Nicolas Sarkozy a annoncé un référendum sur l’autonomie de la Martinique et de la Guyane. Ce jeudi, une délégation ministérielle s’envole pour les Antilles. Sans rendez-vous prévu ni avec le Conseil régional, ni avec le LKP. Quid de la Guadeloupe ?
La Gwadloup se tan nou, la Gwadloup se pas ta yo [1]. Ce slogan, porteur des manifestations lors de la grève générale de janvier - février 2009 en Guadeloupe, a atterri dans l’oreille d’un sourd.
Mercredi 7 octobre, Nicolas Sarkozy recevait des représentants de Martinique et de Guyane, pour évaluer l’opportunité d’un référendum sur une autonomie partielle de ces deux régions d’Outre-Mer. Après discussions, le chef de l’Etat a tranché mercredi en fin d’après-midi : le référendum aura lieu, le 17 janvier 2010. Une décision bienvenue pour Marie-Luce Penchard, la nouvelle secrétaire d’Etat à l’Outre Mer, accueillie sans enthousiasme aux Antilles, en juin dernier. Et que son prédécesseur, Yves Jégo, aurait certainement aimé voir venir plus tôt.
Etrangement, aucun représentant de Guadeloupe n’a été reçu par L’Elysée. Les élus de Guadeloupe avaient bien demandé, en juin, à Nicolas Sarkozy, un « moratoire de dix-huit mois avant d’éventuelles consultations sur des évolutions statutaires », histoire que les prochaines élections régionales se préparent dans le calme. Mais faire de Gwada une région plus autonome fait partie des revendications des Etats Généraux de l’Outre Mer – qui viennent de se clore. Surtout, Marie-Luce Penchard, en déplacement aux Antilles à partir de jeudi 8 octobre, n’a pas encore demandé à rencontrer le Président du Conseil régional, Victorin Lurel ou même son entourage. Est-ce un signe que le gouvernement cherche à exclure ou pire, punir la Guadeloupe, la plus déterminée des trois îles à combattre la « Pwofitasyon » [2] ?
A l’ouverture des Assises de l’Outre Mer, pourtant, Marie-Luce Penchard insistait sur l’incroyable nécessité, pour la France, de les réussir. Fin juin, elle déclarait : « Nous n’avons pas le droit de ne pas réussir les états généraux. Il y a une attente très importante. D’ailleurs, le chef de l’Etat a annoncé qu’au-delà des Etats Généraux, compte tenu de cette attente, il mettrait en place un comité de suivi pour s’assurer que les engagements pris soient suivis d’effet ». Tout occupé à préparer son séjour de six jours aux Antilles, le secrétariat d’Etat à l’Outre Mer n’a pas encore pu répondre à nos questions.
Toujours est-il que la crainte de voir surgir une révolte en Guadeloupe grandit, du côté du gouvernement. D’autant que, si la manifestation du samedi 3 octobre a eu peu de succès en Martinique (de 500 à 800 personnes à Fort-de-France), elle a rassemblé 25 000 personnes (6000 pour la préfecture) à Pointe-à-Pitre – sachant que l’île compte environ 400 000 habitants. Et le Lyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), à l’origine de la grève générale (qui a duré 44 jours) de janvier et février dernier, ne s’est pas affaibli. Comme lors de la grève générale, à la demande de ses dirigeants, depuis début septembre, des milliers de personnes se retrouvent deux fois par semaine, place de la Mutualité, à Pointe-à-Pitre.
Car depuis la signature des accords du 4 mars, qui a mis fin à la grève, rien n’a vraiment changé en Guadeloupe. Le niveau de vie reste bas, les prix sont toujours élevés, les formations demandées pour les jeunes chômeurs n’ont pas vu le jour, et le prix de l’essence a été augmenté de 6 centimes d’euros à la mi septembre, l’objectif étant une augmentation de 20 centimes d’ici à la fin de l’année. Après la baisse de 18 centimes qui avait été effectuée fin février, c’est une victoire… pour Total ! Le principal actionnaire de la SARA, la société qui contrôle le carburant en Guadeloupe. Et qui demande régulièrement des compensations financières. Victorin Lurel, président socialiste du Conseil régional de Guadeloupe, s’en inquiète, dans un communiqué publié le 15 septembre 2009 : « Etrangement identique pour le super et le gazole, cette hausse de 6 centimes, décidée en dehors de toute réforme globale de la formule de fixation des prix, ne saurait suffire à éteindre les contestations émises par la SARA et par les pétroliers qui leur ont déjà valu un chèque de 44 millions d’euros de compensation tiré sur le budget de l’Outre-mer ». Et Lurel d’ajouter : « Aussi la SARA est-elle encore fondée à demander de nouvelles compensations ».
Pour le LKP, les Etats Généraux n’ont fait que survoler les problèmes. Pis, pour Alain Plaisir, syndicaliste devenu pour le LKP spécialiste des prix, leurs éminences grises « n’ont pas dit la moitié de ce qu’on a dit ». Parmi les revendications non prises en compte, le syndicaliste cite l’exemple des prix, qui restent en moyenne largement supérieurs à ceux de la métropole (environ + 13 % pour le prix du lait, + 60 % pour les céréales, + 50 % pour la margarine, etc). Une question de qualité du produit sans doute. « Au mois de mars et avril, nous avons négocié une baisse des prix allant de 10 % à 40 % sur une famille de 200 produits de première nécessité et d’hygiène et des accords ont été signés avec la grande distribution et les grossistes. La grande distribution devait aussi apposer une pancarte à l’entrée du magasin indiquant les prix qui ont baissé », indique Alain Plaisir. Or, ajoute-t-il, « il se trouve que les produits dont le prix a diminué sont introuvables sur les étalages ! » Une rupture de stock en continue, en quelque sorte…
Interrogé sur le séjour de six jours aux Antilles du ministère, le LKP nous a indiqué que pour l’instant, Elie Domota, le leader du collectif, n’avait pas été invité à rencontrer ni Marie-Luce Penchard, ni l’un de ses représentants.
A lire ou relire dans Bakchich notre dossier spécial Antilles