Le président tunisien Ben Ali a fui le pays vendredi. Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi, qui assure l’intérim, a confirmé officiellement le départ de Ben Ali, qui était au pouvoir depuis 1987.
Dernière minute- vendredi 18h45.
Le président tunisien Ben Ali a fui le pays vendredi. Dix voitures blindées ont quitté le Palais de Carthage pour l’aéroport, vers 16h selon la BBC. L’état d’urgence a été proclamé vers 17h. La télévision tunisienne a annoncé rapidement une "nouvelle imminente" d’une extrême importance. Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi, qui assure l’intérim, a confirmé officiellement le départ de Ben Ali, qui était au pouvoir depuis 1987.
Dans son intervention de jeudi soir, le président Ben Ali, déguisé en père Noel, a promis la fin de la répression sauvage, la démocratie, la liberté de la presse, l’accès libre à internet, la lutte contre la fraude et autres détails. Et cela après avoir fait tiré dans la foule dans la plupart des grandes villes tunisiennes provoquant la mort de dizaines de personnes.
Disons que l’enchainement des séquences n’est pas franchement excellent et que n’importe quel novice en matière de communication aurait conseillé au président tunisien de manier d’abord la carotte, puis le bâton ensuite. Pourquoi un tel amateurisme ? Ben Ali est pourtant conseillé par les plus grands "communicants" français : Anne Méaux, grande prêtresse du lobbying, qui a emmené des charters de journalistes gouter les charmes de la vie tunisienne depuis dix ans ; et plus récemment, jusqu’à cette semaine, l’immense Jacques Séguéla.
Le 7 octobre 2010, Séguéla, grand communicant devant l’éternel et conseiller du régime tunisien, déclarait : "La Tunisie demeure un pays mal aimé et mal connu parce qu’il est mal communiqué". Depuis, comme on l’a vu encore dans son intervention télévisée du 10 janvier, où il proposait de renouer le dialogue avec le peuple tunisien après avoir provoqué des dizaines de morts, le Président Ben Ali ne cesse de progresser en termes de communication. Et il doit ces progrès foudroyants à Séguéla, chargé de la communication du Palais de Carthage, où il se trouvait encore voici deux jours.
C’est qu’en effet les dix minutes d’intervention télévisée du général président, laborieusement enregistrées pendant quatre longues heures, ont été préparées avec soin avec Jacques Séguéla. Quel talent pour imaginer de proposer aux jeunes tunisiens la création de 300.000 emplois en deux ans - un chiffre extravagant qui, rapporté à la population française, équivaudrait à la création de deux millions d’emplois dans notre pays. Les conseils de fermeté donnés aux parents dans la même intervention ont porté leurs fruits. On a vu sur la chaine Al Jazeera la mère d’un jeune tué durant les manifestations déclarer avec courage : "Un de mes cinq fils a été assassiné par ce régime, il en reste quatre pour combattre". Disons que l’on a connu Séguéla plus habile lorsqu’il conseillait à Mitterrand le fameux slogan de "la force tranquille".
Jacques Séguéla, un proche de l’Élysée aujourd’hui, n’a pas beaucoup de cran dans son soutien à Ben Ali. Interrogé par des journalistes ce vendredi matin sur son soutien au régime, il a tout démentI Un de ses adjoints est resté à Tunis pour aider le chef de l’État à ré-intervenir à la télévision aujourd’hui jeudi 13 janvier.
Une autre véritable amie du régime tunisien est sans contestation possible notre chère ministre des Affaires Etrangères, Michèle Alliot-Marie. Droite dans sa jupe, MAM a su très diplomatiquement proposer au président Ben Ali de lui envoyer des super flics français pour aider les forces spéciales tunisiennes. A tirer dans la foule ?
Il est vrai que MAM connaît bien le pays où, comme ses collègues Hortefeux, Besson et Mitterrand, elle passe de belles vacances, chaque été, dans les luxueuses installations touristiques avec sa famille, comme l’a révélé le Canard Enchainé. Cette année, ce fut le Phenicia à Hammamet. L’histoire ne dit pas qui a payé la note.
La situation ne cesse de se détériorer en Tunisie où dans la soirée de mercredi à jeudi, les jeunes ont continué à manifester dans plusieurs villes, dont La Marsa toute proche de Tunis, et cela malgré le couvre-feu. Une grève générale devrait avoir lieu demain vendredi, qui pourrait constituer le commencement d’un embrasement général
La situation est tellement critique que les deux filles du Président et de Leila Trabelsi sont parties fissa à Montréal. Leila Trabelsi, la régente de Carthage, qui, il y a un mois encore, se vivait comme la future présidente, a fait deux voyages éclair à Genève et Dubai. A Tunis, un de ses neveux, Wissem, a été assassiné par des jeunes dans la rue, ce qui laisse augurer, demain, quelques règlements de comptes avec la famille. Partout, les immenses photos de Ben Ali, que l’on trouvait en masse dans toutes les communes de Tunisie, sont lacérées. La peur a changé de camp
Le clan au pouvoir est conscient de la montée des périls au point d’avoir déjà préparé sa fuite. Un des militaires fidèles à Ben Ali, le général Antar, veille à ce que trois hélicoptères, de dix-sept places chacun, soient en permanence en état de marche. A Malte, qui peut être atteint en vingt minutes par hélico, un jet privé est prêt pour transporter la famille présidentielle dans quelque pays ami. L’avion est la propriété d’une société basée à Monaco, elle-même filiale d’un groupe situé à Dubaï et propriété de Leila Trabelsi.
Si ce n’est pas une fin de règne, cela y ressemble.
Silence de mort au PS sur la répression en Tunisie, comme le raconte l’hebdo de Bakchich en kiosque cette semaine. A la réunion de groupe des députés socialistes, un seul son de cloche s’est fait entendre, et "pas bien net", glousse-t-on, celui du député Jean Paul Bacquet.
Chez les ténors, Delanoé et DSK sont des amis de Ben Ali depuis toujours. D’ailleurs le parti présidentiel, le RCD, figure dans les rangs de l’internationale socialiste. Sur son blog, Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national aux Relations Internationales, noie le poisson dans un billet intitulé : "Ça craque au Maghreb".
Arguant que les seules "conséquences de la crise financière créent un désarroi, une colère rampante qui explose ici ou là". Et qu’il est après tout "difficile d’y voir une manipulation". On avait connu Cambadélis plus décisif dans ses analyses.
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