Beau début d’année pour le ministre d’ouverture, qui organise un colloque auquel se rend Sarko, se prépare à être promu numéro cinq du gouvernement et à prendre sa carte de l’UMP.
Éric Besson… l’homme politique de ce début d’année, à en juger à la manière dont il est sollicité ! « Ah bon ? », feint de s’étonner son entourage. Le secrétaire d’État chargé de l’Évaluation des politiques publiques et du Développement de l’économie numérique a d’ailleurs un agenda surbooké. Et monte des gros coups. Aujourd’hui et demain, il organise des débats, à la demande de Nicolas Sarkozy, présent sur place à ses côtés. Autres « guest stars » : Tony Blair, Michel Rocard, des prix Nobel d’économie dont Joseph Stiglitz, le directeur général de l’OMC (socialiste) Pascal Lamy et en principe Angela Merkel. Un beau casting pour un gros colloque : « Nouveau Monde, Nouveau Capitalisme » ( Ecole militaire-Paris VIIè). Manière de montrer selon Besson, que la droite mène le débat. Et que lui, homme de gauche et ex-du PS s’y sent très bien !
Tellement bien d’ailleurs que fin janvier, le ministre de l’ouverture devrait prendre la succession de Brice Hortefeux au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. « Nommer Éric Besson, ministre d’ouverture étiqueté de gauche à ce poste tant décrié pendant la présidentielle », analyse un ministre membre du G7, « c’est un vrai coup politique de Nicolas Sarkozy. C’est comme si l’Élysée nommait d’un coup deux ministres d’ouverture ! » Il n’y a pas de petites économies en temps de crise !
Besson à l’Immigration, le parcours est hors du commun pour l’ancien député PS, aujourd’hui très en cour à l’Élysée. D’autant plus que le futur ministre devrait aussi intégrer l’organigramme de l’UMP comme secrétaire général adjoint. Avec pour mission d’organiser l’aile gauche de la majorité. Quant au club politique « les Progressistes » qu’il avait créé en 2007 et qui compte aujourd’hui 2 000 adhérents, il devrait être associé à la majorité. Enfin, ce qui ne manque pas de sel, le remplaçant d’Hotefeux aura pour principal interlocuteur à droite, Thierry Mariani, rapporteur jusqu’à présent de tous les textes sur l’immigration et auteur de l’amendement décrié (puis abandonné) sur les tests ADN. C’est à ce même député du Vaucluse que Nicolas Sarkozy avait promis ce maroquin ministériel avant la présidentielle… Mais son grand ami de trente ans l’avait finalement raflé. Et aujourd’hui, c’est Besson qui remporte le paquet cadeau. Mariani et lui se connaissent d’ailleurs un peu : aux dernières législatives, le secrétaire d’État était venu « introniser » le candidat du PS, contre Thierry Mariani. Des souvenirs qui ne manqueront sûrement pas de pimenter leurs prochaines rencontres…
Provoc’ ou coup de comm’ de Sarkozy : en tout cas, l’effet est assuré. Celui qui avait hérité du sobriquet « le traître », après son départ de l’équipe Royal pour le candidat Sarkozy, savoure sa revanche. Même si la tâche s’annonce rude pour celui qui continue à se dire de gauche… D’autant plus qu’il ne peut guère compter sur les soutiens, dans son ancienne famille politique. « Je me suis rendu compte », commente le député socialiste, Claude Bartolone « qu’en 15 jours, Besson avait été capable de pondre un pamphlet sur Sarkozy au nom du PS et de se rendre ensuite en Corse pour lui donner des conseils de comm’. Même quand on change de point de vue, il y a un délai de décence ! » Trois semaines ?
