Débarqué du gouvernement, André Santini a fini son mandat sur un échec. Le projet de suppression du classement de sortie de l’Ena, que Sarkozy voulait tant, a été rejeté par la commission des lois. Dans la plus grande discrétion.
Le rejet, le 17 juin dernier, de l’amendement défendu par André Santini - jusqu’à mardi, secrétaire d’Etat à la Fonction publique - et proposant la suppression du classement de sortie de l’Ena est largement passé inaperçu. Quelques lignes par-ci par-là, dans des articles consacrés plus largement à la fonction publique, mais pas plus de visibilité pour ce qui concerne pourtant un énorme revers pour Nicolas Sarkozy. Celui-ci demandait, dès début 2008, au gouvernement, de laver cet « archaïsme invraisemblable » qu’est le classement de sortie de l’Ena et qui, depuis 1945, permet aux quinze premiers sur la liste de choisir leur affectation dans les trois grands corps de l’Etat (Cour des comptes, Inspection générale des finances, Conseil d’Etat). Les suivants se partageant les ministères, tribunaux administratifs et préfectures.
C’est tellement passé inaperçu que le ministère de la Fonction publique n’a pas jugé bon, sur son site, d’évoquer ledit rejet. Au contraire, le ministère a fait comme si la suppression du classement était effective. Ainsi, a-t-il annoncé le 23 juin l’installation pour le lendemain du comité de mise en œuvre de la réforme de l’Ena, qui sera présidé par Jean-Pierre Jouyet. En disant bien que cette réforme, voulue de longue date par Nicolas Sarkozy (il l’avait évoquée une première fois en septembre 2007, à Nantes) et présentée le 25 mars dernier en conseil des ministres, est « articulée autour d’une refonte de la scolarité qui sera plus courte et plus opérationnelle et de la suppression du classement de sortie, dorénavant remplacé par une véritable procédure de recrutement » L’avis de la commission des lois serait-il « dorénavant » inutile ?
Lors de la prononciation de ses vœux aux corps constitués et fonctionnaires, à Lille, le 11 janvier 2008, Nicolas Sarkozy exigeait de « supprimer cette hiérarchie implicite et choquante entre les trois fonctions publiques », ces classements de sortie qui « rigidifient l’entrée dans la carrière » des futurs fonctionnaires. Il proposait, à l’époque et jusqu’à il y a quelques jours, de revenir à la bonne vieille pioche des fonctionnaires par les administrations. Les classements de sortie auraient du être ainsi remplacés par « des listes d’aptitude » pour permettre « de mieux concilier la demande des administrations et les attentes des agents, professionnelles et personnelles ».
Mais même s’il est vivement critiqué par le chef de l’Etat et certains élèves de l’Ecole – la promotion « Willy Brandt » (2007-2009) s’était prononcée à 76% pour sa suppression le 22 avril 2008 – le sacro saint classement de sortie a toujours des alliés solides dans l’hémicycle et au sein de l’association des anciens de l’Ena. Opaque s’il en est – il n’est pas rendu public – le classement de sortie de l’Ena est un symbole dur à effacer. Et André Santini, le secrétaire d’Etat à la fonction publique, tout récemment débarqué de son poste et qui ne sera pas remplacé, en a fait les frais.
Plutôt que d’ « oxygéner le dispositif », comme le souhaitait Nicolas Sarkozy, André Santini, qui avait pourtant la majorité derrière lui, aura surtout réussi à embrouiller encore un peu plus les parlementaires, lors de l’examen de l’amendement en commission des lois. La proposition d’amendement, mal ficelée, n’était pas là pour l’aider. Mais, le 17 juin, son argumentaire faiblard - selon lui, et d’autres, le classement de sortie de l’Ena « servait surtout à maintenir "l’endogamie" au sein des corps et à garantir la reproduction sociale » - lui a surtout valu des répliques assassines.
Alain Vidalies, député PS des Landes et vice-président de la commission des lois, non énarque, lui a ainsi répondu que ce classement « était une garantie incontestable d’égalité pour chacun des postulants », une « règle républicaine claire qui garantit à chacun, en fonction de ses mérites, […] de pouvoir accéder à tel ou tel poste ». Et d’attaquer Santini sur la solution de rechange : « vous lui substituez ce que vous appelez un "rapprochement des élèves et des employeurs", par quoi j’entends des décisions de pure opportunité relevant des seuls employeurs ».
S’il n’a pas réussi à mettre les socialistes dans sa poche, André Santini a également eu beaucoup de mal à convaincre jusque dans les rangs de sa grande famille politique. Ainsi, Charles de la Verpillière, député UMP de l’Ain, a expliqué qu’il ne votera pas « en l’état […] cet amendement beaucoup trop flou ». Pas convaincu par l’argumentaire de Santini sur « la nécessité de lutter contre "l’endogamie" des corps ». Il est vrai, l’homme est énarque et conseiller d’Etat. Mais son sentiment est partagé par d’autres députés UMP. Comme Jean-Paul Garraud, député UMP de Gironde, qui jugeait le 17 juin : « le rang de classement était une donnée objective que l’on remplace par des critères subjectifs et potentiellement source d’ambiguïtés ».
Trop confus, l’amendement devrait être retoqué et représenté lors des débats publics.
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Dédé Santini va retourner dans sa belle ville d’Issy Les Moulineaux. Un véritable parrain des Eaux de Seine celui-là ;-) épinglés il y a quelques mois, comme chaque année, par l’UFC Que Choisir dans une facturation opaque du traitement de l’eau et de sa facturation.
Avec toutes les affaires qui lui tombent sur le dos, un complot certainement, pas sûr qu’il reste aussi drôle qu’à une certaine époque, le fumeur de havane !