Le procès de Jérôme Kerviel, accusé par la Société générale de lui avoir fait perdre en 2008 près de 4,9 milliards d’euros, s’ouvre mardi. Un vrai débat de société… à responsabilité limitée.
Quel monde odieux que la finance ! Jérôme Kerviel, 33 ans, accusé d’avoir fait perdre la bagatelle de 4,9 milliards d’euros à la Société générale, début janvier 2008, comparaît à partir de mardi pour répondre de "faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique". Il encourt jusqu’à cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende.
Kerviel a cependant toujours refusé d’endosser le rôle du bouc émissaire dans cette affaire. « Je veux prouver à tout le monde que mes supérieurs savaient ce que je faisais et m’ont aidé à le faire, afin que je fasse gagner plus d’argent à la banque », déclarait ainsi l’ancien trader dans une interview à Bloomberg TV fin mai.
Il s’est fait fort, dans l’ouvrage qu’il a publié (L’engrenage, Mémoires d’un trader), de nous instruire sur un monde sans pitié. « Aucun trader ne ménageait sa peine. C’est tout juste si nous nous autorisions une ou deux fois par demi-journée une courte pause-café ou cigarette au pied de la tour. » De l’esclavage moderne ?
Songez que les traders, parfaitement désintéressés, n’ont qu’une obsession : faire gagner de l’argent à leur banque. Notre ami Kerviel passe rapidement sur les bonus pouvant atteindre jusqu’à dix fois le salaire annuel. Ainsi, JK avait obtenu la promesse d’avoir 300000 euros au titre de l’exercice 2007 en plus de son salaire de base de 40000 euros, le lot de tous les Français ou presque.
Jérôme Kerviel voulait prouver que c’est le système qui l’a écrasé et pour cela il a besoin d’aide. « Je lance donc ici, écrit-il, un appel à témoin. » Ce chevalier blanc reconnaît avoir pris des positions un peu osées sur les marchés boursiers, plaçant jusqu’à 50 milliards d’euros – quasiment deux fois les fonds propres de la banque – ou réalisant des opérations fictives.
Mais ses supérieurs, nous explique-t-il, le couvraient. La preuve ? Leur manque de réaction face aux multiples alertes des services de contrôle. Et là, on découvre que notre trader favori peut aussi être très drôle. Car les courriers électroniques qui figurent dans le dossier judiciaire montrent qu’à chaque alerte il inventait une explication suffisamment convaincante pour que ses chefs le croient. Des chefs, il est vrai, pas très curieux.
Son avocat, Me Olivier Metzner, entend donc démontrer "que Jérôme Kerviel n’a pas abusé de la confiance de la banque" qui "suivait au quotidien ses opérations". La banque, dont le PDG Daniel Bouton avait qualifié son employé de "terroriste", est à l’inverse sur la ligne de la victime des agissements de son trader, "un menteur, un faussaire" qui a "abusé de la confiance de la banque", martèle l’avocat de la Société Générale, Me Jean Veil.
Interrogé sur les contrôles défaillants au sein de la banque, Me Veil a déjà estimé que "cela n’autorise pas à commettre des fraudes". "Ce n’est pas parce que les volets sont mal fermés qu’un voleur est autorisé à rentrer dans votre appartement par la fenêtre", a-t-il déclaré. Et de promettre "des surprises" à l’audience.
Le procès est prévu jusqu’au 23 juin.
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