L’explosive affaire du contrat du Stade Jean-Bouin dans laquelle Delanoë et Lagardère risquent gros revient vendredi devant le Conseil d’État. Une institution qui compte d’imprudents adeptes de Facebook.
Pire que des ados ! Tout à la découverte de Facebook et ravis d’être à la page, certains membres du vénérable Conseil d’État sont devenus de fervents adeptes du fameux réseau social. Lequel en dit plus sur vous que vous ne le pensez. D’ailleurs en exposant imprudemment leurs amitiés sur la toile, ces juristes trahissent un peu la façon dont ils prennent leurs décisions.
C’est le cas dans la fameuse et sensible affaire du stade Jean-Bouin avec laquelle le Conseil d’État n’en n’a pas fini. Vendredi 26 novembre, il est une nouvelle fois appelé à statuer, mais en cassation cette fois, sur le contrat passé en 2004 entre le maire de Paris, Bertrand Delanoë et une association soutenue par le groupe d’Arnaud Lagardère.
L’affaire est de plus sensible car ces deux figures risquent gros. En effet, une mise en examen pour délit de favoritisme leur pend au nez. La relance de cette procédure par la justice pénale dépend en partie de ce que la plus haute juridiction administrative va dé,cider en parallèle.
En janvier dernier, le Conseil d’État, saisi d’un sursis à exécution, avait sauvé la mise à Bertrand Delanoë et à Arnaud Lagardère. Les magistrats avaient jugé que le maire de Paris était tout à fait en droit d’attribuer sans aucune mise en concurrence – et contre un loyer modique versée par l’industriel à la ville - la gestion du Stade Jean-Bouin. Pour les sages du Palais Royal, malgré la gestion d’activités scolaires sur le complexe, il n’était aucunement question de délégation de service public.
Cette lecture a fait d’autant plus polémique qu’en mars, une cour administrative - qui a statué en plénière au fond - a retoqué sans fard les positions du Conseil d’État. Depuis la controverse n’en finit pas d’alimenter les gazettes spécialisées. Nombre de juristes estiment que les sages ont quelque peu distordu le droit pour faire plaisir à Bertrand et à Arnaud.
D’ailleurs, Bakchich avait levé le lièvre en racontant que la 8eme sous section du Conseil d’Etat qui a instruit l’affaire à l’époque – et l’a co-jugée avec la 3e sous-section - comptait beaucoup de partisans du maire de Paris. Comme Laurent Olléon, le commissaire du gouvernement, et signataire de la motion de Delanoë au dernier congrès du PS. Autre connaissance du maire, Alain Christnacht qui outre, son job au Conseil d’État est aussi employé à mi-temps comme conseiller de Delanoë à l’Hôtel de ville.
A l’époque Alain Chrisnacht avait indiqué s’être « déporté ». Autrement dit avoir fermé les yeux, s’être baîllonné et bouché les oreilles comme les singes chinois, lorsque l’affaire était instruite et jugée par ses pairs. Mais rien ne l’empêchait de faire le point avec les collègues de bureau à la machine à café ou sur… Facebook.
Le réseau social vedette est affreusement bavard sur les liens des uns et des autres. Sur Facebook, Alain Christnacht est “ami“ avec Laurent Olléon. Et tous deux partagent une amie commune qui est aussi une collègue de la même sous-section, Carine Soulay. Laquelle a eu un rôle-clé dans l’affaire en appel. Comme rapporteur, c’est elle qui a rédigé le jugement publié en janvier qui n’a guère différé de la position adoptée en séance publique par Olléon et favorable au maire.
Évidemment tout cela est du passé, mais il se trouve que le dossier Jean-Bouin sort du boisseau. Comme par hasard, c’est la même sous-section, la 8e, qui a encore une fois instruit l’affaire. Au mépris des principes du droit, estime Hervé Picart, gestionnaire d’un club de tennis et plaignant à l’origine des ennuis de Delanoë et Lagardère avec la justice.
Certes, dans ce nouveau round, Olléon n’est pas le rapporteur public désigné puisque ce rôle est dévolu à Nathalie Escaut, jeune magistrate qui n’a pas d’affinités avérées avec le maire.
Secoué par cette histoire, Olléon a depuis modifié sa jurisprudence personnelle au sujet de l’usage de Facebook. Il a masqué son réseau d’amis. Et changé son profil en prenant le pseudo de Rol Tanguy. Les héritiers de ce héros communiste de la libération de Paris en 1944 apprécieront sans doute cette forme d’usurpation d’identité.
Cependant, dans l’affaire examinée vendredi 26 novembre, le manche est bien tenu puisque Carine Soulay est à nouveau rapporteur du dossier !
Sensible au reproche de partialité, le Conseil d’État a décidé de juger l’affaire en plénière formée de 15 membres dont les présidents des dix sous-sections. L’heure est grave, car à ce stade, l’arrêt qui découlera de la séance du 26 doit faire jurisprudence. Il faut donc éviter toute polémique.
Pour autant, elle n’est pas absente. On peut avoir des doutes car sur les présidents de sous-section, « deux d’entre eux se sont déjà prononcés sur l’affaire Jean Bouin dans des publications juridiques » affirme Hervé Picard. Et une troisième, Christine Mauguë, est épouse à la ville de Bernard Rullier. Cet ancien des cabinets ministériels socialistes a en 2001 participé à la campagne de Delanoë.
En tous cas, Bakchich prend les paris. A moins qu’ils ne bottent en touche et renvoient l’affaire devant une chambre d’appel, selon des indiscrétions, les sages du conseil d’Etat devraient maintenir leur interprétation favorable à Arnaud et à Bertrand.
Poke, jeu, set et match ?
Bonjour à tous,
Il est fou dans cette histoire que vous soyez tous friands de "conflits d’intérêts" ou d’"amitiés" sans s’intéresser au fond de l’affaire.
Hier, le rapporteur public a précisé l’Etat du droit applicable et l’a fait fort justement. Il ne s’agit pas d’une délégation de service public mais d’une convention d’occupation domaniale. Or les COD ne sont soumises à aucune règles de passations particulières pour le moment en droit interne. Et il n’appartient pas au juge de mettre en place un tel régime mais au législateur.
A partir de là, vous pouvez voir toutes les amitiés du monde, si le Conseil d’Etat suit les conclusions de son rapporteur, il l’aura fait à bon droit, et pas pour aider Delanöé.
Ils ont tellement l’habitude de traiter les affaires en "famille" (ie : par dessus la jambe) qu’ils oublient de s’informer sur la vie réelle. Or la vie réelle, c’est entre autre la technologie d’internet.
Et s’ils se permettent d’un côté de légiférer pour le contrôler - ou du moins essayer - sans le connaître, ils se prennent leur propre connnerie dans la gueule. Délectable.
Mais ils n’ont encore rien vu. Et nous non plus. Et ça va être jouissif, prenez une bonne bière et commandez une pizza pour le spectacle. Parce que les "réseaux sociaux", c’est une toute toute petite partie de ce grand réseau social qu’est internet.