conseil d’administration subjugué par sa tchatche, 104 millions de ses propres titres, soit près de 10% de son capital ! Coût de l’opération : 6,3 milliards de dollars qui, le moment venu, feront cruellement défaut à la trésorerie de l’entreprise.
JMM est à ce point mégalo que le 25 septembre 2001, jour de la conférence de presse de présentation en grande pompe des résultats du premier semestre 2001, il aurait secrètement donné ordre à ses collaborateurs du service trésorerie de faire acheter des titres par la Deutsche Bank pour maintenir le cours à 50 Euros…
Les garçons essaient bien de lui faire observer que ça va coûter bonbon, que c’est contraire au règlement boursier et que ça pourrait provoquer de la part de la COB ancêtre de l’AMF, quelques fessées douloureuses. Il écarte l’argument en affirmant que la COB, il en fait son affaire…
Au fait, vous vous demandez peut être pourquoi Messier veut maintenir coûte que coûte le cours de l’action Vivendi Universal à la fin de l’année 2001 ? Peut être tout simplement parce que c’est bientôt Nöel. Le 21 décembre par exemple, il exerce ses stocks-options et achète 106 669 actions Vivendi au prix convenu d’avance de 30,91 Euros. il revend le même jour 152 000 actions Vivendi qu’il détenait déjà, au cours « sur-boosté en coulisse avec la thune des actionnaires » de 59,31 Euros : bénéf’ de la manœuvre 5 547 104 Euros !
Remercié pour ses facéties en juillet 2002, Messier le Magnifique va se battre comme un lion pour toucher son golden Parachute de 23 millions de dollars en rémunération de ses brillantes performances. Sans une ordonnance de la SEC, la COB américaine, du 24/09/2003 gelant le pécule de Messier sur un compte-séquestre, il y serait parvenu.
Pour l’instant, avant que ne s’ouvre-enfin-le procès Vivendi, si procès il doit y avoir, Messier n’a subi qu’une amende très mesurée de l’AMF et une mise en examen. Le dossier, lui, n’est toujours pas bouclé. Les juges ont instruit l’affaire des faux listings Clearstream, mais les dérives capitalistiques de Vivendi attendent toujours d’être réglées.
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