Le ministre de l’Intérieur se prend les pieds dans le tapis Persan de l’Irangate d’Asnières-sur-Seine
En octobre 2002, Nicolas Sarkozy , depuis peu place Beauvau décidait de « supprimer » les notes blanches des Renseignements Généraux. Une petite révolution aux RG. Sans en-tête, ni signatures, les fameuses notes interdisaient d’établir que les RG en étaient à l’origine et par voie de conséquence de remonter à leur auteur.
Désormais chaque note porte un en-tête qui indique le service d’origine et un numéro permettant d’identifier son auteur. Un progrès qui paradoxalement s’avère aujourd’hui embarrassant tant pour Sarko que pour son proche conseiller Manuel Aeschlimann.
Comme le montrent les documents récupérés par Bakchich, le ministre d’État vient de délivrer à la justice une attestation singulièrement inexacte et d’où l’on retiendra pour l’heure deux hypothèses : soit c’est le bordel complet aux RG, soit il s’agit d’une -bien maladroite- tentative d’enfumage de la justice.
L’affaire a pour cadre le conflit qui oppose (sur fond de projets immobiliers) des associations de riverains à la municipalité d’Asnières. Déjà évoquée par Bakchich ce dossier empoisonne la vie municipale depuis des années.
Dans le collimateur du député maire Aeschlimann, un des riverains réfractaires, par ailleurs Président de la fondation Ostad Elâhi. Sans entrer dans les détails d’un feuilleton ponctué de lettres anonymes, d’une fausse accusation de tentative meurtre ( !) et de multiples coups tordus, on retiendra qu’en octobre 2005 ce conflit de quartier déserte clochemerle pour intéresser désormais la « sécurité nationale ».
Relayant les accusations de la mairie d’Asnières , Le Monde ( 22/10/05) titre ainsi sur cette « fondation mystico-religieuse » qui « inquiète les services de renseignement ». Et d’évoquer « l’inquiétude croissante des enquêteurs » face à « l’Organisation » Elâhi » et « ses adeptes ». L’article s’appuie ouvertement sur des notes émanant des RG et de la DST. Non sans dommages collatéraux : la « dérive sectaire » ainsi mise en exergue par des services officiels de police provoque aussitôt la faillite d’une société informatique leader sur son marché. Son PDG est désigné comme un « adepte » , ce qui déplaît à son actionnaire principal, la Caisse des Dépôts.
Le contexte de l’offensive n’est pas non plus anodin. Quelques semaines plus tôt, l’adjoint à la communication d’Aeschlimann s’est fait étaler pour diffamation envers la fondation Elâhi pour un tract qui selon le tribunal « manifeste en réalité le souhait pour ses concepteurs de jeter l’opprobre publique sur une fondation par ailleurs reconnue publique ».
Cinglant revers pour la mairie d’Asnières qui interjette appel et qui peut espérer cette fois s’appuyer tant sur le Monde que sur des informations made in « confidentiel défense ». Du « sérieux » et sans doute de quoi impressionner les magistrats.
La question fait débat : les RG, la DST ont-ils été mis à contribution pour donner un coup de pouce à un ami politique du ministre de l’Intérieur ? Un journaliste permanencier d’une grande agence affirme que oui et le tenir de « la bouche du cheval ». Difficile à établir toutefois.
Soucieuse d’éviter une manipulation, la Cour d’Appel décide alors de la réouverture des débats et réclame en juin 2006 la déclassification des notes RG et DST.
Par retour du courrier, le 19 juillet, Nicolas Sarkozy « très sensibilisé » par cette demande, assure au Président de chambre Marc Riolacci avoir « demandé au directeur de la police nationale » qu’il saisisse les deux directions » ( RG et DST ) afin de faire des recherches. Au terme de celles-ci, le ministre assure que « la DST nous à transmis une fiche ». De son côté « la DCRG n’a quant à elle, identifié aucune deuxième note » conclut le ministre d’État.
Cette deuxième note existe pourtant bel et bien. Une erreur d’aiguillage permet d’ailleurs à Bakchich de la reproduire ! La première (déclassifiée par le ministre) est datée du 7 septembre 2005 et porte le numéro O5-784. La seconde du jeudi 29 septembre 2005 est enregistrée sous le N° O5-724 . Elle est toujours « confidentiel défense » mais comme elle n’existe pas, la publier ne saurait constituer une véritable atteinte aux intérêts vitaux de l’ État…