Nicolas Sarkozy d’habitude si prompt à réagir a pris plus d’un mois pour répondre à la crise aux Antilles. Et ne s’est toujours pas rendu sur place. Explications.
Vendredi 20 février, l’Élysée fait savoir que Nicolas Sarkozy s’était entretenu avec les familles des deux militaires français morts en Afghanistan en 2008. Une attention légitime mais qui contraste avec le peu d’égards de Nicolas Sarkozy après la mort d’un syndicaliste en Guadeloupe. « Dès qu’il y a un mort dans un manège ou une agression raciste contre la communauté juive », raconte amer le maire indépendantiste de Sainte-Anne (Martinique), Garcin Malsa, « Nicolas Sarkozy s’empresse à juste titre de monter au créneau pour saluer la mémoire de la victime ». Et là ? Rien.
Le 5 février, lors de son interview télévisée, Sarko ne pipe mot sur l’Outre-Mer. Quinze jours, après sa rencontre avec les partenaires sociaux, le chef de l’État se contente d’une phrase en fin de discours pour annoncer sa rencontre avec les élus d’Outre-Mer le lendemain.
Un mois. Il aura fallu un mois pile pour que le jeudi 19 février, Sarkozy débloque une enveloppe de 580 millions d’euros - dont 280 au titre du revenu de solidarité active (RSA) - comme réponse immédiate aux revendications du LKP pour la Guadeloupe. Pas sûr, pour autant selon la députée PRG de Guyane, Christine Taubira, que « l’État soit rentré de vacances ».
D’ailleurs, on attend toujours la venue du Président sur place.Olivier Besancenot et Ségolène Royal ont fait, eux,une virée surplace. Pour Sarkozy, a-t-il expliqué, ce sera « quand le calme sera revenu », pour ouvrir les états généraux d’Outre-Mer. De quoi reporter le voyage au mois d’avril ! Pas très prompt à la réaction ! Ne faudrait-il pas changer les piles de Speedy Sarkozy ?
À moins que Sarkozy ne soit juste étranger à l’Outre-Mer. « Le général de Gaulle, François Mitterrand, Jacques Chirac aimaient les DOM », a déclaré le 18 février la première secrétaire du PS, Martine Aubry, « Là, ils ont l’impression qu’on ne les aime plus, qu’on ne s’occupe plus d’eux ».
Les proches du Président nuancent. « Ce n’est pas un problème de désamour », décrypte gêné un élu UMP proche du Président, « mais il n’y a pas d’atomes crochus. Ni de relais comme Jacques Chirac pouvait en avoir ». Lucette Michaux-Chevry, Gaston Flosse, Edmond Valcin, Aimé Césaire… Le prédécesseur de Sarkozy avait su tisser des relations d’amitié avec des élus des îles qu’il intégrait dans son dispositif politique. Ainsi, Edmond Valcin, sénateur de Martinique avait-il obtenu l’un des postes les plus importants du Sénat : la première questure. Un geste amical envoyé tant à la Martinique et plus généralement à l’Outre-Mer qu’aux associations martiniquaises, guadeloupéennes en Ile-de-France. Un million de personnes… ou d’électeurs !
Ce sont d’ailleurs les propos tenus en banlieue, où vivent nombre de Domiens, par le ministre de l’Intérieur qu’était Sarkozy en 2005 - « racailles » et « Kärcher » qui avaient marqué le début d’une relation conflictuelle. Car les propos venaient s’ajouter à la proposition de loi de février 2005 soulignant « le rôle positif de la présence française outre-mer ». En réaction, le chantre de la négritude, Aimé Césaire avait refusé de recevoir Nicolas Sarkozy en Martinique. Et super Sarko avait dû annuler un déplacement prévu en Martinique et Guadeloupe, fin 2005, étant donné les manifestations hostiles à sa venue. On a connu plus belle histoire d’amour !
Nicolas Sarkozy s’était rendu finalement sur place, trois mois plus tard, lorsque l’article litigieux de la loi avait été supprimé. Le ministre avait tenu à prononcer quelques mots en créole dans un discours en Martinique : « Kok Djenm pa ka kayé » ou « Le coq de combat ne fuit pas : me voici parmi vous », en allusion aux combats de coqs traditionnels des Antilles. Du par cœur sans saveur. La réaction s’était faite dans les urnes. Au second tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait été largement devancé, en Martinique et à la Réunion, par la candidate du PS, Ségolène Royal. En Guadeloupe, le score avait été plus serré : 49,17 % pour le candidat de l’UMP contre 50,83 % pour sa rivale socialiste.
« Comment les DOM peuvent-ils aimer Sarkozy s’il ne leur donne pas l’impression de les aimer », s’interroge un ex-collaborateur de Jacques Chirac, « les symboles, ça compte beaucoup ». Ainsi Chirac, en 1975, alors qu’il était Premier ministre, avait-il assisté à la messe de minuit à Maripasoula, village retiré de Guyane. « Jacques Chirac », raconte Garcin Malsa, maire indépendantiste de Sainte-Anne qui, « entretenait avec nous des relations correctes, et avait une culture de compréhension des peuples anciennement colonisés ». Encore que Chirac préférait, la plupart du temps, les palaces et le sable fin de l’île Maurice ou la compagnie de son amie Flosse à Tahiti au rhum de la Martinique et aux galets de la Réunion !
