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Les cités marseillaises livrées à elles-mêmes

Trafic / mercredi 22 décembre 2010 par Xavier Monnier
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Le règlement de comptes qui a coûté la vie à un adolescent le 19 novembre a remis à la une les quartiers nord de Marseille. Derrière le ramdam médiatico-politique, une réalité : l’État a délaissé les cités de la ville.

Le mistral médiatique est retombé. Aujourd’hui, en une des quotidiens provençaux s’affiche le scandale des marchés publics, qui touche au coeur de la politique marseillaise. Les descentes quasi quotidiennes de flics dans les cités de la ville sont désormais reléguées en pages intérieures.

Retour à l’ombre pour les quartiers et leurs cités, incrustés dans l’agglomération mais toujours tenus en lisière. Le 19 novembre, un jeune de 16 ans était abattu et un minot de 11 ans était blessé par des rafales de kalachnikov, dans un règlement de comptes au Clos-la-Rose. Suffisant pour que Brice Hortefeux vienne humer l’air de la Canebière, le 21. Et s’empresse de déclarer la guerre aux trafiquants et aux bandes qui tiennent les cités à l’arme lourde. Prudent – en vertu de sa condamnation pour injure raciste ? –, le ministre de l’Intérieur ne s’est pas risqué à parler de racaille ou de Kärcher. Pas même un «  sauvageon » à l’horizon. Le verbe est presque mesuré. Peut-être un accès de lucidité : à Marseille, la situation n’est pas près d’être maîtrisée.

Féroce appétit

Font-Vert, Clos-la-Rose, Frais-Vallon. Barres HLM des XIIIe et XIVe arrondissements marseillais. Les quartiers nord, les plus éloignés du centre. Autant de cités dont les caves ont livré un peu de leurs secrets aux flics. Soixante kilos de hachisch, quelques répliques de kalachnikovs et de fusils d’assaut, une dizaine d’arrestations en trois opérations. Assez pour communiquer et organiser des conférences de presse autour du contrôleur général Roland Gauze et du procureur Jacques Dallest. Voire pour Hugues Parant, le nouveau préfet, d’annoncer le butin le 20 décembre, après un mois d’opération Brennus : 44 armes (blanches et à feu) saisies, toujours 60 kilos de drogues. Pas assez pour parader. Ni pour convaincre de l’efficacité des méthodes policières.

Entre les descentes médiatisées, une opération est passée inaperçue. À Air- Bel, l’une des plus grandes cités de la ville et carrefour supposé de la drogue. Là, des centaines de policiers, des CRS débarqués de Paris avec le ministre, ont participé à une intervention musclée, le 25 novembre. Les accès au quartier ont été bouchés. Résultat ? Quelques armes blanches saisies et le fruit de menus larcins retrouvé. Pas de quoi pavoiser. « Au moment de partir, reste dans la bouche un goût amer, décrit l’un des policiers en action ce matin-là. On a vu un jeune en scooter se garer à l’entrée de la cité. Un guetteur. » Ou plutôt un « chouffeur ». Des jeunes de 8 à 12 ans chargés de surveiller les allées et venues, histoire d’alerter le « charbonneux », un peu plus âgé, entre 16 et 22 ans, qui deale.

Un plan drogue par cité, un revendeur par pied d’immeuble, des cités qui débordent sur d’autres. Et des luttes de territoire qui provoquent des flingages. Mécanisme connu. Violent. « Ce sont des furieux, ils tirent à la volée. Mais la façon dont ils ont procédé lors du mitraillage de la Rose montre une évolution, décrit un limier. Voitures brûlées avec les armes, loin des lieux du crime ou d’une cité voisine. On n’est pas dans le petit caïd de cité mais dans des bandes organisées, avec, sans doute, des contacts dans le milieu traditionnel. » Et un appétit féroce.

40 000 euros par jour

Un pied d’immeuble peut rapporter jusqu’à 10 000 euros jour ; les plus gros centres, de 30 000 à 40 000 euros. L’argent circule à ciel ouvert. « En faisant du porte à porte, se remémore un élu, j’ai croisé des dealers. Liasses à la main. Ils ne se sont même pas arrêtés pour moi mais m’ont salué. Ils ne se cachent même pas. » Et le souvenir de certaines scènes de ressurgir. Comme celui de cette soirée où l’équipe du Castelas fêtait son premier million d’euros en réalisant une fontaine de champagne. Légende urbaine ? À Marseille, l’exagération compte autant que l’histoire…

