Mises en examen dans l’affaire des marchés publics présumés truqués, record de France des vols à main armée, coups de sonde et de pression vers la Corse : l’année 2011 s’annonce magistrale.
Aux effluves des fêtes ont succédé sur le Vieux Port les petit fours des vœux de nouvelle année. Particulièrement attendues en ces temps troublés, les cérémonies des politiques se sont achevées. Sans descente de police ou de gendarmes pour interférer.
Pourtant, l’ombre judiciaire plane. Autour du Conseil régional, toujours empêtré dans le dossier des subventions détournées vers des associations fictives des quartiers Nord. Une ex-vice présidente, Sylvie Andrieux, un directeur général des services et un directeur de cabinet du président, mis en examen, et un patron Michel Vauzelle, ex-garde des Sceaux de Mitterrand, témoin assisté. Autour de la Communauté urbaine de Marseille et du Conseil général aussi, ciblé dans l’affaire des marchés publics présumés truqués, joliment baptisée "Guernica" par les pandores. Et le maire Jean-Claude Gaudin, qui n’aime rien moins que les embruns, sort le parapluie dès lors qu’on évoque un dossier.
Dans ce climat un peu empesé, malgré la fraîcheur de janvier, une scène est particulièrement attendue, le vendredi 21 janvier. La cérémonie de rentrée de l’épicentre de la vie marseillaise : le Palais de Justice et ses soubresauts, qui ont presque remplacé, dans les conversations de bistrot, les habituelles envolées sur l’OM.
Longtemps malade, la ville tremble désormais. Une fièvre que le procureur de Marseille, Jacques Dallest, ne minore pas. "Il y a eu 813 vols à main armée dans les Bouches-du-Rhône cette année, dont les trois quarts à Marseille". Record de France, encore un titre pour la plus vieille cité de l’Hexagone, qui amasse avidement les breloques. "Les homicides sont en hausse, les règlements de comptes aussi". Et de se faire plus précis. "S’il n’y a pas plus de morts (32 morts dont 14 règlements de comptes sur le ressort du TGI) que les autres années liés aux grand banditisme ou aux trafics, c’est aussi que beaucoup de règlements de comptes n’ont pas abouti". A croire que les gens tirent moins bien…
"Ça défouraille dans tous les sens. Parfois pour de simples querelles de voisinage, parfois pour des luttes de territoires. La violence se banalise, les armes à feu aussi. Et victimes comme auteurs sont de plus en plus jeunes". A l’instar de l’homicide d’une jeune fille de 16 ans, en début de semaine, à la sortie d’une boîte de nuit, dans lequel deux petites de 18 ans sont mises en examen. Ou d’explications à la kalachnikov entre gamins de 16 ans dans les cités des quartiers Nord ou Sud.
Sombre bilan, et des nuages à venir. 2011 sera une belle année de procès. Le mistral seul ne suffira pas à balayer le parfum de myrte qui embaume les couloirs du Palais. Procès de la SMS, procès du Cercle Concorde à venir, quand les audiences de la tentative présumée d’assassinat d’Alain Orsoni, homme influent d’Ajaccio, se sont déjà tenues. "Avec la juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs), nous récupérons énormément de dossiers de toute la région, et de Corse évidemment".
Une île de Beauté preste à se crisper dès lors que les juges marseillais envoient leurs limiers. Mercredi 19 janvier, François Mosconi, conseiller territorial de Conca et maire de ce petit village de Corse-du-Sud, a tenu une conférence de presse pour dénoncer "la justice spectacle", les méthodes de la Jirs et le juge Charles Duchaine.
Après une fin d’année bien remplie par la mise en détention d’Alexandre Guérini, frère du tout puissant président socialiste du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, le magistrat a un peu avancé sa rentrée. En continuant à peindre le dossier Guernica et en jouant un petit air d’opéra.
Ses limiers ont en effet arrêté les Cassandri, patrons des bars de l’ancien quartier des marins marseillais. Dont Le Son des Guitares, institution et haut lieu de corsitude de la cité depuis près de trente ans. Soupçonnés d’avoir investi l’argent du mythique casse de Nice dans ces établissements, le père Cassandri, son fils, sa fille et sa femme ont eu droit de passer au tourniquet. Avant une présentation devant le juge Duchaine.
Dans la mêlée, François Mosconi s’est trouvé interpellé à l’aéroport de Figari et mis en garde-à-vue pour avoir discutaillé au téléphone avec Cassandri au sujet d’un projet immobilier sur sa commune. Les policiers ont soupçonné une manœuvre de trafic d’influence, avant de le relâcher sans aucune inculpation. "Des méthodes à la Bruguière", raille le quotidien corse 24Ore qui ouvre ses colonnes à l’élu.
Un petit coup de pression… habituel, dès lors que les affaires touchent à la sphère politique.
En 2010, les élections régionales n’ont pas empêché une garde-à-vue du maire de Tarascon (UMP), quand il devait figurer en troisième position sur la liste du parti majoritaire. En 2011, les élections cantonales auront pour toile de fond l’enquête sur les marchés publics de la communauté urbaine et surtout du conseil général, présidé par Jean-Noël Guérini quand son frère Alexandre demeure en détention dans le dossier. Et les liens présumés de l’affaire avec le grand banditisme.
"De toute façon, on nous accusera toujours d’être partisans, de jouer pour un camp, s’amuse le procureur Dallest. D’autant qu’il y a des élections presque chaque année ; si on ne travaillait pas pendant les scrutins, on ne travaillerait plus". Et de nier toute distension avec ses juges, notamment avec le juge Duchaîne, qui instruit les plus épineux dossiers. "Les enquêteurs voudraient tous des moyens plus grands, mais le juge a tout ce dont il a besoin".
La cuvée 2011 de bouillabaisse promet.
L’affaire Guérini sur Bakchich.info :