Haro sur les traders. Ces petits génies mercantiles sont évidemment des cibles faciles. Mais si des personnes sont expulsées de leur maison, est-ce leur faute ?
Très bien payés, les génies de la finance ne rêvent que de défiscaliser leurs revenus sans songer à renvoyer un instant l’ascenseur à la collectivité qui les a formés. Leur culture se limite aux marques automobiles italiennes et allemandes, et peut-être à la géographie des îles où ils vont passer leurs vacances. Leur cynisme puéril se prête au jeu de massacre.
Et pourtant si certains américains ne peuvent pas payer leurs traites, est-ce essentiellement parce que de petits écervelés, égoïstes ont essayé de leur vendre une maison ? N’est-ce pas d’abord parce qu’ils sont pauvres et de plus en plus pauvres qu’ils n’ont pas les moyens de payer leurs traites à la fin du mois ?
Minc et Attali penchent plutôt pour le premier choix. Mais quelques voix encore marginales font entendre un autre son.
C’est le cas de Paul Krugman, le dernier prix d’économie en l’hommage de Nobel. Dans son livre « l’Amérique que nous voulons » chez Flammarion, il souligne l’évolution de la répartition de la valeur ajoutée. Il constate que beaucoup de salariés se sont appauvris ces trente dernières années. Le salaire médian, celui qui sépare les 50 % de la population la plus riche des 50 % les moins riches n’a quasi pas évolué depuis 1970, alors que les pays développés se sont très fortement enrichis. En deux mots, les pauvres se sont appauvris depuis trente ans, et les riches se sont enrichis.
L’économiste nous donne de nombreux exemples de cette évolution. Ainsi, dans les années 1970, GM était la plus grande firme des EU. Son patron était payé 4,3 millions de dollars actuels, un record pour l’époque, et ses salariés gagnaient 40 000 dollars par an et bénéficiaient d’une bonne couverture sociale. Aujourd’hui le distributeur Wall-Mart est le premier employeur du pays. Son PDG gagne 23 millions de dollars annuels soit 5 fois plus que Charles Johnson le patron de GM en 1970. Mais les employés du distributeur touchent 18 000 dollars par an et n’ont aucune couverture sociale. Certains sont, actuellement, entrain de se faire expulser de leurs maisons.
Si les pauvres n’ont pas les moyens d’offrir un toit à leurs enfants, c’est parce qu’ils ne sont pas assez riches. Point. Les traders sont étrangers à l’affaire.
Pour éviter une autre crise, il faut mieux répartir la richesse. Un peu moins pour les patrons de CAC 40 et leurs conseils, messieurs Attali, Cohen et Minc, et un peu plus pour leurs salariés.
N’est ce pas du bon sens ?
Bof - l’analyse aurait plus de valeur s’il était démontré que des pays plus égalitaires (Japon par exemple) avaient échappé aux excès de la spéculation. C’est bien la crise économique qui accroît les inégalités, et non l’inverse.
Bertrand semble également oublier qu’une modeste augmentation des défaillances hypothécaires aux États-Unis a suffi à plomber le mécanisme de titrisation - preuve que c’est bien du côté du système financier qu’il faut chercher la réponse.
Cher lecteur
Si vous permettez, je commencerais mon commenterais comme vous, sur un "bof" ; mais j’ai peur de vous vexer.
Mon propos est bien que la crise a commencé aux EU et pas au Japon. Bien que depuis quelques années le Japon, comme la France, commence à ressembler aux States.
Je peux aussi vous renvoyer au propos d’Alan Greenspan « découplage entre faible progression des salaires et profits historiques des entreprises fait craindre (…) une montée du ressentiment, aux Etats-Unis comme ailleurs, contre le capitalisme et le marché ». Ce n’est pas du Bertrand Rothé…
Cdt
Bertrand Rothé
Attention, je ne dis pas que les traders doivent être les seules cibles dans la recherche des coupables de la crise actuelle.
Néanmoins, leur travail est d’optimiser les gains de leurs employeurs, afin de pouvoir accorder aux actionnaires des grand gourpes (comme GM ou Wall-Mart) des marges confortables. En achetant et en vendant, ils font varier le cours des actions de ces groupes, par exemple quand les décisions de ceux-ci vont dans leur sens (souvenez du bond de l’action Michelin quand ils ont annoncé des licenciements). Au final, si on en est là avec Wall-Mart aujourd’hui, c’est parcequ’il a fallu compresser au maximum les salaires des employés pour maximiser les revenus des actionnaires. Et les traders sont partie intégrante de ce système, puisque leur actions influent sur les revenus des actionnaires "récompensant" les décisions anti-sociales du management de ces groupes. Ils ont donc leur part d’implication et de responsabilité.