Pendant que la banque d’investissement Goldman Sachs cumule 3 milliards de dollars de profits au second trimestre 2009, une enquête du magazine Rolling Stone révèle ses pratiques fort douteuses.
C’est sans doute l’article de presse le plus important de l’année : le décorticage des fourberies de Goldman Sachs, le numéro un de Wall Street, par le journaliste vedette du magazine Rolling Stone, Matt Taibbi. Sa bombe éditoriale a explosé le 24 juin dernier.
Sous le titre « Inside The Great Bubble Machine » (A l’intérieur de la grande machine à bulles), Taibbi, 39 ans, dans sa prose colorée de journaliste « gonzo » clairsemée de gros mots, a disséqué la façon dont cette banque d’investissement vedette a pensé chacune de ses opérations destinées à manipuler Wall Street depuis la Grande Dépression des années 20 et 30. Création et explosion de la bulle internet, du logement et des subprimes, des cours vertigineux du pétrole, le truquage des « plans de sauvetage » des administrations Bush et Obama… Tout y passe.
Taibbi associe Goldman Sachs à une image tirée du roman de Jules Verne 20 000 lieues sous les mers : « un calmar vampire géant qui enveloppe le visage de l’humanité et suce impitoyablement tout ce qui sent l’argent ». A Wall Street, où les traders n’ont pas l’habitude de regarder plus loin que leurs ventes du jour pour évaluer l’ensemble du système financier, l’article de Taibbi n’arrête pas de faire du buzz.
Il a même créé des remous au Congrès, car le journaliste démontre que Goldman Sachs a une influence néfaste sur les plans de sauvetage de l’économie américaine en raison de ses manipulations en tous genres facilitées par les nombreux dirigeants de la banque qui ont rejoint les administrations Bush comme Obama.
Il en va ainsi de l’ancien secrétaire au Trésor de Bush, Henry Paulson, ex-Pdg de Goldman Sachs, et de l’actuel chef de cabinet du Trésor d’Obama, Mark Peterson, encore lobbyiste pour Goldman Sachs il n’y a même pas un an. Robert Rubin, l’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, architecte de la dérégulation qui a précipité la crise et favorisé les dérives spéculatives de Goldman Sachs mais aussi important collecteur de fonds pour le parti démocrate, proche conseiller d’Obama et sponsor de l’actuel secrétaire au Trésor, Tim Geithner, est lui aussi un ancien Pdg de Goldman Sachs.
Il ne faut pas non plus oublier que des employés de la banque ont donné presque un million de dollars – 981 000 dollars pour être précis – à la campagne d’Obama en 2008, et 4 452 585 dollars au parti démocrate. Ed Liddy, qui a, dans le cadre de la mission de sauvetage du géant de l’assurance AIG que lui a confié le gouvernement, généreusement accordé 13 milliards de l’argent du contribuable à Goldman Sachs, est lui aussi un ancien du mastodonte de Wall Street. Et la liste est encore longue.
L’article de Taibbi est un désastre pour les relations publiques de Goldman Sachs, déjà mises à mal par des informations révélant que la banque, qui a reçu des dizaines de milliards de dollars du contribuable dans le cadre des « plans de sauvetage » du secteur financier, allait verser 11,4 milliards de dollars de bonus à ses employés pour le premier semestre 2009. Record battu en ces temps de crise ! Cette information est tombée pile au moment où les autorités annonçaient que le déficit gouvernemental dépassait le seuil hautement symbolique de 1 000 milliards de dollars…
Il faut en outre savoir que depuis le début de la crise, la Réserve fédérale (Fed) a garanti pas moins de 8 700 milliards de dollars à Wall Street mais que « grâce à une loi obscure qui permet à la Fed de bloquer les audits du Congrès, les sommes et les destinataires de cet argent restent presque entièrement secrets ».
Comme l’a rapporté en Une le Washington Post le 23 juillet dans l’article « Wall Street Jacks Up Pay After Bailouts », non seulement « les employés de Goldman Sachs gagneront en moyenne 773 000 dollars sur l’année, soit plus du double que l’an passé et même plus que les 700 000 dollars payés en 2007 ». Mais aussi plus que les autres géants de Wall Street qui ont suivi l’exemple du « calmar vampire géant ».
Les bonus outranciers versés par Goldman Sachs avec l’argent du contribuable ont aussi provoqué des cris d’indignation chez les éditorialistes de la presse quotidienne. Parmi les textes les plus acides figure la chronique du prix Nobel d’économie Paul Krugman dans le New York Times. Il y déclare que « ce que fait Goldman Sachs est mauvais pour l’Amérique… Goldman réalise ses profits en se jouant de nous comme de bonnes poires ».
Alors que la banque distribue ses bonus, le taux de chômage officiel est passé à 9,5 %, le pire depuis la deuxième guerre mondiale. Et encore, des analyses fiables reposant sur les chiffres officiels du Bureau of Labor Statistics indiquent que le taux réel serait plutôt de 16,4 % ! De quoi alimenter une révolte électorale populiste.
