Promis aux limbes de l’oubli du fonctionnariat, les plus choyés des fonctionnaires de Bercy, les conservateurs des hypothèques, se paient un dernier baroud d’honneur.
En 2012, promis, leur statut si particulier aura disparu, a annoncé le 10 juin Eric Woerth, ci-devant secrétaire d’Etat au Budget. Et l’association des conservateurs des hypothèques de verser une larme sur près de deux siècles d’histoire et de privilèges.
Régi par une loi du 21 ventôse An VII (le 11 mars 1799), après avoir été créé par un édit de 1771, le statut bénéficie à quelque 350 petits veinards, cadres supérieurs de Bercy, dont la rémunération est fonction des ventes sur le marché de l’immobilier.
Chargés de la tenue du fichier immobilier, ce dur labeur les « occupe au mieux deux jours par semaine », peste un haut fonctionnaire du ministère. Pour une rémunération fort respectable. « 113 746 euros en moyenne en 2006 mais pouvant atteindre 245 000 euros par an », pointait la Cour des comptes dans son rapport 2008. Des juges peu amènes. « Le régime de rémunérations très avantageux conférait aux conservateurs des hypothèques des fins de carrière atypiques et des retraites majorées. » A savoir une majoration d’un plancher de 5 000 euros par an. Un tout bénéf’ amené à disparaître. Tout comme leur rémunération, en partie assurée par le prélèvement d’une fraction des sommes versées par les usagers à l’occasion des transferts de propriétés portant sur des immeubles. Mais seulement en 2012.
D’ici là, les hypothécaires veulent conserver leur bout de gras. Même en pleine crise. Et c’est en ce sens que l’AMC (Association mutuelle des conservateurs) s’est fendue d’une lettre larmoyante à l’attention du directeur général de Bercy, le 4 juin dernier. « Le contexte général (de crise, ndlr) justifie en effet un réexamen rapide du barème des salaires », pleurniche le président de l’amicale, Jacky Granet. Mais en « relayant ces préoccupations, l’AMC n’a pas le sentiment de faire une démarche qui pourrait être perçue comme inappropriée dans le contexte économique que connaît actuellement notre pays ». Pleurnichard mais cocardier le Jacky…
Et les conservateurs considèrent que « l’Etat est le garant du maintien de leurs salaires dans de justes proportions avec leurs responsabilités ». Bref, l’Etat doit maintenir la dorure du placard contre la crise qui frappe durement le marché de l’immobilier… « Au cour du premier trimestre 2009, sur 354 conservations des hypothèques, 340 affichent une baisse moyenne supérieure à 20 %, se traduisant par une perte globale des salaires demi-nets de près d’un million d’euros ». En clair, moins d’immeubles se vendent et la dîme prélevée par ces hauts fonctionnaires qui ont un pied et demi à la retraite doit être compensée. Sinon, « il est à redouter que les postes de conservation ne soient plus demandés par les cadres supérieurs ». Péril en la demeure, feu au lac, diantre !
Trop de fonctionnaires dont la Cour des comptes a dénoncé « la qualité du service » et « les gains de productivité inexploités ». En langage moins policé, les juges les soupçonnent de ne pas en foutre une…
D’ailleurs, à aucun moment dans sa lettre, l’AMC n’évoque le travail de ses ouailles pour justifier de leurs salaires. Sans doute un oubli puisque, en septembre 2004, dans un bulletin interne à la direction des services fiscaux, le bon Jacky Granet s’enthousiasmait de diffuser « la culture du résultat, mesuré et quantifiable ».
Travailler moins pour gagner plus doit finalement avoir ses bons côtés…
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