En pleine polémique sur son intervention contre Stéphane Hessel, focus sur le Conseil représentatif des institutions juives de France avec Samuel Guiles-Meilhac et son livre sur le CRIF. Une première.
Le CRIF est né en 1943. Dans l’angoisse des nuits brunes de la seconde guerre mondiale. Institution unique en France, sortie de l’anonymat dans les années 1980, le Conseil représentatif des institutions juives de France n’a cessé de gagner en influence.
Pendant trois ans, Samuel Ghiles-Meilhac a décrypté à l’aide d’archives et de rencontres près de 60 ans d’existence du CRIF. Et le résultat est là : un voyage unique dans le judaïsme français.
Apparaît un point de rupture central, la deuxième Intifada dans les années 2000. Radicalisation des uns et des autres, le paysage des institutions juives s’est « droitisé » et a aligné ses positions sur celle d’Israël. Rencontre :
L’arête Hessel ne passe pas. Ils s’en étranglent, ils en bavent, ils piaillent sur tous les plateaux leur indignation du succès d’Indignez-vous. Trop, à vrai dire, pour que ce vertueux concert d’indignation n’ait pas été orchestré.
Ils et elle : Eric Zemmour, Luc Ferry, Ivan Rioufol, Claude Askolovitch, les causeurs(1) Elisabeth Lévy et Luc Rosenzweig, Philippe Bilger… Un éventail assez disparate, qu’unit (à l’exception d’Askolovitch) un tropisme très à droite. Droite vieille France et revendiquée réactionnaire chez Rioufol, Bilger, Ferry, lou ravis de l’ordre ; droite néocon et pro-israélienne jusqu’au fanatisme chez Rosenzweig ou Lévy, les deux n’étant pas incompatibles, comme le montre Zemmour.
Qu’y a-t-il donc dans ce petit opuscule pour susciter leurs glapissements indignés ? Rien de révolutionnaire, ont justement pointé quelques lecteurs. Stéphane Hessel n’est pas Julien Coupat (qui n’avait d’ailleurs pas provoqué chez eux les mêmes cris d’orfraie). Une critique de l’État d’Israël très largement partagée ; une indignation devant les coups de canifs sarkozyens à la République, la séparation des pouvoirs et les libertés publiques ; devant les inégalités croissantes, la pauvreté galopante et les ravages du néolibéralisme.
Bref, quelques indignations non exhaustives qui pourraient être le socle commun de ce que la gauche – ou, plus largement, la pensée humaniste – refuse.
Mais, là, j’ai dit un gros mot. Précisément, Hessel incarne une pensée de gauche, ou plutôt, a minima, un socle de valeurs qui devraient être commune à ses militants, voire ses électeurs, tous partis confondus. Et il fait consensus là où les interminables feuilletons du combat des chefs du PS, d’EELV ou du Front de gauche lassent ceux qui partagent ses indignations. Le tort de ce petit livre, auquel on ne saurait d’ailleurs réduire le parcours ni la pensée de Hessel, c’est de démontrer par l’indignation que le respect humain qu’il défend est incompatible avec les politiques de la droite actuelle : dérégulation financière, privilèges des riches, détricotage républicain, traitement inhumain des étrangers. Incompatible, enfin, avec le règne du capitalisme financier et les dogmes de ses représentants (y compris au FMI !), ce qui décoiffe Askolovitch et autres sociaux( ?)-libéraux.
Or, celui qui démonte la réalité d’une politique de droite, et les raisons de s’en indigner n’est pas un obscur gauchiste ou le porte-parole d’un parti, mais un Juste, un homme au parcours incontestable et remarquable. Qui de plus a l’outrecuidance de pulvériser des records de vente !
Et vous voudriez que la droite lui pardonne sans appeler ses chiens de garde au secours pour un concert de jappements ?
L’ennui, c’est que pour mener la contre offensive, il faut un peu de talent. Face à un humaniste mesuré, ce n’est pas faire montre d’une grande intelligence stratégique que de dérouler le tapis rouge à des aboyeurs plus hystériques et excessifs les uns que les autres, de Luc Rosenzweig à Elisabeth Lévy – la Nadine Morano du journalisme, pour laquelle le mot « hystérie » semble avoir été inventé.
Il aurait fallu trouver d’autres arguments que leur sempiternel ricanement « le camp du bien ! » (eh oui, difficile de caser Hessel dans l’axe du mal !) ou la défense pathétique, chez Bilger ou Ferry, d’un ordre établi qui ne génère que pauvreté, privation de libertés et injustice. Se permettre de répondre à Hessel exige une autre hauteur de vues pour que la bassesse d’attaques sur l’âge du capitaine, le négationnisme sur son passé, et la vulgarité généralisée de leurs crachats.
Philippe Sollers (qui croit aujourd’hui judicieux de se joindre à ce concert) théorisait, voici quelques années, sur « La France moisie » (eêt égard, notamment à la montée du Front national). Rien n’incarne mieux cette France moisie, ne lui déplaise, que ces sarcasmes venimeux contre Hessel. À vrai dire, on ne saurait s’en étonner : voir une Elisabeth Lévy ou un Zemmour l’encenser, ç’aurait été inquiétant. À ceux qui auraient encore des doutes sur ces pseudo briseurs de tabous qui ont leur rond de serviette sur tous les médias dominants, il dévoile leurs vrais visages et ce qui les anime : une haine pure de tout ce qui est à gauche d’eux.
Une raison de plus d’être reconnaissants à Hessel de les avoir fait sortir du bois pour ce qu’ils sont : des idiots utiles du sarkozysme, voire du Front national, dont les jérémiades sur la « pensée unique » et le « politiquement correct » cache une vraie servilité à l’égard des dominants.
Qu’il continue, surtout. Les chiens aboient et la caravane passe…
1. Animateurs du site causeur.fr, qui, de salon de thé où l’on cause, vire de plus en plus à un ersatz de tea party.