Voulant à tout prix enrayer la grève des raffineries et éviter une pénurie de carburant avant les régionales, l’Elysée et ses collaborateurs de Matignon et Bercy ont surjoué les illusionnistes avec la complicité des dirigeants de Total.
Les trois premiers jours de la dernière semaine de février 2010 marqueront les annales du mensonge politico-économique à la française.
La direction de Total avait, comme elle en a l’habitude, accompagné l’annonce des résultats 2009 – 8 milliards d’euros – de la notification des restructurations imposées par l’évolution du marché pétrolier en France. L’activité raffinage perdant 100 millions d’euros par mois, il faut impérativement réduire la voilure, bien au-delà de la seule raffinerie dunkerquoise, déjà arrêtée depuis septembre.
Par un coup de baguette magique, dans la journée du 23 février, le déficit du raffinage s’est littéralement évaporé, et l’activité des cinq raffineries restantes est pérennisée pour cinq ans. Après une telle avancée, la gréve est forcément suspendue.
Le lendemain au 20h de France-2, Christophe de Margerie confirme l’escamotage en venant se vanter de cet accord historique, car selon lui, aucune autre entreprise n’aurait été capable de prendre de tels engagements sur cinq ans…
Christophe de Margerie, sur France-2, le 24 février, rappelait étrangement l’époque lointaine, au siècle dernier, où le PDG du pétrolier Elf, propriété de l’État, nommé en Conseil des ministres, était l’instrument docile d’une politique nationale d’autonomie en matière d’hydrocarbures.
En 2010, MM. Desmarest et De Margerie, qui ont absorbé Elf, ne dépendent en rien de l’Élysée, puisque l’État s’est débarrassé depuis dix ans de toute participation au capital de Total.
La direction de l’unique pétrolier ayant son siège en France est uniquement responsable devant son conseil d’administration où les étrangers sont largement majoritaires.
Combien et comment seront facturées ces prestations ? Pour Christophe De Margerie, sacrifier son roadshow devant les investisseurs américains pour être convoqué à l’Élysée ternit son image de super-manager international.
De surcroit, entériner une perte de 6 milliards d’euros (la perte minimum générée par le maintien pendant cinq ans du raffinage en France) ne saurait se faire au détriment des actionnaires de Total. Quelles garanties de compensation a obtenues M. De Margerie auprès de Nicolas Sarkozy ? Total ne peut pas compter sur une réduction d’impôt ; grâce au dispositif du BMC (Bénéfice Mondial Consolidé), il n’en paye déjà pratiquement pas. Une volumineuse ponction sur le budget de l’État est donc nécessairement à l’ordre du jour. Bakchich en recherche les modalités.
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Une bonne tranche d’Areva promise à Christophe de Margerie à des conditions préférentielles compenserait largement le surcoût du maintien en pseudo-fonctionnement des 5 raffineries françaises de TOTAL pendant 5 ans. Le fiasco de l’offre nucléaire française à Abu Dhabi faisant d’Anne Lauvergeon le bouc émissaire idéal, son sacrifice ouvre la privatisation-dépeçage d’Areva.
Nul doute que le président Sarkozy, amateur compulsif de montages industrialo-financiers, n’ait au préalable positinné quelques pièces, comme Henri Proglio à la tête d’EDF., facilitant ainsi le mainitien dans une ombre propice de son ami de toujours Martin Bouygues.
De là à conclure que la convocation à l’Elysée du futur PDG de TOTAL, le 23 février, n’était rien d’autre que la conclusion d’un deal mûri de longue date …