Dans les rangs policiers, les novices, étrangers à la ville, s’étonnent de «  ces gamins qui revendent sans même prendre de précautions ». Et restent effarés par les chiffres de délinquance urbaine en ces zones. Racket, braquage de commerçants. Mais peu de voitures brûlées, de poubelles incendiées. Ici, aucun comité d’accueil musclé, comme ceux de la banlieue parisienne, n’a attendu les descentes policières. « Ces voyous veulent faire du business. Ils ne sont pas dans une logique d’affrontement et veulent que la police se tienne loin d’eux. Alors, les cités sont généralement calmes… »

Au moins en apparence. Et quand s’enflamment les quartiers chauds de Paris, Toulouse ou Lyon, « Gaudin peut citer en exemple Marseille, ville cosmopolite où les cités sont intégrées, peste un des ténors de la droite. Mais la réalité est en train de rattraper le mythe. Les quartiers sont à l’abandon, ce n’est plus la République. Si les opérations coup de poing sont nécessaires, c’est sur la durée qu’il faut bosser pour démanteler des réseaux. »

Dessin de Large - JPG - 34.8 ko
Dessin de Large

Dans les XIIIe et XIVe arrondissements, quinze policiers nationaux gèrent les tourments de 170 000 habitants. Avec une seule voiture en état de service. Le secteur concentre pourtant les stupéfiantes cités. « Franchement, on en vient à se demander s’il n’y a pas une volonté politique depuis des années de laisser les voyous gérer, en échange d’une certaine tranquillité », s’étonne une éminence de la classe politique. À qui la situation a échappé. « L’avenir dans les quartiers se résume à un choix. La misère ou les emplois aidés ! L’État a laissé le terrain, d’autre l’ont pris », résume un militant associatif qui oeuvre depuis trente ans dans les cités. Qui interroge. « D’où viennent les armes de guerre ? Qui consomme la drogue ? Pourquoi les politiques ne réagissent- ils que maintenant ? Cela fait des années que la drogue et les armes sont là ! »

Rien sur les quartiers sud

Et des légendes de ressortir. Comme ces policiers qui traquaient les salafistes dans le pourtour marseillais et qui avaient découvert un réseau de stups. Sur lequel ordre avait été donné de ne pas bouger… Les cités des quartiers sud, tout aussi stupéfiantes, n’ont pas été encore visées par les flics. De peur d’y serrer la jeunesse dorée de la ville qui s’y fournit ? L’OM n’est peut-être pas le seul opium du peuple marseillais.

Clic : la PJ n’a rien pigé

La police judiciaire marseillaise l’a mauvaise. Pointée pour sa « porosité » avec le milieu, chargée de jouer les « voitures-balais » dans l’enquête sur les parrains Barresi-Campanella, doublée par les gendarmes dans l’affaire des marchés publics truqués… trop c’est trop. Sans parler de la dizaine de flics auditionnés pour des contacts supposés coupables avec la pègre. Puis vint ce coup de pression. Retrouver à tout prix les auteurs du mitraillage du Clos-la-Rose. Pour lutter contre la drogue dans les cités, les stups comptent 50 ouailles. «  On nous dit qu’il faut investir les cités, mais on ne nous en donne ni les moyens ni les missions, confie un ancien. L’histoire de Marseille nous pousse plus vers le trafic international que vers les cités. » Si c’est culturel… ✹ X. M.

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Une vingtaine de personnes, dont le frère du président du conseil général, ont été entendues par les gendarmes dans le cadre de l’enquête sur les marchés publics. Les paris sont ouverts sur les prochaines (…)
Le procès de la tuerie du bar des marronniers est programmé début novembre. Retour sur le climat de la guerre qui a opposé les parrains corses aux caïds des cités…en 2006
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Forum

