Pour défendre son image, Total ne s’est pas contenté des prestations tarifées du Docteur Kouchner ; le pétrolier cultive une relation de qualité avec la section française d’Amnesty International. C’était d’autant plus facile que pendant des années, le Président d’Amnesty France a été le rédacteur en chef de la revue « Pétrole & Gaz arabe ».
Dans un souci louable d’élargir l’éveil aux problématiques de la défense des droits de l’homme, Amnesty International a engagé ce qu’elle nomme un dialogue constructif avec de grandes entreprises aux activités multinationales.
La section française de l’emblématique ONG entretient ainsi depuis des années des contacts de haut niveau avec les dirigeants du 4ème pétrolier mondial : Total. La qualité du dialogue s’est considérablement élevée lorsque Francis Perrin, rédacteur en chef de la revue spécialisée Pétrole et Gaz arabe fut élu président d’Amnesty France. Professionnellement, la direction de Total était pour sa revue à la fois une source, un partenaire, un client et un sponsor ; les abonnements et encarts publicitaires du pétrolier générant une relation quelque peu déséquilibrée en faveur de Total.
Il était naturel, pour une entreprise soucieuse de son image de marque écornée par son chantier birman, ayant fait d’elle, outre la complice de graves violations des Droits de l’Homme, le principal pourvoyeur de devises d’une clique de généraux sanguinaires, de cultiver avec le président de la section française d’Amnesty une liaison avantageuse.
Interrogé sur la notion de conflit d’intérêt entre son activité salariée et sa fonction de président d’Amnesty France, Francis Perrin a répliqué : « je ne comprends pas la question, je ne vois aucun conflit d’aucune sorte dans mes relations avec Total, nous entretenons un dialogue constructif… »
Ce dialogue constructif ne tarde pas à produire des effets tangibles : Mireille Boisson, responsable Birmanie à Amnesty-France, refuse systématiquement d’associer sa puissante ONG à toute manifestation hostile au rôle de Total en faveur des généraux birmans, prenant ainsi le contre-pied d’Aung San Suu Kyi et de son parti, qu’elle prétend défendre…
Mieux encore, lors de débats et de colloques sur la situation en Birmanie, Mireille Boisson n’hésite pas à voler au secours du pétrolier, en reprenant à son compte l’argumentaire de Christophe de Margerie selon lequel mieux vaut Total, pour les birmans, qu’une entreprise chinoise ou encore indienne. Indignés, des réfugiés politiques birmans se sont adressés, en vain, au siège d’Amnesty, à Londres.
Plus chanceuse, en juin 2008, Jane Birkin a obtenu confirmation téléphonique de Londres de la relation Amnesty-Total, ce qui expliquerait qu’aucune mention de Total ne figure dans les rapports, fort bien documentés par ailleurs, que l’ONG consacre à la situation catastrophique de la Birmanie. Pour remédier à cette grave lacune, Jane Birkin, dans son dernier titre, « Aung San Suu Kyi », souligne que Total verse plus d’un million de $ par jour dans les poches de la junte birmane.
En voilà du dialogue pleinement constructif.
À lire ou relire sur Bakchich.info
Message de la part du bureau d’Info Birmanie.
Quelques éclaircissements, suite aux nombreuses réactions que l’article a suscitées, et aux nombreuses mentions faites de notre organisation Info Birmanie sur ce forum. A quel titre d’ailleurs sommes-nous cités ? Nous tenons à préciser qu’Info Birmanie n’a pris connaissance de l’article que le jour de sa publication dans Bakchich et qu’il n’est pas signé par Info Birmanie. Ce ‘détail’ semble avoir été omis dans plusieurs commentaires, et il semble juste de remettre un peu les choses à leur place.
S’il est tout à fait normal de prendre en considération les points de vue des uns et des autres (comme le droit de réponse d’AI), il serait également de bon ton de ne pas citer à tort et à travers Info Birmanie, surtout s’il s’agit uniquement de décrier sa légitimité au travers d’insinuations malsaines. Ce n’est pas à coup d’attaques arbitraires et anonymes que la confrontation d’idées va avancer.
L’article montre clairement les tensions qui existent au sein du collectif d’ONGs travaillant sur la Birmanie. La question de Total fait pourtant consensus parmi les acteurs de lutte en France… sauf avec Amnesty. Il est intéressant de lire dans les commentaires que ce consensus, qui porte sur l’application d’un régime de sanctions ciblées à l’égard de la junte militaire, est finalement présenté comme une action ‘radicale’. Belle façon de décrédibiliser le mouvement dans son ensemble ! Les investissements étrangers sont une rente versée aux généraux sans aucune conditionnalité, c’est ce à quoi nous tentons de mettre fin. Et ne croyez surtout pas qu’Info Birmanie soit seule à exercer des pressions dans ce sens : je vous invite à analyser les positionnements de Human Rights Watch, de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, d’Oxfam-France Agir Ici, des Amis de la Terre… Toutes ces grandes organisations internationales s’accordent à penser que des pressions économiques sont nécessaires pour parvenir à des négociations politiques. L’ensemble de ces organisations, sans bien sûr oublier le gouvernement birman en exil et le mouvement pro-démocratique birman, qui appellent également aux sanctions, seraient-ils tous coupables de mauvais jugement ?
Pour terminer, ne vous en déplaise, la collaboration entre Info Birmanie et AI existe, en témoigne l’initiative commune de la célébration du 63è anniversaire d’Aung San Suu Kyi le mois dernier.