L’agglomération Est Ensemble qui réunit 9 villes franciliennes a pensé un instant se passer des services de Véolia pour la distribution de l’eau mais la puissante multinationale a dicté sa loi. Enquête
Veolia règne toujours en maître sur les eaux franciliennes. Et son bras armé parisien le Sedif (Syndicat des eaux d’ile de France) peut se décrisper. Mardi 30 novembre, le conseil intercommunal d’Est Ensemble, 400 000 personnes (Montreuil, Bagnolet, Romainville, Pantin et cinq autres villes) a choisi l’exploitation privée de ses eaux plutôt qu’un retour à une régie publique. Il était question pendant un court instant de rejoindre la régie parisienne. Un court instant… Comment expliquer qu’une majorité de gauche vote encore et toujours la délégation d’un service public aussi significatif que l’eau à une compagnie privée ? Comment expliquer qu’une agglomération choisisse des prix 30 à 40 % plus élevés que la régie parisienne ? Pourquoi choisir un exploitant qui entretient mal son réseau quand les élus reconnaissent eux-mêmes un vieillissement des installations et de très nombreuses fuites ? Et qui s’inquiète de l’aluminium, utilisé par Veolia dans son traitement de l’eau, source d’inquiétude pour nombre de scientifiques, qui y voit une des causes de la maladie d’Alzheimer ? Pas grand monde… Vidéo
Le 22 novembre dernier, André Santini, le tout puissant président du Sédif a prévenu Est ensemble. Il ne peut y avoir de contrat temporaire entre Sedif-Véolia et Est ensemble. En clair, soit vous vous engagez pour douze ans avec moi, soit vous pourriez manquer d’eau pour vos 400 000 habitants dès le 1er janvier prochain… A peine le couteau sous la gorge, les élus socialistes, communistes et UMP ont trouvé une majorité pour déléguer au Sédif sa gestion de l’eau.
Mais Est Ensemble s’est-elle donné les moyens de rivaliser ? Beaucoup d’élus ont déploré des études tardives et mal faites, des rendez-vous insuffisants et un débat inexistant. Plusieurs élus du Front de gauche ou d’Europe-Ecologie accusent en aparté la direction intercommunale d’avoir trainé des pieds. Carole Bréviaire, conseillère municipale Modem de Bobigny, qui a voté pour Véolia, semble-t-il contrainte et forcée faute de solutions, a tout de même reproché à la communauté de n’avoir pas travaillé à une alternative. Y-a-t-il eu un projet de raccord avec Eau de Paris ? Dans les dires oui mais dans les faits, des carences posent problème. Le cabinet d’étude Calia, chargé d’« une étude comparative des services d’eau en région parisienne », n’a pas pris le soin de rencontrer Eau de Paris, 3 millions d’usagers, l’eau la moins chère d’Ile de France ! Le 13 septembre, Anne le Strat, présidente d’Eau de Paris, a déclaré n’ « avoir été contacté officiellement par aucun cabinet d’étude ». Et Calia de conclure dans son cher rapport qu’il n’y avait que Veolia comme solution. Bien évidemment !
Selon Pierre Desgranges, vice-président écolo d’Est Ensemble, « l’agglomération ne peut résister aux pressions de Veolia et d’un système bien ficelé. Si Est Ensemble rejoignait Eau de Paris, la perte serait de 6 millions d’euros par an pour Veolia. Ce serait une rupture significative de contrat, mettant en péril le Sedif et le premier marché d’eau mondial, ce qui est inimaginable pour la grande entreprise. » Il rajoute que « l’agglomération aurait payé un prix terrible si elle était sortie du Sedif ». Veolia a alors menacé d’augmenter ses prix et aurait mis tout son poids politique pour reprendre Est ensemble… Le Président Kern ne pipe mot.
Un seul homme a évoqué les problèmes liés à l’aluminium, Jacques Jakubowicz, adjoint PCF au Maire de Bondy. Ce conseiller communautaire a exprimé toute son inquiétude par le lien qu’ont pu faire des scientifiques entre l’aluminium, utilisé pour filtrer l’eau, et la maladie d’Alzheimer. Dans un récent documentaire diffusé sur France 3 « Du poison dans l’eau du robinet », on apprend que Véolia, de la bouche de son communiquant, fait boire à 109 000 personnes de l’eau au-delà des normes françaises, 200 microgrammes par litre. 109 000 personnes. Mais plus inquiétant, on apprend dans un autre document, écrit en 2008 par deux chercheurs du CNRS, que les résidus d’aluminium ne devraient pas dépasser les 50 microgrammes. Henri Pezerat et André Picot précise « Il s’avère indispensable d’imposer une valeur limite plus contraignante à l’aluminium dans l’eau ne serait-ce qu’à 50 microgrammes/litre, ce qui était d’ailleurs la valeur guide de l’Union européenne dans la directive de 1980. Mais - probablement sous l’influence des lobbies internationaux, celui de l’aluminium et celui des producteurs d’eau de boisson a été augmenté à 200 microgrammes/litre. Et les dépassements de cette valeur sont notables dans certaines régions françaises. Le passage à une valeur limite à 50μg/litre obligerait à abaisser la teneur en aluminium dans plus de 50% de la production d’eau potable à partir d’eaux superficielles. »
Rendez-vous donc en 2022 pour un possible changement de régie. D’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts franciliens.
