Inclassable et décapant, l’écrivain et journaliste Dominique Jamet a notamment collaboré à l’Aurore et au Quotidien de Paris.
L’humour, notamment noir, ne serait rien de moins que la politesse du désespoir s’il faut en croire la définition célèbre qu’en ont donné tour à tour Georges Duhamel et Boris Vian, qui l’avaient empruntée à Oscar Wilde. La politesse, vraiment ? Alors, par quelle complaisance ou quel malentendu persiste-t-on à baptiser « humoristes » certains des pitres, désespérés je ne sais pas mais à coup sûr désespérants, qui, sur les ondes des radios publiques ou privées, se permettent de repousser un peu plus loin chaque matin les bornes de la grossièreté, de la vulgarité et de la goujaterie ? Ce déferlement toujours plus nauséabond de vannes vaseuses, de plaisanteries éculées (je dis bien éculées) et d’agressions contre les moeurs ou le physique de tel ou tel est comme une coulée de boue qu’on nous verserait délicatement dans les oreilles.
Philippe Croizon est cet homme de 42 ans, qui, amputé des deux jambes et des deux bras, est parvenu la semaine dernière, équipé de prothèses, à traverser la Manche à la nage. Exploit à coup sûr parfaitement inutile, excepté pour son auteur, mais qui ne saurait éveiller dans l’esprit d’un homme normalement constitué que l’estime, voire l’admiration. Il s’est trouvé l’autre jour sur France Inter, dans le Fou du roi, un chroniqueur inspiré, du nom de Régis Mailhot, pour baver dans le silence consterné du public les quelques blagues désopilantes que lui avaient inspirées l’infirmité et le courage de Philippe Croizon, tour à tour comparé par ses soins à un cachalot, à une bouée, à je ne sais quoi encore… Certes, Stéphane Bern ponctuait de ses fameux « oh non » faussement choqués les ignominies de son collaborateur. Celles-ci n’en ont pas moins été proférées. Un humoriste, ce Mailhot ? Moi, je dirais plutôt un porc. Salut.