Le documentaire "Le Président" sort en salles le 15 décembre. Yves Jeuland a suivi pendant plus de six mois la campagne aux régionales du bouillant Georges Frêche. Le pouvoir vu des coulisses.
"J’ai fait trois campagnes intelligentes que j’ai perdues (NDLR : aux Législatives 1978, 1993 et 2002) et 25 rigolotes à raconter des histoires de cul. Celles-là, je les ai gagnées !" Le "Frêchisme", c’est bien Georges Frêche qui en parle le mieux. Un mélange de cynisme et de transparence, saupoudré de populisme et mâtiné d’humour. Ingrédients qui font le sel du documentaire "Le Président", qui sort en salles le 15 décembre.
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Le réalisateur Yves Jeuland a eu la judicieuse idée de suivre l’ancien président de la Région Languedoc-Roussillon d’octobre 2009 à mars 2010. Le dernier combat électoral de Frêche commence en douceur. Le bonhomme, appuyé sur sa canne, paraît davantage se passionner pour son projet d’édification des statues de Lénine et Mao en plein Montpellier que par une campagne que son entourage lui conseille de cantonner à un niveau "local".
Mais, comme dans toutes bonnes comédies, survient l’élément perturbateur : l’affaire "pas très catholique" avec Laurent Fabius. "Divine affaire pour lui", comme l’explique Yves Jeuland qui a assisté de l’intérieur au réveil de "l’animal politique". À partir de la polémique, Frêche obtient enfin sa stature nationale. Dans des régionales où le suspense est très relatif, la France a les yeux rivés sur Montpellier. LA grande campagne à laquelle il a toujours rêvé peut commencer.
Comme dans l’excellent "Paris à tout prix", axé sur la campagne municipale de mars 2001, le réalisateur Yves Jeuland s’intéresse autant aux rôles principaux qu’aux "hommes de l’ombre" qui entourent le pouvoir. Les vrais stars de cette comédie politique : le directeur de la communication Laurent Blondiau et le chef de cabinet Frédéric Bort, têtes pensantes de la méthode Frêche depuis des années. La caméra discrète de Jeuland capte les indiscrétions de campagne.
Les éléments de langage griffonnés sur des bouts de papiers ("Je suis le Villepin d’Aubry", claironnera le président à tout bout de champ, reprenant la formule de ses conseillers) et les positionnements stratégiques ("Il faut jouer la victime, le côté ’j’ai beaucoup souffert’…" ou encore pour fustiger "les donneurs de leçon du 6ème arrondissement") sont repris avec zèle par Georges Frêche, acteur dans l’âme, qui ne rechigne pas à s’inventer de savoureuses anecdotes familiales pour émouvoir son auditoire.
Les conseillers poussent parfois au cynisme : avec un tel personnage, le programme est secondaire et le mensonge autorisé. "Il faut mentir et sortir des chiffres avec aplomb", "en période électorale, n’importe quoi peut se dire et être accrédité même si c’est faux", rappelle Frédéric Bort devant les têtes de listes du Languedoc-Roussillon. Devant la moue dubitative de certains collègues de Région à truquer les statistiques, Frêche plaisante à moitié : "De toutes façons, je n’ai pas de mémoire, je donne les chiffres qui me viennent à l’idée !"
En bête médiatique, Frêche n’est jamais aussi à l’aise que lorsqu’il est envahi de micros. "Il y reste un temps infini (…) et il bavasse, il bavasse…", se plaint son entourage soucieux des dérapages. Le bon client et les journalistes sont parfois connivents. Les mêmes intervieweurs qui poussent des cris d’orfraie lorsque l’éléphant barrit trop fort, n’hésitent pas à le pousser du collier en coulisses. Les "camarades" socialistes ? "Il faut que vous m’en allumiez deux ou trois !", réclame Jean-Pierre Elkabbach, reçu au bureau montpelliérain à la veille d’une interview.
En filmant les coulisses de campagne, Yves Jeuland montre le pouvoir et surtout la solitude du pouvoir. Isolement, aussi, pour les conseillers, dépassés par l’émancipation de leur candidat au fur et à mesure du film. Peu à peu, Georges Frêche prend un malin plaisir à contredire devant les médias les conseils de ses communicants. En constante représentation. "Je ne suis pas un gamin", s’insurge-t-il alors qu’on lui tend un papier en pleine interview lui ordonnant de ne pas faire d’attaques personnelles. "Hélène Mandroux n’a jamais eu une idée en tant qu’adjoint", enchaîne-t-il tout de go.
À la manière d’un ado rebelle, Frêche se moque de ses collaborateurs qui ôtent les encombrantes miniatures de Lénine et Mao de son bureau avant la réception d’un journaliste du Nouvel Observateur. "Il est passionné de ces figures historiques", explique Yves Jeuland "et aimerait faire partie de ces statues". Le président promet pourtant à ses conseillers de ne rien construire "avant la présidentielle" pour ne pas nuire à son image. Il ne lui faudra pas six mois pour fièrement inaugurer sa "place du XXe siècle" où trône la statue de Lénine. L’ultime pied de nez de ce mauvais garçon pas très catholique.
"Le Président" sort le 15 décembre 2010 au cinéma. Distribution : Rezo Film Production : La Générale de Production