Le traité de Lisbonne adopté par les derniers réticents tchèques met de l’huile dans les rouages de l’Union Européenne à 27. Souffle démocratique ? Triste illusion.
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre, deux ans après sa première signature par l’Etat portugais, constitue-il un bol d’air démocratique pour le fonctionnement de l’Union Européenne ?
Si les craintes d’un avenir communautaire avec moins d’Etat-Nation et plus d’Europe ont été en partie dissipées- la crise aidant - il est bien difficile de pouvoir parler d’une nouvelle ère politique pour l’UE à 27.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Le traité de Lisbonne avait fait de l’instauration d’un Président européen (mandat de 2 ans et demi) et d’un ministre européen des Affaires étrangères le symbole d’un exécutif visible à l’image des démocraties occidentales qu’il incarne. La nomination probable du premier ministre belge Von Rompuy à la tête de l’hydre européen prouve que les Etats membres veulent davantage un modérateur qu’un leader qui ne fasse pas trop d’ombre aux Sarkozy, Merkel, Brown et Berlusconi. Tout comme l’abandon du terme de Ministre des Affaires étrangères pour celui de « haut représentant » bien plus consensuel et révélateur du choix de laisser aux Etats membres la souveraineté de leurs décisions.
C’est dire si la logique des Nations, des gouvernements, continuent de s’imposer comme la norme d’une Europe politique en construction.
A cela s’ajoute le second volet dit « contrôle démocratique » qui établit que « le traité de Lisbonne placerait le Parlement européen à égalité avec le Conseil des ministres -qui représente les Etats membres- dans des domaines tels que l’adoption du budget de l’UE, la politique agricole, la justice et les affaires intérieures. »
Traduction : dorénavant, le Parlement n’est plus rélégué à un rôle de faire-valoir démocratique mais détient, cartes en mains, les leviers pour peser sur ses concurrents européens : la Commission et le Conseil. Or, détail oublié mais qui à son importance, le remplacement des termes "directive" et "règlement" par "loi" et "loi cadre" n’a pas été retenue dans le nouveau traité. Pourquoi ? En réalité, le Parlement n’est ni à l’origine ni à l’arrivée du véhicule législatif dont les fameuses « lois cadres » sont inscrites dans les grands traités négociés aux conférences inter-gouvernementales (CIG) par…les chefs d’Etats.
Des trois institutions, le Parlement européen reste et restera le parent pauvre de l’Union. Comme le remarque M. Sacriste professeur spécialiste des questions européennes à Paris I, « l’acte de base européen c’est le règlement. Pourquoi n’est il pas appelé Loi ? Car ce n’est que l’adaptation administrative des traités communautaires qui lui est la loi européenne. Le Parlement n’est en réalité qu’un organe consultatif. » Avant d’ajouter : « Plus de la moitié des actes à portée générale pris par le système politique européen est adoptée après avis consultatif du Parlement. Autrement dit, que cet avis soit négatif, critique ou enthousiaste n’a aucun impact sur la législation ! »
Si bien qu’au final, nos chers députés ne s’engagent à discuter des règlements et directives qu’aux travers d’amendements, mais sans jamais pouvoir imposer ses choix. Il revient toujours au Conseil des Ministres des 27 d’avoir, en ultime négociation, le dernier mot.
C’est donc peu dire que la démocratie européenne est condamnée, comme le prouve à nouveau le traité de Lisbonne, à ne se faire que par le haut. Si des efforts ont été consentis depuis 50 ans pour élargir les domaines de compétences du Parlement, reste aujourd’hui que chaque parlementaire européen représente sa nation d’origine et non le peuple européen encore inexistant. Le rêve communautaire est manifestement encore pensé autours de cet abandon.
La démocratie européenne, elle, à l’image de la faible participation aux élections de juin dernier, reste une coquille vide, un étendard brandi qu’on agite pour huiler quelques rouages de l’Union. La paix des braves, voilà l’idéal des pionniers de l’Europe que les Etats tentent de préserver avec raison. Sur le reste, c’est l’hymne à l’absence et donc… à l’abstention.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Intéressant mais vous allez un peu vite en oubliant le 1er épisode de la SAGA qui contredit quelque peu votre critique : celui de la Constitution Européenne.
Outre un surcroît d’ambition et de cohérence par rapport à Lisbonne( qui est la version saccagée du premier), le TCE avait une portée symbolique qui ouvrait une brèche psychologique : justement, au contraire de ce qui se passe dans le traité de Lisbonne, il était prévu d’appeler un chat un chat, une loi une loi, et un ministre un ministre (des affaires etrangeres).
C’est d’ailleurs la premiere chose que les britanniques se sont mis à renégocier quand l’élaboration du traité de Lisbonne a débuté…eux supposés si pragmatiques…