Depuis un an, 6804 travailleurs sans-papiers sont en grève. 500 d’entre eux occupent la Cité de l’Immigration à Paris, en attendant que Besson traite les 1800 dossiers déposés par la CGT. Comme il l’avait promis en juin.
Paris, Porte dorée. Des drapeaux de la CGT et de la Cimade flottent sur la majestueuse Cité de l’Immigration. Mardi 12 octobre, les 6804 travailleurs sans-papiers en grève ont fêté leur un an de lutte. Après la Bourse du travail, les occupations d’entreprises et les marches de la Bastille, ils occupent, depuis jeudi 7 octobre, la très symbolique Cité de l’Immigration.
A l’entrée, deux hommes font le guet, sous le soleil. Fatigués. Voilà une semaine qu’ils occupent le musée, de jour comme de nuit, avec 500 autres grévistes.
Au mois de juin, le ministère de l’Immigration avait promis qu’il régulariserait les 1800 personnes qui avaient présenté un dossier, cet été. Le 18 juin, les grévistes avaient quitté les marches de la Bastille, après 20 jours d’occupation. Le gouvernement devait tenir ses promesses. Que nenni ! « Seuls 58 dossiers ont été traités et ont donné lieu à des autorisations de séjour provisoires ! », peste Hervé Goix, de la CGT, qui dénonce au passage l’hypocrisie du ministère. « Pour ne pas traiter les dossiers, on nous fait croire qu’ils leur manquent des pièces ». Alors, de guerre las, il y a une semaine, 6804 sans-papiers ont redémarré leur grève. Depuis, les rendez-vous avec le ministère de l’Immigration se succèdent. Sans résultat satisfaisant.
Dans la cour de la Cité de l’Immigration, les grévistes attendent, discutent par groupes, sur les marches, sur des parterres d’herbe, dans une ambiance conviviale. Mais les caméras ne sont pas d’emblée les bienvenues : on craint une intervention de la police. Puis les langues se délient, la confiance s’installe.
Les 500 sont bien décidés à poursuivre leur lutte, même s’il faut encore dormir par terre pendant plusieurs semaines, tassés les uns contre les autres, et ne repasser chez soi qu’un jour sur deux « juste le temps de prendre une douche ».
« C’est moins dur qu’à Bastille ! A Bastille, le sol était plus dur ! », s’exclame Grace Beugre, une femme d’une quarantaine d’années, porte-parole du groupe femme des sans-papiers grévistes. Et bien seule dans sa vie, en France. « J’ai dû quitter la Côte d’Ivoire, et laisser mes quatre enfants à Abidjan. Je ne les ai pas vus depuis neuf ans. Je ne peux pas les faire venir, je n’ai pas de papiers ! ».
Le dossier de Grace, femme de ménage, bonne à tout faire, n’a pas encore été déposé à la préfecture. Il ne serait pas valide, son employeur n’ayant pas voulu cocher les cases requises. « Les chefs d’entreprise ne tiennent pas à ce que nous soyons régularisés. Tant qu’on n’a pas de papiers, ils peuvent nous faire travailler plus, plus dur, et nous payer moins cher, sans problème : on n’a pas de droits ».
Mais, ajoute Grace, « je ne suis pas la seule, il y a plus de 6804 personnes qui attendent, je me bats pour tout le monde ! » Et quand on évoque les manifestations contre la réforme des retraites, Grace acquiesce sans hésiter : « Même si on n’a pas de papiers, on cotise pour les retraites. Ici, on se bat pour tous les travailleurs ».
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