Les eurodéputés harmonisent leurs indemnités par le haut

C’est la dernière berlusconerie en date. Une blonde pépée d’une quarantaine d’années s’en est ouvert au sérieux quotidien transalpin, Il Corriere della Sera du 17 juin : Patrizia D’Addario, c’est son nom, affirme avoir été payée 2.000 euros fin 2008 pour passer une nuit olé-olé, elle et deux autres courtisanes, avec Berlusconi. Si elle s’est mise à table, c’est visiblement parce que ce vert peu galant n’a pas tenu ses promesses.

Selon elle, Berlu et son entourage lui avaient fait miroiter en échange une place de député européen - c’est-à-dire de figurer sur les listes dans une position éligible. Mais rien de tout ça. En lot de consolation, D’Addario s’est retrouvée casée, à Bari dans les Pouilles, sur une liste alliée de l’actuelle majorité pour de vulgaires élections locales qui se sont tenues le week-end dernier. Et elle n’a pas été élue.

Les Italiens, les eurodéputés les mieux payés

Ce nouveau scandale fumeux qui fait trembler Berlusconi rivalise d’extravagance avec les plus sulfureux épisodes dans lesquels a été impliqué le chef du gouvernement italien. Quoiqu’il en soit, on peut avoir une certitude : en Italie, le siège de député européen est très convoité. Représenter la péninsule dans l’hémicycle est une fulgurante source d’enrichissement. Les eurodéputés italiens s’avèrent être de loin les mieux payés de toute l’Europe des 27. « Ils touchent en effet 11.703,64 euros bruts mensuels », indique une porte-parole du Parlement européen, à condition de ne pas sécher les séances de travail.

L’Europe harmonise les salaires de ses députés

© Pakman

C’est bien plus que les élus français, qui émargent à quelque 7.008,65 euros, dans la moyenne des élus des grands Etats de l’ouest de l’Union, comme l’Allemagne (7.339 euros), la Belgique (6.243,59 euros), l’Autriche (8.160 euros), l’Irlande (7.791 euros), les Pays-Bas (6.949,86 euros), la Grande-Bretagne (5.397 livres ), etc.

Le cas de l’eurodéputé espagnol, certes payé sur 14 mois, est très étonnant. Avec ses malheureuses indemnités de 3.126,53 euros, il fait figure de gagne-petit. En tous cas, un eurodéputé ibérique est certainement celui qui coûte le moins cher à son pays rapporté au niveau de vie. On peut donc avoir quatre ibères pour le prix d’un seul député italien.

Les Bulgares, smicards du Parlement européen

A ce jeu des comparaisons, les ressortissants des certains nouveaux Etats membres sont totalement largués : un maltais venu de sa lointaine île méditerranéenne n’émarge qu’à 1.262,52 euros. Se taper un trajet aussi compliqué que La Valette-Strasbourg s’avère donc une affaire peu rentable. Un eurodéputé slovaque ne touche quant à lui que 1.512,23 euros, alors qu’en aval du Danube, son homologue hongrois perçoit trois fois plus : 4.975,34 euros mensuels bruts. Mais c’est l’élu bulgare qui mérite le plus le qualificatif d’eurodéputé smicard avec ses minables 900 euros par mois.

De quoi créer un « lumpenprolétariat » au sein du Parlement communautaire et des risques réels de tensions sociales entre classes d’eurodéputés. Depuis la dernière vague d’élargissement de l’Europe, il n’y a donc pas qu’entre un chauffeur routier roumain et un conducteur de poids lourds français que les écarts de salaires sont considérables ! C’est que, jusqu’alors, le montant des émoluments était fixé par chaque Etat et financé par le budget national. Mais avec le nouveau Parlement élu le 7 juin, on entre dans un nouveau régime. Tout va s’arranger, tout va s’harmoniser d’un coup de baguette magique grâce au nouveau statut d’élu européen.

Egalité des chances : même salaire pour tous

Qu’ils soient socialistes ou ultralibéraux, c’est-à-dire fanatiques de la concurrence à tout crin et adversaires des minima sociaux garantis, tous bénéficieront de cette considérable avancée de l’Europe sociale : outre une protection sociale, ils auront droit à un niveau d’indemnités identique fixé à 7.665 euros bruts, soit 5.963 euros nets. Quel que soit donc le pays dans lequel ils auront été élus. S’y ajouteront les traditionnelles indemnités de frais généraux de 4.202 euros et une indemnité journalière de « subsistance » de 295 euros ainsi que les remboursements des frais de voyages. Et ce grâce au tout nouveau statut de l’élu européen.

Pour les Français, cela ne changera pas grand chose – à quelque 600 euros bruts près - mais pour un élu roumain, lituanien, siéger à Bruxelles sera comme gagner au loto. Il y a fort à parier qu’une telle mesure ait des effets inflationnistes sur la classe politique nationale de certains Etats. Il ne faudrait quand même pas qu’un eurodéputé soit mieux payé qu’un ministre ou qu’un président de la République !

La vita è bella

La dépitée italienne dont il est question au début de l’article pourrait se consoler en considérant qu’avec ce nouveau statut, qui a priori rabote les indemnités des Italiens, elle n’aurait jamais eu la vie aussi belle que les sortants de son pays. En fait, pas du tout. « Ce nouveau statut n’est pas obligatoire. Plutôt que de faire des sacrifices, les eurodéputés italiens vont conserver leur ancien statut jusqu’en 2014 », confie-t-on au Parlement, et empocher bien plus que les autres. Que la vie est belle !

Bref il n’y a plus qu’à appliquer au vulgum pecus européen le principe de cette belle harmonisation sociale par le haut ! Et l’Europe deviendra à coup sûr un truc très populaire.

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