Lire ou relire dans Bakchich :
j’aime bien les militants qui foutent le bordel et empéchent les élus de se réunir … et qui, une semaine plus tard, trouvent anti-démocratique qu’on les empéchent de troubler à nouveau l’assemblée ..
Tout est une question de point de vue … surtout la démocratie
Les citoyens vigilants ont le droit et le devoir d’intervenir lorsque leurs droits sont baffoués.
C’était le cas lors du 23/11 puisque la CCSPL (Commission Consultative des Services Publics Locaux) n’avait pas été consultée alors que cela est obligatoire (L1413-1 du CGCT Code général des collectivités territoriales).
Notons aussi qu’avant ce vote, finalement reporté, chaque élu avait à sa place une lettre du SEDIF invoquant des raisons techniques et juridiques (discutables) tous en faveur d’une réadhésion au SEDIF (dont le président André Santini signe certains de ses couriers sur papier à en-tête Veolia).
Rappelons enfin que des conseillers communautaires comme Mme GUIGOU députée et ancienne garde des sceaux se déclaraient publiquement 3 jours avant le vote être pour une convention provisoire de 2 ans avec le SEDIF (lien vers la vidéo en bas de ma réponse). Cette option n’a même pas été soumise au vote, ni le 23 ni le 30, M. Kern ayant refusé d’inscrire cette délibération alternative.
Si Mme GUIGOU et nombre d’autres conseillers communautaires votent le contraire de ce qu’ils prônent publiquement, c’est au minimum qu’il existe un joli flou sur la possibilité et les avantages d’une convention provisoire. Mais alors pourquoi ne pas prendre le temps de clarifier le débat ? Pourquoi au contraire tant de précipitation :
Pourquoi avoir reconvoqué le 30, soit le délai minimal tenant compte du délai de convocation fixé à 5 jours francs ?
Pourquoi recourir à 70 vigiles d’une société dont l’identité reste toujours inconnue malgré mes demandes répétées à la préfecture du 93 et aux mairies de Romainville et de Pantin ?
Pourquoi ces consignes de fouilles préalables réalisées dans la plus totale illégalité ?
Lire aussi le chapitre "Veolia pouponnière des élus sans mandat" du très documenté "Histoire secrète du patronnat" aux éditions La Découverte…
Bonjour,
Cet article sur la présence de Veolia en Ile de France m’interpelle sur la manière dont le principe de précaution est simple à détourner finalement !
Egalement, je m’interroge sur les missions hors EU de la Fondation Veolia. En effet, on peut se demander quels sont les critères retenus dans la composition de l’eau potable distribuée (dont la présence d’aluminium) lorsque la Fondation Veolia intervient sur des terrains de crise humanitaire, telle que la crise haïtienne, en partenariat avec des ONG ? (Cf. : Lien…)
Rassurez-vous, les sinistrés sont meiux lotis que les français. Ils ont droit à de l’eau sans alu.
L’alu n’est pas présent naturellement dans l’eau. Il est ajouté pour donner un bel aspect à l’eau (reflets metaliques qui plaisent aux consommateurs).
Les pauvres sinistrés sont moins regardant et son donc exemptés d’alu. On peut pas toujours avoir pas de bol.
Bon moi jusque là je pensais que Bakchich faisait des enquêtes poussées et appronfondies avec des faits vérifiés et approuvés. Sur certains sujets, cela ressemble plutôt au copier-coller d’informations racoleuses glanées un peu partout. Je connais bien ce sujet et franchement l’histoire de l’aluminium dans l’eau, c’est vraiment un hoax de première ; Il y en a bien sur mais pas du tout dans les quantités décrit. En france, nous sommes bien en dessous des 50 mg décrit dans 99% des cas. De plus comparer le prix de l’eau entre la régie de Paris et le SEDIF c’est juste impossible car : 1) le prix de l’eau en régie ne supporte absolument pas les mêmes charges que dans le privé (pas de TP, de surtaxe,…), il n’y pas nécessité de reporter les investissements faits sur le prix de l’eau par exemple… 2) la structure d’alimentation des eaux entre Paris et Banlieue est radicalement différente. Historiquement Eau de Paris a développé des captages en nappe phréatique donc de l’eau très pure et peu chère alors que la Banlieue ne peut puiser dans ces nappes et prend l’eau dans la Seine, ce qui coûte plus chère. 3) De plus, il est facile pour une régie de faire de l’affichage de prix déconnecté du coût réel, ce qui est plus difficile lorsque l’on rend des comptes à des élus et des actionnaires. Il est claire que Paris affiche un prix politique en deça du coût de revient de l’eau.
Au final, je suis très décue par Bakchich et je m’y ferai un peu plus attention aux informations données par ce site sur d’autres sujets ou je n’y connais rien.