D’après un rapport de l’Assemblée Nationale que Bakchich s’est procuré, la France n’aurait "pas à rougir" de la situation des centres de rétention. Reste qu’on vient de loin et qu’il y a encore du boulot !
Rapporteur de la mission d’information sur « les centres de rétention administrative et les zones d’attente », Thierry Mariani est un vieux routier de l’UMP, et surtout un soldat fidèle du chef de l’Etat. Auteur de la plupart des propositions de loi sur les flux migratoires, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur et sans états d’âme, cet élu du Vaucluse ne pouvait faire moins que de plaider en faveur d’un bilan globalement positif de la politique de l’immigration.
Ainsi le rapport de cent quarante pages (voir ci-dessous) qu’il signe aujourd’hui, en conclusion des travaux d’une mission d’information parlementaire qu’il a animée, met l’accent sur les progrès constatés dans la gestion des centres de rétention, à la réputation jusqu’à présent « exécrable ». Les sans-papiers y attendent une expulsion annoncée dans des conditions que l’on s’accordait, pour l’instant, à trouver indignes, gauche et droite confondues.
La mission d’information a estimé que, dans la très grande majorité des cas, cette réputation ne serait « plus justifiée » Les conditions d’existence dans ces centres seraient en gros « correctes » et effectif l’exercice des droits des immigrés ainsi retenus. Dans la foulée, le rapporteur propose que les journalistes soient reçus à bras ouverts dans les centres de rétention pour « dissiper les idées fausses ».
A propos d’idée fausse, Thierry Mariani pense que dans les prisons, l’accueil de la presse est d’ores et déjà organisé. Certes, mais au cas par cas et après une longue attente !
Ni vraiment des prisons, ni franchement SAS d’attente, les centres passent encore pour des zones de non droit dénoncés régulièrement par les plus hautes autorités de l’Etat, parlementaires ou magistrats. En 2001, le rapport accablant du socialiste Louis Mermaz évoquait « de véritables blochauss (…), d’une autre époque (…), d’un autre régime ». En 2007, la très respectable Cour des Comptes évoquait des conditions sanitaires et d’hygiène réservées aux étrangers très dégradées. Et les magistrats de la rue Cambon, ordinairement plus réservés, parlaient « de véritable atteinte à la dignité humaine. »
Récemment encore, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, se montrait critique, après onze centres visités, sur le moral des personnels et les mesures de sécurité exagérées. Pourquoi, s’interroge-t-il, les personnes retenues doivent-elles demander l’autorisation pour changer de chaîne de télévision ? Et pour quelle raison, demande toujours Delarue, il se verraient privés de stylo et de papier, alors que les détenus y ont droit ?
Le rapport Mariani prend le contre pied de cette réputation « exécrable ». La mission fait ce constat au terme d’une longue mission d’information, déclenchée en avril 2008 à la demande du groupe socialiste. Du bel ouvrage exhaustif, un rapport fort complet et lisible, et des parlementaires qui se sont déplacés dans huit centres et entendu une trentaine d’experts.
Une dizaine de millions d’euros ont été ainsi consacrés à l’amélioration des centres existants, qui bénéficient tous désormais de locaux de visite et d’une séparation hommes et femmes. Ce qui sous-entend que ce n’était pas le cas jusqu’à présent ! Ignoré et lointain, le centre de Mayotte n’a pas été touché par cette manne financière. Les conditions de détention y restent « indignes », selon le rapporteur : couchage au sol, absence de fenêtres, entassement général … Et d’ajouter, dans une formule involontairement cynique, que les personnes retenues ne protestent guère contre « des conditions qui ne contrastent guère avec leurs conditions habituelles d’existence ».
Pour télécharger l’intégralité du rapport, cliquez ci-dessous.
La mission a noté également un assouplissement des règles de fonctionnement : ainsi pour le « couvre-feu » ou les espaces « fumeurs ». Comme le dit le rapporteur usant d’un doux euphémisme : « la rétention est certainement un moment de stress. »..« Certainement », en effet !
La durée de rétention maximale, note toujours Thierry Mariani, est de 32 jours en moyenne en France. Elle est inférieure, note Mariani, à celle de nos voisins : 60 jours en Italie et jusqu’à six mois ( !) en Autriche ou en Slovaquie. Au passage, le rapporteur s’étonne que la salle d’audience de Roissy, qui faciliterait les auditions par des magistrats dans de meilleures conditions, ne soit pas encore disponible alors qu’elle a été construite…il y a huit ans.
Le souci de faire du chiffre ne quitte jamais totalement ce proche de Sarkozy. Ainsi Thierry Mariani préconise que la gestion des centres soit entièrement attribuée à la Police aux frontières, la plus compétente en la matière. Elle parvient en effet à un taux de reconduite de 51%, alors que les gendarmes et la sécurité publique ne mènent à bien qu’un dossier sur trois.
Très politique, Thierry Mariani lance un coup de griffe aux socialistes : « Au total, écrit-il, lorsque la majorité actuelle est arrivée au pouvoir en 2002, les centres de rétention intéressaient peu ». Et pan pour Jospin et Chevènement !
Reste que les deux élus de gauche membres de la mission, George Pau-Langevin et Serge Blisko, émettent quelques réserves sur l’approche retenue par leur rapporteur : « En ne s’intéressant qu’à la situation à l’intérieur des centres de rétention et des zones d’attente, la mission est restée aveugle à la cause profonde de la situation actuelle. a savoir la politique du chiffre avec des objectifs fixès à l’avance : 26000 reconduites à la frontière prévues en 2008 et 30000 en 2009 ». Ainsi ces deux députés, qui admettent les améliorations « notables » dans la gestion des centres, se démarquent de « la tonalité positive » du rapporteur.
Ainsi regrettent-ils que la mission ne se soit pas penchée d’avantage par exemple sur les incidents survenus dans le centre de rétention de Vincennes, les 11 et 12 février 2008, qui furent à l’origine de la création de la mission. Ainsi notent-ils « une disproportion entre les faits déclencheurs (un échange verbal vif suite à l’extinction de la télévision) et les moyens répressifs mis en oeuvre par les forces de l’ordre (intervention de cinq fourgons de police, usage d’un pistolet à impulsions électriques). »
Monsieur Besson sera-t-il sensible à ces remarques de ses anciens amis socialistes ?
A lire ou relire sur Bakchich.info