Après le succès de la "votation citoyenne" sur la Poste ce week end, la gauche compte traduire cette victoire en acte de loi par la tenue d’un référendum d’initiative populaire. Un leurre politique à l’intérêt limité.
Clair comme de l’eau de roche, le message politique envoyé ce week-end à Nicolas Sarkozy sur le changement de statut de la Poste en SA connaît un léger désagrément. La « votation citoyenne » qui a mobilisé plus de deux millions de votants n’a aucune valeur juridique. Solution miracle, le référendum d’initiative populaire apparaît comme le nouveau joujou constitutionnel pour transformer l’essai consultatif en table de la loi. Réclamé par la gauche, étouffé par la droite, l’outil politique voté en juillet 2008 en grande pompe au Congrès de Versailles, dont les décrets d’applications sont toujours dans les cartons de l’UMP, est au cœur de la polémique. Pour donner un second souffle à la sauvegarde postale. Une arme juridique aussi efficace qu’un pistolet à eau.
En juin dernier, Laurent Fabius réclamait déjà un référendum d’initiative populaire« à l’automne » sur le changement de statut de La Poste. En reconquête de son électorat, le Parti Socialiste compte inscrire dans le cadre de la niche parlementaire du 15 octobre les modalités de son organisation. Simple formalité ? Pour arriver sur le bureau du Président de l’Assemblée Nationale, l’initiative doit être soutenue par un cinquième des deux Chambres et quatre millions d’électeurs. Il aurait donc fallu deux fois plus de votants ce weekend pour espérer que la majorité parlementaire daigne s’y intéresser.
En bon tôlier de l’ouverture, Sarko l’avait inscrit dans sa réforme constitutionnelle de 2008 comme un moyen à peu de frais de tailler des croupières dans le jeu de la gauche. Et faire un joli pied de nez à ce qui avait été une promesse de campagne de Chirac en 2002 et une mention dans le programme présidentiel de Royal en 2007. Bébé législatif suffisamment emmitouflé pour ne pas trop crier aux oreilles de l’Elysée. Car il s’agit en vérité d’un référendum d’initiative parlementaire réservé aux deux seuls partis capable de rassembler un cinquième des 920 députés et sénateurs. Une laisse politique qui musèle les tentés d’une expérience de démocratie directe.
Imaginons un instant que ces critères soient remplis : 4,5 millions de votants et un cinquième des parlementaires en poche. Un simple revers de manche suffit à l’UMP pour faire tout capoter. Une proposition de loi examinée par les deux assemblées, avec le soutien de la majorité parlementaire et du gouvernement enterre la petite fée « populaire » six pieds sous terre. La crispation de ces dernières 24 heures entre PS et UMP est donc à chercher ailleurs.
La babiole législative conserve un attrait réel pour l’opposition par sa puissance symbolique. Si les socialistes savent pertinemment qu’une telle consultation a peu de chance d’aboutir, elle leur donne l’occasion inespérée de donner un tempo politique propre dans la conquête de l’opinion. En faisant miroiter la tenue d’un tel vote, le PS maintient dans le débat public la lutte contre une privatisation possible de la Poste. Et oblige ses adversaires à jouer carte sur table. Le référendum d’initiative populaire offre donc du répit, du temps au temps, pour faire d’un projet de loi une question centrale, un enjeu majeur sur lequel l’opposition souhaite mobiliser à long terme. Elle huile (au compte goutte) les mécanismes des contre-pouvoirs dont l’obstruction législative, par le dépôt de milliers d’amendements, constituait jusqu’à alors une des seules passerelles pour fixer la lumière sur une réforme essentielle.
Pas de quoi pour autant sauter au plafond. Au pays de Berlusconi, un référendum d’abrogation d’une loi peut s’obtenir à la demande de cinq conseils régionaux ou de 500 000 électeurs. De 1970 à 2000, c’est plus de 50 référendums qui furent soumis au vote statuant sur le divorce, la législation des drogues, la privatisation de la RAI, la carrière des magistrats, les privatisations… Autant d’exemples dont les critiques portent elles, à l’inverse, sur son utilisation excessive. Tout comme l’État de Californie, où le recours au référendum est le plus fréquent avec plus de 70 référendums constitutionnels d’initiative populaire et 200 sur des lois ordinaires depuis 1980.
En France, si la pub dit qu’« il n’y a pas écrit la Poste ici ! », il n’est pas non plus inscrit référendum d’initiative populaire, sur le front de Nicolas Sarkozy.
A voir sur Bakchich.TV
La Poste vous avez dit manipulation ?
Lire ou relire sur Bakchich :
Par soucis d’honneteté intellectuelle,je recherche si des "votations" de ce type avaient été organisées lorsque le gouvernement JOSPIN privatisait….
Au fait : les scrutateurs étaient-ils les mêmes que pour le vote du 1 er secrétaire ?
Vous avez bien raison la democratie est bien trop importante pour la laisser aux mains de la populace. Mais allons plus loin, pourquoi ne pas supprimer aussi le droit de vote a tous ces irresponsables qui ont osé voter "non" a l Europe ? Tiens c est d ailleurs ce qui s est passé…
Petit detail j ai aussi voté "non" a ce referendum non pas en reaction contre Chirac (dont je me contrefoutait) mais simplement car je refuse le projet ultra-liberal qu elle sous-tend et je suis loin d etre le seul.
Alors arretez de prendre toute la population française pour un ramassis d attardés qui ne comprendraient jamais rien a rien : de plus en plus de gens realisent qu ils ont tout a perdre avec ces privatisations : augmentation des tarifs pour un service de moindre qualité tandis qu une poignée d actionnaire decroche la timbale a nos depens.
Il y a bien longtemps que j ai compris que si des elections pouvaient changer les choses, elles seraient interdites.