  • Les cités marseillaises livrées à elles-mêmes
    le jeudi 23 décembre 2010 à 20:02, MEZEL a dit :
    Sincèrement, que de raccourcis hâtifs et de clichés suite à cet incident malheureux, certainement écrits par quelqu’un qui ne connaît pas grand-chose à Marseille. Sachez que le quartier du Clos la Rose est loin d’être un quartier de relégation situé au fond des quartiers nord mais est situé à deux pas du boulevard Sakakini qui traverse la ville, dans le 13ème arrondissement, et qui plus est à la frontière de Marseille et Plan de Cuques, soit au pied des collines de Pagnol à l’Est de Marseille. Habitant à Château-Gombert, l’un des plus beaux "villages" de Marseille et situé dans le 13ème arrondissement, avec uniquement des villas et pas une "cité" à deux kilomètres à la ronde, je passe tous les jours par La Rose pour prendre le métro et je n’ai jamais eu aucun problème, comme des milliers de marseillais. Je pense d’ailleurs que l’hyper-centre de Marseille, où je travaille, est bien plus dangereux en termes de délinquance que le quartier de La Rose, et ma femme s’est d’ailleurs fait agresser au coeur du 8ème arrondissement de Marseille pour un vol à l’arraché. Egalement, pour avoir grandi tout près, je peux vous attester que certaines des pires cités se situent au coeur des quartiers sud (La Cayolle, La Soude) tout près des calanques. Quant à Air-Bel c’est dans le 11ème, tout près de l’autoroute est et d’Aubagne .. Rien à voir avec les "quartiers nord" même si c’est effectivement une cité assez dure. Enfin, sachez que géographiquement, le "nord" de Marseille, ce sont les 2ème (Euroméditerranée : quartier de gogos pour les investisseurs en Scellier), 3ème, 15ème et 16 ème arrondissements)avec effectivement dans ces zones des cités très éloignées du centre et fortement paupérisées (Soldirité, Plan d’aou). Et des mafieux, vous en trouverez autant dans le 7ème arrondissement que dans le 16ème, mais pas forcément de la même origine ethnique …
    • Les cités marseillaises livrées à elles-mêmes
      le vendredi 24 décembre 2010 à 12:13, iorick13 a dit :
      bien sûr l’article contient quelques erreurs géographiques dont celle, toujours persistante dans tous les médias, de la confusion entre les quartiers nord et les quartiers Est. Les journalistes ont en effet la facheuse tendance à penser que pour déterminer où se trouve le Nord, il suffit de tourner le dos à la mer. Ce faisant, à Marseille, ils confondent ainsi les quartiers Est avec le Nord de Marseille. Pour rappel, il n’existe pas de quartier Ouest à Marseille, mis à part les îles du Frioul. Reste le fond de l’article. Et là, force est de constater que l’argent coule à flots pour certains dans les cités marseillaises et que les politiques nous ont fait croire, ou ont tenté de le faire, au "miracle marseillais" de la paix sociale. Paix au prix de l’impunité, laquelle nous revient en boomerang aujourd’hui.
  • Les cités marseillaises livrées à elles-mêmes
    le mercredi 22 décembre 2010 à 12:28, caton a dit :
    Ce papier, très documenté, est très intéressant. Il nous apprend beaucoup sur la déliquescence de l’Etat, qui abandonne ces "territoires" aux voyous pour avoir la paix. Dallest et Parant feraient mieux de se ressaisir que de parader dans une conférence de presse ridicule. Dans une île pas très éloignée de Marseille, l’Etat a choisi de faire pareil : laisser faire pour ne pas avoir d’histoires.Le tribunal de Bastia vient de condamner financièrement l’Etat pour avoir volontairement accordé un permis illégal à Patrimonio .. simplement pour faire plaisir aux demandeurs ! Mieux, il renonce au contrôle de l’urbanisme qu’il abandonne aux associations de défense du littoral. C’est le principe de la double charge : nous payons des fonctionnaires et nous payons en plus les amendes parce que les fonctionnaires ont choisi de ne rien faire pour assurer leur carrière. Vite une conférence de presse de Dallest et Parant pour nous dire que ce n’est pas vrai et que si les marchés publics ne sont pas contrôlés par l’Etat, c’est à l’insu de son plein gré.La preuve ? Il faut des lettres anonymes pour mettre en "mouvement" un juge sur des ordures pas très claires gérées par un honorable citoyen d’origine insulaire..
  • Les cités marseillaises livrées à elles-mêmes
    le mercredi 22 décembre 2010 à 12:18, Aline a dit :
    L’argent coule tellement à flot que ne rien faire est plus utile que de faire quelque chose pour nettoyer les trafic en tout genre. CUL mariage ANE
  • Pas politiquement correct
    le mercredi 22 décembre 2010 à 09:47

    Un guetteur. » Ou plutôt un « chouffeur »

    C’est assez stigmatisant comme terme … (chouff veut dire regarder en arabe)

    Eux ont le droit de l’utiliser, pas vous.

    Si Brice utilisait ce terme, il serait immédiatement mis au pilori en page d’accueil ….

  • Les cités marseillaises livrées à elles-mêmes
    le mercredi 22 décembre 2010 à 06:45, rahelita a dit :
    vOUS ËTES INCROYABLES, VOUS LES JOURNALISTES ! LORSQU UN POLITIQUE DIT QUOI QUE CE SOIT OU AGIT DE MANIERE MUSCLEE, C4EST UN FACHO OU UN REAC, ET MAINTENAT VOUS DITES QUE RIEN N ’EST FAIT ! VOUS JOUEZ TELLEMENT LES GENDARMES ANGELIQUES QUE VOUS ALLEZ RECOLTER LE FRONT NATIONAL !!!!
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