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Un laborantin au Conseil d’Etat

pharmacopée / vendredi 19 février 2010 par Jacques-Marie Bourget
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Le gel Ketum, crème anti-inflammatoire, a été retiré des rayons par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Décision cassée par le Conseil d’État. En vertu de quelles compétences, là est la question.

Après le sang contaminé, notre santé a connu d’autres cataclysmes, la vache folle, puis l’hormone de croissance. Pour faire court, dans l’horreur, nous n’allons pas remonter à la Thalidomine, qui donnait des bébés naissant sans bras, ou au Distilbène qui a flanqué des cancers aux filles des mères qui ont ingurgité ce médicament fou… Puis nous avons connu la rafale des grippes, aviaire puis porcine où, cette dernière fois, Roselyne a transformé la France en une chose qui évoluait entre la caserne et l’hôpital.

De ces calamités en série est né le « principe de précaution » et un système de vigilance qui vise à éviter de nous faire crever en prenant une aspirine. Eh bien, tout ça, c’est fini. Ce ne sont plus les spécialistes de la santé qui nous disent ce qui est bon ou nocif, mais Jacques Arrighi de Casanova, patron de la première sous-section du Conseil d’État !

(co)labo

Explication. Le 17 décembre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) décide de suspendre l’autorisation de mise sur le marché du Ketum 2,5 %, gel. La chose est une pommade que tout sportif ou rhumatisant a dans son placard à pharmacie pour guérir des chutes, entorses ou douleurs. Il se trouve que le laboratoire Menarini France fabrique cette chose en abondance. Pas content, Menarini va pleurnicher devant le Conseil d’État, merveilleux corps qui réchauffe de précieux juristes comme Jacques Arrighi de Casanova.

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effet pervers

Et c’est ce maître Jacques-là, prenant son tablier de savant, qui, le 26 janvier 2010, nous dit le contraire de la Commission de sécurité, et qu’il y a urgence à remettre le Ketum dans les rayons des pharmacies. Ce qui est bien, avec ce Casanova et ses cornues, c’est qu’on économise des docteurs et des biologistes. L’argument de notre juriste, diplômé de l’ENA et ancien conseiller technique chez Chirac, est que le gel Ketum, qui peut vous flanquer à l’hosto, n’a touché qu’une « trentaine de personnes ». Mieux : « cet effet [pervers], connu depuis l’origine, semble pour une large part imputable au non-respect des précautions d’emploi ». Plus clairement dit, si le Ketum vous insupporte, c’est que vous êtes des cons. Casanova ajoute qu’aucun des vingt États consultés n’a ainsi maltraité ce traitement ! Qui ignorait que l’ENA donne un diplôme de médecine comme l’Assemblée nationale a fait de Copé un avocat.

Donc, si vous croisez un énarque, avec votre carte Vitale en poche, il peut vous soigner. Plus loin dans son jugement, le sieur Casanova en arrive au coeur du sujet. Le fric. « Considérant que le Ketum présente le deuxième chiffre d’affaires de la société Menarini… », l’interdiction décidée rendrait impossible, pour cette société, « de retrouver en 2010 un résultat positif ». Quand Casanova parle de « positif », il parle de sous. Bien sûr, auprès de Chirac, on apprend à bien compter. Mieux, l’État, vous et moi, devrons verser 3 000 euros à Menarini et 500 euros par jour tant que le présent jugement n’est pas mis en ligne sur le site de l’Afssaps.

fermez-la

Résumons-nous. Les savants austères (« aimant des chats puissants et doux » précisait Baudelaire), les espiègles de l’Afssaps, n’ont qu’à la fermer face à un Jacques Arrighi de Casanova qui sait bien mieux qu’eux ce qui est bon pour les Français. Le bonheur de la France, ne l’at- il pas piloté depuis le secrétariat général de l’Élysée, entre 1994 et 2002 ? Pourquoi s’arrêter ?

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  • Un laborantin au Conseil d’Etat
    le mercredi 24 février 2010 à 22:44, Phil2922 a dit :
    Je l’avais dit à ma fille : "quand on a fait l’ENA, on peut tout faire !" carpe
  • Un laborantin au Conseil d’Etat
    le mercredi 24 février 2010 à 17:44, Paul Paris a dit :

    Quelle est cette conception de la justice, dans laquelle seuls les médecins pourraient trancher les litiges médicaux, seuls les flics les litiges policiers, et (pourquoi pas ?) seuls les journalistes les litiges en matière de presse ?

    En parlant de journaliste, si Jacques-Marie Bourget, qui est si prompt à porter des jugements sur le travail des uns et des autres, faisait correctement son travail, il se serait un peu renseigné avant d’écrire n’importe quoi.

    Cela lui aurait évité de confondre secrétariat général du Gouvernement (où Jacques Arrighi, mon prof lorsque j’étais à la fac, a exercé des fonctions de conseiller juridique, c’est-à-dire purement techniques, comme le font tous les fonctionnaires du SGG), avec secrétariat général de l’Elysée (où il n’a jamais mis les pieds, ce qui signifie tout bonnement… qu’il n’a jamais travaillé pour Jacques Chirac, contrairement à ce que M. Bourget ne cesse de répéter).

