L’ex-président sénégalais est en passe d’être réélu pour la troisième fois à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie, qui fête ses 40 ans. Un triste anniversaire.
Abdou Diouf n’aurait aucune chance d’être réélu à la tête d’un club de foot amateur de banlieue. Mais l’ex-président du Sénégal pourrait tout de même se succéder à lui-même comme secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dès la semaine prochaine, pour un très peu démocratique troisième mandat. Un documentaire dédié à sa gloire, signé Hervé Bourges, est déjà programmé sur France 5, le 29 octobre…
Ou la célébration d’un sacre annoncé. C’est à Montreux, en Suisse, lors du sommet des chefs d’État francophone – qui représentent quelque 200 millions d’individus dans le monde – que le nouveau patron de l’OIF sera élu. Tout comme son compatriote et homonyme Jacques Diouf, président de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Abdou Diouf tentera d’« africaniser » son règne en y important la non-limitation des mandats, pourtant injustifiable au sein d’une institution internationale.
Ce serait, dit-on partout, un triste 40e anniversaire pour l’OIF. Voire un signe de sa décadence. Au Canada et au Québec, les critiques acerbes du gouvernement mettant en cause Diouf et ses contestables méthodes de gestion reflètent l’avis de nombreux autres pays. Sous leur pression, Diouf avait déjà dû réduire le budget de son cabinet personnel (20 personnes !) de 6 millions d’euros annuels en 2006, à 1,75 million en 2007. En France, la Cour des comptes pointe depuis longtemps les abus de la gestion Diouf (cliquez pour lire l’encadré).
La gestion de l’Organisation internationale de la francophonie (OI F) par Abdou Diouf avait attiré l’attention de Philippe Séguin et de la Cour des comptes dans un rapport dévastateur, publié le 31 octobre 2007. Au menu : errements coupables et gabegie financière, salaires versés un an après le départ de certains employés, recours fréquents à des avances importantes en argent liquide, comme celle consentie à une mission de l’OIF au Brésil (48 000 euros en cash). Versements d’honoraires à des experts de l’organisation sur des comptes de tierces personnes dans un pays autre que celui où réside l’expert. Avantages financiers exorbitants, y compris après son départ à la retraite, pour Christine Desouches, fille de Maurice Ulrich, ancien chef de cabinet de Jacques Chirac, et sherpa du Président auprès de la francophonie… Primes de cabinet opaques pour divers collaborateurs. On prend les mêmes et on recommence ?
Il y a plus grave. L’actuel pape de la francophonie, s’il n’est pas un modèle de transparence, n’est pas non plus un humaniste exemplaire. Il bénéficia pourtant, par effet d’amalgame, d’une image de grand démocrate grâce à son accession au pouvoir en douceur après la démission volontaire de Léopold Senghor, en 1981. C’est pourtant à ce dernier que revient le mérite de cette transition pacifique.
On peut même avancer, rapport d’Amnesty International de 1998 et études indépendantes à l’appui, que, jusqu’en 2000 – année où il fut battu par Abdoulaye Wade –, ses dix-neuf ans de pouvoir ont été marqués par une répression sanglante de la rébellion en Casamance, région indépendantiste du sud du pays. Pendant cette période, à coup d’exactions, la gendarmerie et l’armée sénégalaises, auxquelles Abdou Diouf avait « lâché la bride », ont entrepris d’éradiquer la rébellion et de se venger sur la population. Les civils ont connu la terreur et les massacres quotidiens.
Oxfam, une ONG présente sur le terrain, dénonce les faits dès 1990 et estime que le nombre de victimes se situe entre 5 000 et 7 000 morts. À quoi Jean-Claude Marut, professeur à Paris-VIII et auteur de plusieurs livres sur la question, ajoute une partie des 6 000 victimes du conflit de 1998- 1999 en Guinée-Bissau, directement lié à la situation en Casamance. Le village martyr de Djifangor, dont les habitants ont été torturés et exterminés le 2 novembre 1998, n’est qu’un exemple parmi d’autres. La répression de Diouf a cessé en 2000 avec l’élection de Wade. Après avoir été occultée pendant de longues années, elle revient à l’ordre du jour.
La réélection d’Abdou Diouf à la tête de l’OIF serait-elle une fatalité ? Ce n’est pas parce que l’homme mesure plus de deux mètres qu’il faut en faire le sommet de la francophonie.
Vous lisez trop de romans policiers, et participez, en démarquant un brûlot de H. Monnier, paru dans agoravox récemment, au pilonnage de Abdou Diouf.
Qu’il y ait dans sa gestion quelques extravagances, regardez le nabot et son petit avion à 330 millions d’€, mais de là à lui mettre sur le dos les problèmes de la Casamance, c’est ne rien connaître à la réalité du Sénégal.