Dans ce document paru le 10 janvier 2007, soit un mois avant son départ du parti socialiste et intitulé L’inquiétante rupture de Monsieur Sarkozy, Éric Besson - version 2007 - n’y va pas de main morte pour dénoncer la politique du candidat UMP ! Selon lui, Sarkozy « qui ne cesse de prétendre vouloir “être jugé sur ses résultats” n’a pas son pareil pour masquer les piètres bilans de son action. Ceux d’un médiocre ministre de l’économie et des finances ou ceux d’un ministre de l’Intérieur survolté mais peu efficace : les violences faites aux personnes n’auront cessé d’augmenter en dépit de ses communiqués triomphants. Mais l’échec n’atteint que rarement notre héros. Le plus souvent parce qu’il le noie dans le mouvement perpétuel » » Et vlan ! Pire qu’un bulldozer. C’est dans ce même texte que Besson qualifiait Sarkozy de « néo-conservateur américain à passeport français ». Des propos qu’il avait dit regretter dans son ouvrage paru quelques mois plus tard : Qui connaît Madame Royal ?
Ségolène Royal, justement. Dans ce livre, son ex-conseiller justifie son départ du PS, au moment où la présidente de Poitou-Charentes était en pleine présidentielle : « Jusqu’à ma démission [du PS, le 21 février 2007], j’ai été un artisan loyal de sa campagne, je me forçais à avancer en dépit de ce que je constatais, j’ai vu la brutalité, j’ai vu l’impréparation. La désinvolture. J’ai vu la démagogie » ». Les résultats du premier tour connus, Besson préfère Sarkozy à Royal. « Des deux candidats en lice, il me paraît le mieux préparé, le plus qualifié et le plus cohérent », affirme-t-il en mai 2007. Une déclaration qui vaut lieu de ralliement.
Après quelques velléités de quitter la vie politique pour intégrer celui du football, il est rattrapé par Sarkozy, qu’il aide à se préparer pendant l’entre-deux tours. Avec Xavier Bertrand, ils coachent Sarko. Besson – en fin connaisseur du programme du PS qu’il a contribué à préparer – offre ses lumières au candidat de la droite. Qui en fera son secrétaire d’État. « Peu », diront les uns. « Déjà trop », selon les autres. Le ministre d’ouverture, lui, s’est fait discret. En charge de l’évaluation de ses collègues du gouvernement à la demande de François Fillon, il s’est ensuite attelé à la rédaction d’un rapport sur le numérique et a remporté haut la main la municipale de Donzère dans la Drôme. Un succès électoral qui lui permet d’obtenir une rallonge à son titre ministériel en gagnant « le développement de l’économie numérique ». De quoi faire rêver…
Aujourd’hui, le secrétaire d’État n’est pas contre l’idée de devenir ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. Rien qu’à entendre le nom du maroquin, les socialos, eux, en ont le poil hérissé ! À l’image de Bartolone : « Si encore, on en était au début d’un gouvernement… mais là on a une grosse année de politique derrière nous. On a des preuves politiques de ce qu’a fait Sarkozy ». Le député lâche, amer : « Besson a viré de bord ». Et à l’UMP, certains ont aussi du mal à digérer la couleuvre : un ex-socialiste numéro 5 du gouvernement ! « On ne fait pas trop confiance aux pièces rapportées », murmure un député sarkozyste.
Éric Besson, lui, se dit « sans état d’âme », comme il l’expliquait dans Le Monde, le 20 décembre. En ajoutant : « J’assume totalement le fait d’être partie prenante de la majorité ». Déjà fin novembre, sur son blog, l’intéressé faisait part de son penchant de plus en plus fort pour son nouvel ami : « Lorsque le PS se réveillera, il s’apercevra que Nicolas Sarkozy s’est emparé de quelques valeurs fondamentales de la gauche et du centre gauche : la régulation du capitalisme et le multilatéralisme notamment. Pour simplifier : sur quelques sujets fondamentaux le terrain est occupé. Par le verbe. Et dans l’action ». Plus qu’un hommage, une déclaration d’amour !
Depuis, Sarko savoure son coup. Et Besson, son futur ministère.
À lire ou relire sur Bakchich.info :
J’ai été fort intéressé par la lecture des précédents commentaires.
Moult analyses en profondeur du travail du félon au gouvernement, pléthore de fins commentaires sur les raisons qui l’ont poussé à faire évoluer sa pensée…
Le génie français est ici comme chez lui ….
Bien le bonsoir mes beaux esprits.