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Bête à concours, bête tout court

bachotage / jeudi 4 février 2010 par Juliette Keating
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La France est une vieille dame dont la maison regorge de bibelots anciens. Ses petits-enfants soupirent devant les armoires débordantes, le grenier plein à craquer et la cave comble : que faire de ce fatras ? Heureusement, le Président prend les choses en main. Il sait, le Président, ce qui doit être conservé, les antiquailles où se niche l’esprit de la famille, son identité : villages aux clochers virils qui se dressent dans nos campagnes, courage admirable du peuple qui souffre, armée sans repentance, drapeau tricolore et hymne sanglant, Marianne au sein nu, et cette langue si belle à la syntaxe retorse. Et l’on époussette les reliques de la vieille France, on les exhibe quand il devient opportun de rappeler combien la Patrie est grande et noble le Français fier de l’être.

Bête à concours, un archaïsme français

Mais le Président interrompt parfois l’inventaire. Il hausse les épaules, désigne un carton : celui où gisent les spécificités françaises qu’il condamne à la décharge de l’histoire nationale. Au fond de la boite malodorante, sévit une affreuse bête. Bipède macrocéphale, aux petits yeux chafouins et au poil huileux, elle se jette sur les plus ingrats volumes, dévore La Princesse de Clèves et son Profil d’une oeuvre, synthétise en un clin d’œil et disserte comme on pisse. Assoiffée de connaissances aussi pointues qu’inutiles, la bête ne calme son ardeur qu’une couronne de laurier posée sur la tête. Ce monstre à lunettes hante les cauchemars des cancres : c’est l’ignoble bête à concours. Produit d’un rituel archaïque et spécifiquement français, la bête à concours doit être écrasée à coups de talon, plus vivement que les cafards qui partagent les gourbis des trois millions et demi de mal-logés.

Quoi de plus bête que de passer un concours quand un père influent, des relations bien placées, un réseau d’amis, suffisent à obtenir un poste mérité ? Quoi de plus inutile que l’organisation d’un concours légitimant la réussite des rejetons des classes supérieures, qui de toute façon accaparent les meilleures places ? Quoi de plus rétrograde que les veillées laborieuses où l’on potasse des montagnes de fiches, alors qu’il est si branché de coopter les bons profils sur Facebook ? Adieu la méritocratie, bonjour la copinocratie, la léchagedebottocratie et autre népotisme. La bête à concours va crever, qui s’en plaindrait ? Sans doute la cohorte de nos compatriotes aux tronches pas catholiques qu’ils devront pourtant dévoiler sous le nez délicat des recruteurs : leurs copies anonymes, elles, n’avaient pas de couleur. Que ces futurs discriminés gardent espoir : ils trouveront peut-être un poste dans le 93, là où nul ne voudra plus aller, chez eux en somme.

Le 93, où des profs sont en grève contre la suppression des postes, l’allègement des programmes, la dégradation de la formation professionnelle des enseignants. Ces anciennes bêtes à concours défendent de nouveau l’idée d’une école égalitaire. Peut-être pour la dernière fois : car le Président, adepte du tri sélectif, a de longue date jeté la grève, avec les fonctionnaires, au fond du jardin, sur le tas de chiendent à brûler.

Lire ou relire sur Bakchich.info :

Un amendement UMP vise à sanctionner les vendeurs à la sauvette, passible désormais de six mois d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende.
Le mauvais esprit, fruit de la jalousie et du ressentiment, s’est emparé de la frange la plus méprisable des médias français au soir du 7 mai 2007. Depuis près de cent cinquante semaines, notre Président subit le harcèlement d’une horde de journaleux (…)
Boursier ! Nous t’avons choisi, toi, entre 1000 démunis qui ne nous méritent pas. Tu t’assiéras sur les bancs des écoles où nos enfants s’entraînent à tenir leurs rôles d’élites de la Nation…
À coups de petits feux – de poubelles et de joie – la jeunesse célèbre sporadiquement la réussite du plan Marshall pour les banlieues.
Chers amis du Parti populaire, les réformes se poursuivent ; nous ne nous arrêterons que lorsque nos bons vieux curés auront chanté le requiem pour les instituteurs.

