Témoignage de Ethan McCord, membre de la Compagnie Bravo 2-16 et présent lors de la vidéo saisissante sur Wikileaks d’une attaque d’hélicoptère contre des civils à Bagdad en 2007.
Ce témoignage est à consulter en anglais sur le site du réalisateur américain Michael Moore.
"Je me souviens leur en avoir été reconnaissant parce que ce jour là, il faisait 43° et l’eau chaude qu’on buvait n’avait aucun effet. On s’est remis en colonne pour évacuer la zone quand des locaux perchés sur des toits ont commencé à nous arroser au AK-47. On s’est mis à couvert le long d’un mur et on a riposté. On entendait les tirs d’une autre patrouille à quelques dizaines de mètres de nous. Ils étaient attaqués à l’arme légère et au RPG.
C’est à ce moment là que je l’ai entendu…Le bruit unique d’un canon de 30mm d’un Apache. Encore et encore ; et encore et puis encore. C’était très proche. ‘on doit se bouger vers cette position MAINTENANT’ gueulait la radio. Avec les soldats qui m’accompagnaient, on s’est mis à courir dans la direction d’où venait le son du tir de l’Apache. J’étais loin de m’attendre au carnage vers lequel je fonçais.
On était les premiers sur place. Dans un coin, j’ai tout de suite vu ce qui avait dû être des 3 hommes. J’ai vraiment été secoué. Ils n’avaient plus forme humaine. Je sais qu’il l’avaient été mais la boucherie que j’avais sous les yeux ne ressemblait à rien. Et puis l’odeur. Quelque chose que je n’avais encore jamais senti. Un mélange de matière fécale, d’urine, de sang et de fumée. Et quelque chose d’indescriptible. A côté d’eux, il y avait un RPG et un AK-47. Des sanglots ; j’entends pleurer. Pas des sanglots de douleur mais plutôt le genre d’un petit enfant qui s’éveillerait d’un horrible cauchemar. C’est seulement là que j’ai remarqué la camionnette d’où semblaient provenir les pleurs. Avec un soldat d’une vingtaine d’années, on s’est rapproché du véhicule et on a regardé à l’intérieur. Le soldat a brutalement reculé et s’est mis à vomir avant de s’éloigner en courant.
C’était une petite fille d’environ 4 ans assise côté passager. Elle était gravement blessée au ventre et était couverte de débris de verre. Elle en avait partout ; dans les cheveux et même jusque dans les yeux. A côté d’elle à demi avachi sur le sol du véhicule avec la tête reposant sur le siège, il y avait un gamin d’environ 7 ans. Il était immobile et au vu de la blessure grave qu’il avait du côté droit de la tête, j’ai pensé qu’il était mort. Derrière le volant, un type qui devait être leur père à la manière dont son corps était incliné sur le côté pour essayer de les protéger. Aucune chance qu’il ait survécu. J’ai saisi la petite en hurlant ‘Médecin !’.
Avec le médecin, nous sommes entrés dans une maison derrière la camionnette. Un homme était à l’intérieur, ; je lui ai crié ‘aide-moi’. Il s’est levé et a attrapé un saut d’eau avec lequel le doc et moi avons essayé de nettoyer la petite. J’ai retiré autant de verre de ses yeux que j’ai pu. Pendant tout ce temps là, je me souviens que je n’arrêtais pas de me dire : ‘ Putain ; mais putain de merde ce sont des bébés !’.
Parce que vous voyez, mon fils est né le 31 mai 2007 et je ne l’avais pas encore vu. Et j’ai une fille à peine plus âgée que celle là. Le médecin a signalé par radio qu’elle devait être évacuée. Il ne pouvait rien faire d’autre. J’ai mis l’enfant dans ses bras et il l’a porté dans un Bradley blindé qui stationnait tout près. Je suis retourné à la camionnette. Je n’ai pas la moindre idée de ce qui m’a poussé à le faire. Mais fallait que j’y retourne pour jeter un dernier coup d’œil à l’intérieur. Est ce que le gamin n’avait pas bougé ? Sacré merde, il a bougé ! Je me suis retrouvé avec le gamin dans les bras serré contre ma poitrine. ‘le petit est vivant ! Le petit est vivant !’. J’ai commencé à courir vers le Bradley en priant pour qu’il ne démarre pas sans m’entendre. Le petit m’a fixé du regard un instant avant de s’évanouir. J’étais anéanti : ‘c’est bon petit, ça va aller, ne meurs pas !ne meurs pas !’Je l’ai serré un peu plus fort. Je l’ai installé dans le Bradley aussi soigneusement que j’ai pu.
« Qu’est ce que tu fous Mc Cord » ; c’était le leader de ma patrouille. « Arrête de te prendre la tête pour ces putains de mômes et mets toi en sécurité » a-t-il hurlé. « Bien compris chef » et je me suis mis en sécurité sur un toit. Un des soldats m’a pris en photo. Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais couvert du sang des petits…
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Un "joli" morceau d’histoire héroïque que vous nous livrez là…
On pourrait en faire un film hollywoodien en l’honneur de la morale de ces braves soldats.
Mais quelle est la fin de l’histoire ?
Les américains sont partis en laissant les enfants sur place…