En décembre 2008, accompagné de son épouse, Nicolas Sarkozy s’est rendu en vacances au Brésil. Un petit crochet en Guyane aurait constitué un joli symbole… Le couple présidentiel n’y a pas pensé. Il est vrai que lors de son dernier déplacement en Guyane en juin 2006, Nicolas Sarkozy était accompagné de son épouse d’alors, Cécilia.
« Il connaît très mal nos pays », affirme Garcin Malsa, maire de Saint-Anne. Lors de son dernier voyages, en février 2008, le Président n’est resté que deux jours… pour visiter la Guadeloupe et la Martinique ! Pourtant, Sarko a dans ses valises un homme qui a vécu sur place : Claude Guéant, son bras droit et actuel secrétaire général de l’Élysée qui a été au début de sa carrière, en 1974, comme secrétaire général pour les affaires économiques de la Guadeloupe.
Sauf que Sarkozy et Guéant ont oublié de nommer un élu des Dom-Tom dans le gouvernement. Un oubli « tout de même problématique » pour la diversité, a commenté Brigitte Girardin, ex-ministre chiraquienne de l’Outre-Mer et qui, de l’avis général, connaissait parfaitement le dossier. « Il est vrai, que ce n’est pas une zone sur laquelle il s’est penché », commente un dirigeant UMP. « Sarkozy », explique cruellement un ancien conseiller de Chirac, « a hérité d’un reste de pensée unique : “les DOM-TOM, ça coûte cher, et ça ne rapporte rien à la métropole” ».
Or les DOM-TOM permettent aujourd’hui à la natalité française de se porter nettement mieux que chez certains de nos voisins comme la Grande-Bretagne. Et l’économie d’Ile-de-France doit beaucoup aux Antillais Que ce soit à la RATP, à la Poste, dans les hôpitaux, les musées nationaux…
Sarkozy devra-t-il suivre la méthode Chirac ? Un de ses proches veut croire « le Président y travaille et finira par avoir les mêmes relais que son prédécesseur ». Depuis le report de son voyage aux Antilles en décembre 2005, Nicolas Sarkozy a pris soin de s’entourer d’ Olivier Biancarelli, ex-sous-préfet à la Martinique puis conseiller pour l’outre-mer place Beauvau, et aujourd’hui en charge du dossier à l’Elysée. Sauf que le conseiller n’a que 37 ans et qu’il vient de se voir confier aussi les relations avec le Parlement.
Nicolas Sarkozy compte également parmi ses proches sur le député maire UMP d’Asnières-sur-Seine, Manuel Aeschlimann, marié à une Guadeloupéenne, Marie-Dominique Ristori dont le père avait travaillé avec Lucette Michaux-Chevry.
Quant à Patrick Karam, aujourd’hui délégué délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer, il était entré dans le cercle des initiés avec son travail de lobbyiste à la tête du Collectifdom, une association qui milite pour une plus grande visibilité de l’Outre-Mer.
Autant dire que le dispositif pourrait être un peu renforcé face à une situation qui reste, selon le mot d’un Préfet bon connaisseur de l’Outre-Mer, « imprévisible », et à tout moment, « potentiellement explosive ».
A lire ou relire dans notre dossier spécial Antilles
Vous écrivez : "les DOM-TOM permettent aujourd’hui à la natalité française de se porter nettement mieux que chez certains de nos voisins comme la Grande-Bretagne".
je réponds :" super, vive les gaulois !"
vous rajoutez : " l’économie d’Ile-de-France doit beaucoup aux Antillais Que ce soit à la RATP, à la Poste, dans les hôpitaux, les musées nationaux…"
Je réponds : "super de vaillants fonctionnaires qui enrichissent la France !!!"
Je ne suis pas capable de vous juger en tant que journaliste, mais en tant qu’avocat, je me marre !!!
La gaudeloupe aux gaudeloupéens (sauf les békés aparemmment)
la france aux françasi (sauf les gaudeloupéens, principe de réciprocité oblige)
Ne pas sous-estimer : Nicolas apprend vite.
Peut-être cherche-t-il ses voix ultramarines ? Est-il entouré d’experts méconnaissant le sujet - les fonctionnaires ayant eu une expérience de terrain superficielle - et d’élus de comptoir colonial, compradores compromis dans les commissions et compromissions ?
Difficile également de refaire le coup de théâtre de Rama et Rachida. Ne serait-ce que par l’indifférence de la très grande majorité des Français sur le sort de l’outre-mer. Des outre-mers plutôt, car chaque entité constitue une société distincte.
Comment gouverner l’ensemble quand chaque élément est un monde en lui-même ? Comment appréhender chaque société distincte en échappant aux faux miroirs de la haute administration et aux prismes des élus parisianés ?
Pour une fois, si le temps de Nicolas n’est pas celui de la réaction instinctive mais celui de la réflexion devant l’inconnu ou le mal connu, faut-il s’en plaindre ?