« Matt Taibbi a-t-il coûté 800 millions de dollars aux actionnaires de Goldman Sachs ? », titrait le 23 juillet le journal The Business Insider. En cause : la banque a, dans un premier temps, refusé de racheter des « warrants » alors qu’elle s’y était engagée auprès du gouvernement, en contrepartie des milliards de dollars reçus dans le cadre des plans de sauvetage. Au début, Goldman Sachs n’avait offert que 500 millions de dollars pour le rachat de ces produits dérivés, mais le gouvernement a refusé l’offre : trop inférieure à la valeur réelle de ces actions.
Puis, après l’onde de choc de l’article de Taibbi, Goldman Sachs a brutalement fait marche arrière et offert au gouvernement de racheter ces options pour 1,1 milliard de dollars, histoire de relifter son image de rapace. La banque a pourtant largement les moyens de procéder à ce rachat puisqu’elle bat des records de bénéfices : 3,44 milliards de dollars de profits pour le seul second trimestre 2009. Sans parler des prévisions, émises le 14 juillet dernier, de la chaîne d’informations financières Bloomberg News : Goldman Sachs devrait réitérer cet exploit « ce trimestre, celui d’après et encore celui d’après ». Mais il y a mieux encore !
L’article de Taibbi détaille comment Goldman Sachs est déjà en train de spéculer sur le marché juteux des émissions de carbone, dont la valeur est estimée à plus de 1 000 milliards de dollars et dont les prix des crédits carbone sont garantis par le gouvernement. Selon Taibbi, « Goldman Sachs n’aura même pas besoin de tricher, car le jeu est déjà truqué ».
On relève au passage dans l’article du journaliste de Rolling Stone que parmi ceux qui sont prêts à exploiter ce vaste marché se trouve le grand manitou de l’environnent, Al Gore. Il vient même de créer la société Génération Investment Management avec trois gros bonnets de Goldman Sachs Assets Management, David Blood, Mark Ferguson et Peter Harris.
L’article de Taibbi conforte l’analyse des deux prix Nobel américains d’économie, Krugman et Joseph Stiglitz, pour qui le pire désastre économique et financier reste à venir. Comme l’a dit Stiglitz dans une interview avec la Deutsche Welle le 7 juillet, « je pense que les choses vont empirer parce que notre manière de secourir les banques et de restructurer notre secteur financier a eu comme résultat que les banques dites too-big-to-fail (trop grosses pour faire faillite) sont devenues encore plus grosses ».
Même son de cloche chez Krugman, qui écrivait dans sa chronique citée plus haut que « Washington n’a rien fait pour nous protéger d’une nouvelle crise et, en réalité, a rendu une telle crise plus probable… Le gouvernement a planté le décor pour un désastre financier bien pire d’ici quelques années… La prochaine crise pourrait ressembler à celle des caisses d’épargne dans les années 80, quand les banques dérégulées ont joué avec, ou volé, l’argent du contribuable. Sauf que cette fois c’est tout le secteur financier qui sera impliqué. » Voilà une perspective qui fait décidément froid dans le dos…
Pour en rajouter aussi sur le sujet…
Vu sur le web cité en référence dans l’article "LE SECRET DE GOLDMINE SACHS (1) du 24 au 26 juillet 2009" : Goldman Sachs est quasiment le seul émetteur de bons du trésor américain (qu’ils soient nationaux, d’état ou municipaux) et prend une commission à chaque opération d’achat ou de vente… Ainsi, plus les USA et tous ses sous-éléments s’endettent, plus GS s’enrichit :)
Génial moi je trouve…
Les sommes manipulées pendant cette crise sont tellement incroyables qu’il vaut mieux corriger la typo suivante
"Au début, Goldman Sachs n’avait offert que 500 MILLIARDS de dollars pour le rachat de ces produits dérivés, mais le gouvernement a refusé l’offre : trop inférieure à la valeur réelle de ces actions."
Dans le cas contraire, on ne sait plus trop de quoi il est question.
Il s’agit probablement de 500 millions puisque la suite de l’article nous apprend que le prix final était 1,1 milliards, soit un peu plus du double.
Passer du simple au double sur de telles sommes en dit long sur l’éthique de ce milieu.
Qu’attendent les gouvernements pour nationaliser les banques ??? Qu’elles aient mis l’économie réelle par terre ?
Quand le jour viendra, où les gens comprendront qu’accepter que les lobbyistes interviennent auprès du législatif, annihile tous les effets démocratiques des élections, le monde aura fait un grand vers l’avant.
En attendant, l’augmentation du pouvoir des lobbies équivaut au retour du fascisme, car, comme le disait Mussolini, le fascisme c’est l’alliance des grandes entreprises et du gouvernement.
"On relève au passage dans l’article du journaliste de Rolling Stone que parmi ceux qui sont prêts à exploiter ce vaste marché se trouve le grand manitou de l’environnent, Al Gore. Il vient même de créer la société Génération Investment Management avec trois gros bonnets de Goldman Sachs Assets Management, David Blood, Mark Ferguson et Peter Harris."
Il etait tant qu’un journaliste mette ça sur la place publique. Des faux-culs comme Al Gore abondent et il serait temps que les journalistes se penchent sur leur cas ! (Obama est en train de nous montrer qu’il en est un gros lui aussi). A noter que les sommes allouées au lobbyisme à Washington ont plus que doublées depuis 2007 et vu leur montant global(3milliards..)et la politique actuelle etats-unienne on peut aisément voir dans quelle direction on nous tire.