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3 MESSAGES

Forum

  • Bête à concours, bête tout court
    le jeudi 4 février 2010 à 16:43, jack a dit :

    Bonjour,

    je fais clairement parti des "bêtes" en question, vu que j’ai fait des études (dans des écoles de banlieue) et ai intégré une grande école (parce que j’étais fort en math). Fils de technicien et de secrétaire, aujourd’hui ingénieur (et pas trader ni roi du monde), je m’étonne de la véhémence de vos propos et vous encourage à un peu plus de discernement.

    Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : les grandes écoles françaises sont de bonnes formations - techniques ou commerciales. Les dérives existent et plutôt que de s’y attaquer, vous sembler préférer tout jeter. C’est vrai que s’y attaquer n’est pas facile, un fils de bonne famille pourra toujours après quelques années à perdre son temps entre deux ou trois carrières à la fac (vu qu’il aura rater les concours à l’issue des prépas) finir président de l’EPAD ou - plus modestement - avec un master de quelque chose qu’il aura acheté. Et avec ce titre en poche il pourra faire jouer à plein les relations de la famille. Il y en a beaucoup comme ça, et tous ces masters à deux balles servant à recycler les incompétents devraient plus attirer vos foudres que les ex-taupins qui au moins ont prouvés qu’ils sont capable d’apprendre vite des choses compliquées et d’analyser un problème avec un minimum de pertinence.

    Il est regrettable que la population en grandes écoles soit tellement homogène, mais si on regardait plutôt du coté du manque de moyens des collèges et des lycées des quartiers populaires ? manque de moyen en enseignants et surtout en accompagnement, pour expliquer à quoi servent les études, ce qu’ils pourront faire après, pourquoi ça vaut le coup de s’accrocher.

    autre chose : que les grandes écoles aient plus de budget par élève que les universités, c’est la suite logique de vouloir amener 80% d’une génération au bac. Que faire ensuite, à part encombrer les bancs de la fac, et diminuer d’autant les moyens pour les élèves qui auraient quelque chose à y faire ? pourquoi donc amener 80% d’une génération au bac pour ensuite être vendeuse chez Pimkie ou pigiste chez Backchich ?

    pour conclure, ils pourront bien supprimer les grandes écoles, les "fils de" et "filles de" ont déjà des voies de rechange dans le système "copinocratique" en place. Par contre je ne suis pas sûr que notre industrie moribonde s’en relèverait.

    • Bête à concours, bête tout court
      le vendredi 5 février 2010 à 09:28, RemiZ a dit :

      Mr Jack, au lieu de vous en prendre aux sympathiques pigistes de Bakchich, vous devriez relire l’article, qui va plutôt dans votre sens : la copinocratie prend le dessus sur le système concours qui lui reste une expression (certes imparfaite) de la méritocratie.

      RémiZ, docteur en physique et bête de concours.

      • Bête à concours, bête tout court
        le samedi 13 février 2010 à 00:26, D-route a dit :
        On peut ajouter que si l’on peut acheter des diplômes, c’est plutôt dans la myriade d""écoles de commerce" où, outre des établissements "sérieux" pratiquant la vraie sélection du quidam, tout en laissant quand-même d’autres accès "particuliers", on trouve des "boîtes" où on intègre essentiellement n’importe quel cancre de bonne famille capable de faire un très gros chèque après un pseudo-concours plus ou moins formel. A la fac les copies sont normalement anonymes, et là les véritables cancres finissent par se faire éjecter à plus ou moins court terme, en tout cas bien avant d’obtenir une licence (c’est alors, ensuite, que certains plus aisés ne se découragent absolument pas et payent une de ces "écoles" pour obtenir tout de même un "diplôme". Ce sont souvent, comme par hasard, ceux qui bavent le plus sur l’Université, avec ceux qui n’ont jamais pu l’approcher, même en rêve…)
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