A peine arrivé au ministère de l’Immigration, Eric Besson remettait sur le tapis la circulaire ADN de son prédécesseur Brice Hortefeux. Sans jamais vouloir qu’elle s’applique.
En matière d’Immigration, la politique répressive se porte bien. En février, a été votée une circulaire accordant un droit de séjour aux sans-papiers qui dénonceraient les filières de passeurs. Lundi 11 mai, à la satisfaction du ministre de l’Immigration, Eric Besson, une de ces filières clandestines a été démantelée. Ces jours derniers, Besson s’est également attelé à casser le monopole de la Cimade sur le marché de l’attribution de l’aide aux étrangers. Et, on l’a vu mardi 12 mai avec le coup de fil de ses services à France Inter, le ministre veille à ce que les journalistes ne mettent pas trop leur nez dans ses affaires.
Il ne manque au palmarès de Besson que l’application du douloureux amendement sur les tests ADN.
Car la loi permettant l’expérimentation des tests ADN pour les candidats au regroupement familial en cas de doute sur l’authenticité des actes d’état civil présentés, a bien été votée par l’Assemblée en septembre 2007. Et depuis, en guise de cadeau de bienvenue en France, les immigrés douteux se font « tester ADN ». Mais pour que le procédé, très contesté, soit généralisé [1], Eric Besson doit encore signer le décret d’application.
Pas un lourd fardeau a priori pour notre ministre qui, à peine débarqué au ministère de l’Immigration, de l’intégration et de l’identité nationale, assurait au Monde, « assumer le programme de Nicolas Sarkozy et le fait d’appartenir à une majorité, sans état d’âme ». Et qui s’est empressé de remettre sur le tapis la circulaire sur l’ADN. En janvier dernier, il disait même être quasi prêt à signer le décret : « Quand j’aurai la conviction absolue que tout a été fait sur le plan éthique, moral et des réalisations concrètes, je signerai ce décret ».
En réalité, l’ex secrétaire national du Parti socialiste n’a jamais eu l’intention de le signer. C’est ce qu’il a d’ailleurs fait savoir à quelques députés de la majorité lors d’un dîner, ceci fort peu de temps après sa nomination, comme l’a confié à Bakchich l’un des convives de ces agapes.`
D’ailleurs, durant trois mois, le ministre ne s’en est pas vraiment caché. Il a enchaîné les petites phrases, montrant son peu d’enthousiasme à valider le texte.
Le 3 mars, sur RMC, il affichait déjà ses doutes sur l’application des tests ADN sur les immigrés. Le 26 mars, de Dakar – peut-être inspiré par le voyage – il réitérait : « Le décret d’application que je suis supposé prendre est très complexe à rédiger ». Même discours une semaine plus tard, devant le Conseil représentatif des associations noires de France (le Cran) : « Je ne suis pas sûr de pouvoir prendre un décret d’application qui respecte à la fois la loi, tout en rassurant toutes celles et ceux qui se sont posés des questions. C’est pour ça que je dis : je ne sais pas, j’y travaille ».
Une position iconoclaste en sarkozie, certes, mais qui doit un peu aux polémiques et divisions sur le sujet, y compris à l’UMP (voir encadré), et beaucoup à une certaine Bruni Carla notoirement hostile à la loi.
Une antipathie telle qu’à l’automne 2007, la Première dame participait à un meeting-concert au Zénith de Paris, organisé par SOS racisme, sur le thème : « Touche pas à mon ADN ». Et s’était fait applaudir après sa chanson : « Tout le monde est une drôle de personne ». Peu de temps avant, Carla Bruni expliquait son point de vue sur l’amendement Mariani, dans le magazine Elle : « Au sujet des tests ADN proposés ou imposés aux migrants qui veulent venir en France pour vivre en famille, mon indignation a été immédiate. Plus encore qu’indignée, je suis incrédule. L’amendement Mariani, même édulcoré, me semble d’une telle violence ! ». Et précisait : « On crée une loi qui signe la suspicion de la France à l’égard de tous les migrants ; ils seraient tous des fraudeurs potentiels, avec un état civil bidon ! Je trouve très déplaisante cette manière de considérer l’autre comme un ennemi. Il y a un durcissement qui s’accroît très nettement. Pour passer une frontière, il faut de plus en plus montrer patte blanche. Je déteste le “tri” qu’implique l’immigration choisie. »
Une Carla Bruni très hostile à la loi, et sur laquelle le fin stratège Besson, savait pouvoir s’appuyer.
Edouard Balladur :
Mercredi 3 octobre 2007, sur France-Info, Balladur indique qu’il s’oppose à l’amendement Mariani « pour des raisons essentiellement morales ». Trois jours plus tard, sur Europe 1, il déclare : « Il ne faut pas porter atteinte à l’image et à la réputation de notre pays. Je souhaite qu’on retire cet amendement, modifié ou pas modifié par le Sénat ».
Etienne Pinte (député UMP des Yvelines) :
« Légiférer et faire appliquer une loi qui impose des tests ADN à des candidats au rapprochement familial qui pourraient, un jour ou l’autre, devenir des citoyens français est une aberration. Faire une loi pour les étrangers, c’est créer une inégalité des citoyens quelle que soit leur nationalité devant la loi ».
François Hollande (alors Premier secrétaire du PS) :
« Être candidat au regroupement familial n’est ni une maladie ni un crime. La famille n’est pas qu’affaire de biologie. Une définition aussi restrictive constituerait une terrible régression ».
Laurent Giovanoni, (Secrétaire général de la CIMADE) :
« Ce test, en lui-même, est une intrusion disproportionnée dans l’intimité et la vie privée des familles. Il trahit une conception biologique de la famille qui n’a rien à voir avec la réalité actuelle des compositions familiales quelles qu’elles soient. C’est une discrimination forte entre ce que la loi permet en termes d’atteinte aux libertés individuelles à l’égard des étrangers et des Français ».
Lire ou relire sur Bakchich.info :
[1] Au-delà de l’expérimentation qui prend fin en décembre 2009