Le constat accablant établi par le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport annuel sur l’état des prisons françaises n’a pour l’instant pas fait réagir le pouvoir.
Nommé par décret présidentiel, il y a plus d’un an, avec tambours et trompettes, le Contrôleur général des lieux de privation de libertés, Jean-Marie Delarue, a rendu le mercredi 8 avril, son premier rapport annuel sur l’état de « la France captive ». Un constat sans appel, un de plus, sur la situation « grave » dans laquelle se trouvent les prisons françaises.
La presse, largement présente à l’occasion de la remise du texte, en a rendu compte. Insistant sur l’importance des recommandations de monsieur Delarue. Mais pour l’instant, aucune réaction, ni de l’Élysée, ni du ministère de la Justice. Les week-ends au Cap Nègre, les nuits passées à biberonner, autant de choses qui, il est vrai, demandent du temps et de l’attention.
Nicolas Sarkozy, pour cause « d’agenda », a même repoussé son rendez-vous avec le contrôleur général afin qu’il lui remette son document de travail. Obligeant ce dernier à tenir sa conférence de presse avant son rendez-vous à l’Élysée. « Rien de bien grave », tempère auprès de Bakchich l’un des contrôleurs qui préfère garder l’anonymat.
39 suicides depuis le début de l’année (sur lesquels l’administration pénitentiaire a décidé de ne plus communiquer), une surpopulation insoutenable, des locaux vétustes, des employés de l’administration pénitentiaire essorés (qui commencent même à voir dans le suicide une solution), des détenus qui n’ont rien à faire en prison, la vie chère, le manque de travail en détention, le non-respect des familles, et une politique de réinsertion toujours plus trouble.
Autant de constats dressés de manière accablante par l’équipe de Delarue. Reste une question. Ce rapport a-t-il déjà fait long feu ? Nommé par décret présidentiel, le 13 juin 2008, pour six ans, le Contrôleur général des prisons assure diriger une institution indépendante. Elle a tout pouvoir pour se rendre, sans prévenir, dans les lieux de privations de libertés qu’elle désire. Établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention, commissariats… Afin, le plus « ethnologiquement » possible de faire une photographie de la « France captive ».
Louable mission. Jamais réalisée par ailleurs. Mais on s’interroge sur les moyens mis à sa disposition pour réaliser ce tour de force. Notamment quand Delarue, lors de sa conférence de presse, assure qu’il manque de personnels et qu’il va demander deux emplois supplémentaires. Notamment aussi quand on se rend sur le site web du contrôleur, toujours en construction… plus d’un an après la création de l’institution.
On s’interroge aussi sur la bonne volonté du ministère de la Justice, quand, contre toute attente, il demande à répertorier les informateurs du contrôleur. Détenus, prisonniers, familles de détenus. Autant de personnes dont la langue déjà dure à délier risque fort de ne plus émettre aucun son quand ils comprendront qu’ils ne peuvent faire remonter l’information de la base de manière anonyme. Surtout lorsque l’on sait que certains informateurs ont déjà eu à subir des représailles.
La tâche du contrôleur s’annonce donc difficile. Et son pouvoir de recommandation un brin léger face à l’ampleur du désastre pénitentiaire français.
« Il y a un oubli social des détenus, contrepartie inévitable du silence auquel leur situation matérielle les contraint et de l’opprobre où doit les tenir l’infraction », explique le contrôleur dans son rapport. « Opprobre : Ce qui humilie, mortifie à l’extrême d’une manière éclatante et publique », ajoute le Petit Robert.
Lire ou relire dans Bakchich :
Il est ou le rapport ? Pas en ligne ni sur le site du senat de suivi de la loi..les senateurs ne n’ont recu aucune copie..il est en vente dans une librairie de droit pour 18eur !!!
Ce n est pas un manque de moyen mais un manque de volonte. Ou sont les rapports de visite en ligne ??
Il n’y a qu’a regarder le site du controleur des prison dans une democratie :
http://inspectorates.homeoffice.gov.uk/hmiprisons/
Les juges ne sont pas là pour envisager quoi que ce soit. Ils sont là pour faire appliquer les lois même si elles leur semblent disproportionnées par rapport à la situation. Ils connaissent la réalité carcérale et l’essence de leur métier est l’humain, avec toutes les erreurs que cet humain peut commettre à un moment de sa vie. Les parlementaires sont élus par les citoyens, grâce à leurs discours sécuritaires brillamment soutenus par les vautours - oups, mes doigts ont fourché - les medias. Les parlementaires votent les lois.
Il semblerait donc que la seule responsabilité qui soit engagée soit celle des citoyens qui élisent ces parlementaires.
Les lois sur les peines plancher ont été voulues par Nicolas Sarkozy et Rachida Dati suite à des faits divers extrêmes. Les juges étaient jugés trop laxistes. Le hic : la loi étant générale, elle s’applique à tous les crimes et délits et pas seulement à ceux commis dans des circonstances particulièrement atroces.
Un juge peut décider de ne pas appliquer la peine plancher. Il faut dans ce cas qu’il développe très précisément la raison pour laquelle il n’a pas appliqué la peine plancher. Mais ce faisant, il court des risques.
Peine plancher, rétention de sûreté, fous en prison, dépistage des futurs délinquants en maternelle, emprisonnement des moins de 12 ans, suppression du juge d’instruction, la France condamnée à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour ses conditions de détention, etc. Je n’arrive pas à croire que ce soit ce que veut la majorité de mes concitoyens. Et pourtant, il semblerait bien.
"Mais ce faisant, il court des risques".
Pas tant que ça il semble, au vu de l’application des peines planchers.
Mon lien pointe vers un article qui date un peu (juin 2008) : "Sur ces 42.000 affaires, 9.250 ont vu l’application de la loi sur les peines plancher, soit de l’ordre de 22%.
Donc la loi sur les peines plancher, voulue automatique et s’imposant au juge, ne s’applique que dans à peine 20% des cas où elle est censée l’être. Bref, écarter la peine plancher est devenu le principe, et l’appliquer l’exception".
Effectivement, les juges moins que les procureurs qui ne requièrent pas la peine plancher dans les cas où elle s’applique.
Quant aux pourcentages, ils varient selons les sources (cf commentaires de Bruno Thouzellier secrétaire général de l’USM). Cet article date lui aussi de juin 2008 :)