  • Un laborantin au Conseil d’Etat
    le lundi 22 février 2010 à 18:40

    Alors oui mais non.

    La référence au chiffre d’affaire de la société est entrée en ligne de compte uniquement pour apprécier l’urgence à suspendre la décision de l’AFSSAPS, urgence au regard de la situation de la société. Un chiffre d’affaire dépendant du Kétum donne, de façon non contestable, une petite urgence pour la boîte en question à agir.

    Mais pour suspendre, il faut aussi un doute sur la légalité de la décision.

    Or, ici et contrairement à ce qu’indique le site de l’AFSSAPS, d’une part, une trentaine de cas sur plusieurs millions ont connu des effets secondaires indésirables. D’autre part, ces cas étaient dus à une méconnaissance des précautions d’emploi, qui figurent sur la notice du Kétum. Enfin, l’AFSSAPS elle-même a reconnu que les études du Kétum (relatives au service médical rendu et aux effets indésirables) qui ont conduit à sa mise sur le marché (études au résultat positif, donc) étaient toujours valables. Rien ne permettait donc de déduire que le Kétum présentait un risque pour la santé.

    Au passage, ce produit bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne… et seule l’AFSSAPS a suspendu cette AMM. Alors, soit l’AFSSAPS est bien meilleure que tous ses homologues européens, aveugles, soit il n’y avait rien justifiant cette décision…

    Enfin, pour les plus sceptiques, une ordonnance de référés est provisoire, il y aura une décision au fond à venir, après une grosse instruction et des expertises.

  • Un laborantin au Conseil d’Etat
    le lundi 22 février 2010 à 17:50, Phil2922 a dit :

    "Mieux : « cet effet [pervers], connu depuis l’origine, semble pour une large part imputable au non-respect des précautions d’emploi ». Plus clairement dit, si le Ketum vous insupporte, c’est que vous êtes des cons."

    Commentaire hautement fantaisiste si ce n’est malhonnête..

    Tout un chacun peut ne pas tolérer une substance que ça soit un médicament ou une cacahouète. Ce n’est pas parce que moi-même je n’ai pas supporté un médicament que j’ai voulu qu’il soit retiré ! Un autre de la même "famille" mais avec une autre molécule utilisé plus tard et je n’ai eu aucun problème.

    Une mauvaise utilisation est possible, même un simple changement des conditions "externes" peut entrainer des réactions.

    De plus si vous lisiez les notices vous verriez qu’en général les effets secondaires possibles sont communs dans une même famille de médicament ; donc pourquoi en interdire un et pas les autres ?

    En dehors de ce cas particulier je trouve plus gênante cette manie de l’Afssaps de déclasser des médicaments qui ont fait leurs preuves… C’est vrai qu’il y a plein de nouvelles molécules plus lucratives qui attendent… et ce n’est pas grave si on n’a pas les moyens d’y accéder… ce n’est évidemment que la recherche du bien commun qui anime ces braves gens

  • Un laborantin au Conseil d’Etat
    le dimanche 21 février 2010 à 18:06, docaubrac a dit :

    Vos commentaires sont un peu courts

    Le conseil d’état s’est aussi appuyé sur le fait que les effets secondaires à l’origine de la décision de l’AFSAPS étaient connus de toute l’Europe depuis la mise sur le marché, qu’ils sont présents avec la pluspart des gels anti-inflammatoires et qu’aucun pays européen n’a jugé bon de remettre en cause l’AMM.Comme de plus aucune augmentation ou aggravation des cas n’ont été recensées, le CE a dit qu’il n’y avait aucune urgence à prendre une décision aussi lourde de conséquences pour une entreprise.

    En fait , le conseil d’état a simplement dit qu’un fonctionnaire, même de l’AFSAPS, ne pouvait pas faire n’importe quoi au nom d’un fumeux "principe de précaution".

    Il a ensuite ajouté que quand un haut fonctionnaire faisait quand même du n’importe quoi, l’état devait indemniser les victimes.

    Au lieu de critiquer le CE vous devriez vous demander comment fonctionne l’AFSAPS et ses décisions dans le domaine médical, tellement absconses et si souvent loin des données validées par les sociétés savantes.

    Dr de Labrusse.

    • Un laborantin au Conseil d’Etat
      le dimanche 21 février 2010 à 20:59, JM Bourget a dit :

      Avez-vous remarqué, cher docteur je sais tout, que dans le cas de la thalidomide et du Distilbène, par exemple, mais en général à chaque fois qu’il y a un risque, la France est en avance dans le retrait du produit. Tant pis si les autres pays d’Europe souhaitent le bien des labos plutôt que celui des patients. En dehors de cela, s’il y a des fonctionnaires au sein de l’AFSAPS, ce qui n’est pas forcément mauvais signe, il y a surtout de hommes liés par le serment d’Hippocrate qui pense aussi, un peu et visiblement plus que vous, à notre bonne santé.En ce qui me concerne, je fais plus confiance à des scientifiques, même faillibles, qu’à un énarque qui a étudié les réalités de la vraie vie dans les cabinets de Chirac.

      JM Bourget

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