Durant des mois, Christian Blanc, cet ancien préfet socialiste a dragué en douce les maires de gauche de banlieue pour leur vendre son projet de métro, au grand dam de Jean-Paul Huchon, farouche opposant du projet.
Drôle de zigue ce Christian Blanc. Muet comme une carpe durant deux ans sur son Grand Paris - lequel se résume à un projet délirant de super métro de 130 km - voilà qu’il sort du bois en publiant le 12 mai un bouquin qu’il veut définitif Le grand Paris du XXIéme siècle, Cherche Midi. Avec seulement 89 ventes en une semaine, ferait-il moins bien que Si on parlait de vous de Valérie Pécresse, 289 ventes au compteur ? Un sacré défi ! Surtout après avoir imprimé 6 000 exemplaires…
Pourtant début mai, le chevalier Blanc a expliqué aux journalistes le sens de son geste éditorial. « J’ai été victime de diffichultés de communication car il y a une tendance naturelle chez vous à simplifier de plus en plus les sujets complexes. » D’où ce « livre action », comme il le dit modestement lui-même ce « livre courageux », ce « livre référence » destiné à éclairer les masses.
Il y a une autre raison à la grande discrétion passée du secrétaire d’Etat au Grand Paname. Réunions en tête-à-tête, groupes de réflexion, visite sur le terrain etc, l’ex-préfet de choc sous Mitterrand a manœuvré en douce auprès des édiles d’Ile-de-France. « Tous ne sont pas de la majorité présidentielle et avant les régionales je n’ai pas voulu les mettre en difficulté » a-t-il argué.
En clair, Blanc a dragué à fond les maires de gauche. Avec des gares plein sa hotte, comme un père Noël des banlieues, il a distribué ses cadeaux virtuels. Sur le thème, faites-moi confiance, je ferai stopper mon super métro dans votre commune et l’Etat vous construira une gare. « À écouter les maires de mon département, ce n’est pas une gare tous les cinq kilomètres qu’a promis Christian Blanc mais une tous les kilomètres » raillait en avril, Claude Bartolone, le président PS de Seine-Saint-Denis.
À l’origine, le Grand huit - surnom de la future ligne qui décrit une double boucle - devait compter une quarantaine d’arrêts. Mais les promesses de dons se sont emballées. « Rien que dans le Val de Marne, le nombre de gares prévues est ainsi passée de 4 initialement prévu à 7 » note un observateur. Tant pis si le devis du métro de « 21,4 milliards d’euros » explose.
On comprend la tactique du secrétaire d’Etat. Retourner les maires de gauche pour qu’ils lâchent Huchon, le patron socialiste de la région Ile de France. Lequel avec son projet de rocade ferroviaire Arc Express, fait de l’ombre à celui de Blanc.
D’ailleurs à ce sujet, la bagarre n’est pas finie. Si fin avril le Sénat a enterré Arc Express contre l’avis de l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire qui se réunit jeudi 20 mai devrait permettre au projet de la région de refaire surface et d’être soumis au débat public.
En tous cas, dans le 9-3 largement à gauche, Blanc et son Grand Paris ne sont pas toujours diabolisés, loin de là… Des élus ont mordu à l’hameçon.
Comme le maire communiste de Tremblay-en-France, François Asensi qui vante même son « intelligence » ! Si les cadors de gauche Jean-Paul Huchon, Cécile Duflot ou Marie-Georges Buffet veulent la mort du projet ; sur le terrain, des élus se réjouissent qu’ « enfin l’Etat s’investisse ! ». « Comment voulez-vous qu’on soit contre, ça fait 20 ans qu’on appelle au secours l’Etat », analyse le maire PC du Blanc-Mesnil, Didier Mignot, tout heureux d’avoir reconnu en Blanc le Messie. « Les principales cités qui ont flambé en 2005, Les Tilleuils au Blanc-Mesnil, la cité des 3000 à Aulnay, Les Bedottes à Sevran ou les Bosquets à Clichy-Monfermeil vont être normalement desservis par le Grand Huit. Ce n’est pas rien tout de même ! » Et ce converti d’ajouter « Et ce n’est pas le projet régional d’Arc Express qui nous aurait aidé même s’il a son utilité pour la petite couronne. »
Même dans les rangs du PS, le sous-ministre du grand Paris séduit. « N’en déplaise à M. Huchon, le Grand huit ne doit pas traverser que des champs de patates », lance un maire socialiste du 9-3 qui ne tient pas à se faire connaître. Lequel poursuit : « On cherche à convaincre Blanc d’implanter des gares dans les pôles de population les plus denses, au nord du département. Pour le moment ce n’est pas gagné. »
Revers de la médaille, certains de ces édiles concèdent qu’ils seront, pour partie, pris en otage par la future société du Grand Paris, contrôlée par l’Etat. Leur marge de manœuvre pour faire admettre des projets de logement, de formation ou d’emplois sera très réduite. Et pourtant martèle le maire de Tremblay-en France : « A quoi sert la création d’emplois dans la filière aéronautique autour de Roissy-le Bourget si nos jeunes ne reçoivent pas de formation pour y travailler ? S’ils sont exclus de ce marché, nos quartiers déjà victimes du chômage, risquent d’exploser. » Une station de métro ne suffira donc pas à remettre la banlieue sur les rails ?
Sensibles aux répercussions sociales, les maires demandent l’intégration de logements sociaux autour des futures gares afin de limiter une très probable spéculation foncière et d’éviter un effet de ghettoïsation. Mais quand Christian s’enflamme sur des « clusters » ou autre pôle d’excellence n’est-ce pas parler à Blanc ?
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