En affaires avec Bernard Tapie depuis dix ans, l’intermédiaire André Guelfi, connu depuis l’affaire Elf, confirme à « Bakchich » que l’ancien ministre cherche une villa sur les bords du lac Léman.
« Nous sommes tous les deux en quête de villas sur les bords du lac Léman. Moi, je pense m’installer dans le canton de Genève. Bernard Tapie regarde plutôt du côté de Gland, de Begnins, dans le canton de Vaud », raconte à Bakchich André Guelfi, 89 ans, toujours bon pied bon œil.
Pourquoi cette recherche commune avec Bernard Tapie ? Les deux hommes se sont retrouvés au même moment derrière les barreaux, à la Santé, en 1997. André Guelfi était mis en cause dans l’affaire Elf, « Nanard » dans le match truqué entre l’OM et Valenciennes. Emprisonnés dans des cellules voisines, ils ont sympathisé. Dans Sous le Tapie, un ouvrage signé Laurent Mauduit, paru cette semaine chez Stock, on apprend la signature d’un mystérieux contrat : Bernard Tapie se serait alors engagé à partager avec André Guelfi les dédommagements qu’il pourrait obtenir s’il gagnait son procès contre le Consortium de réalisation (CDR), lors de la vente d’Adidas par le Crédit Lyonnais. Une façon de remercier André Guelfi qui l’a fait « travailler », selon les termes flous de ce dernier, depuis une dizaine d’années.
Devant un tribunal arbitral, Bernard Tapie a gagné en juillet 2008. Entre les dommages matériels, le préjudice moral et les intérêts légaux, l’ancien ministre de François Mitterrand devenu sarkozyste devrait encaisser 390 millions d’euros. Une fois ses dettes payées, il resterait à Bernard Tapie non pas entre 25 et 50 millions, mais 132 millions d’euros, selon le livre Sous le Tapie.
Pas question de laisser une partie de ce pactole au fisc français. « Nanard » s’est mis en chasse d’un permis « B » de résident permanent en Suisse et surtout du fameux forfait fiscal, qui impose les étrangers non pas sur leurs revenus mais sur leur train de vie apparent. Pour faire simple, Bernard Tapie pourrait s’en tirer en payant un million de francs suisses par an d’impôt (650 000 euros). Seulement voilà, Nicolas Sarkozy, qui souhaiterait utiliser Bernard Tapie pour torpiller la prochaine candidature de Français Bayrou, ne veut pas entendre parler d’un évadé fiscal. Donc finalement, plus de permis B pour Tapie.
« Nanard » s’est donc résigné à ne pas s’exiler, du moins officiellement, en Suisse. Mais, selon les affirmations d’André Guelfi, il va y installer… son épouse Dominique, née Mialet-Damianos. Tapie, lui, garderait un pied-à-terre à Paris après s’être séparé de l’hôtel particulier de la rue des Saints-Pères, comme Bakchich l’avait révélé l’été dernier. Autre obstacle : Manuel Tornare, le maire de Genève, ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de Bernard Tapie dans sa commune. Explication : son frère, Didier Tornare, ancien notaire, le meilleur ami suisse de Tapie, a eu des ennuis avec la justice. « M. Manuel Tornare ne saurait être le facilitateur de quelque démarche que ce soit concernant l’installation de M. Tapie à Genève », a déjà prévenu l’élu de Genève dans la presse suisse.
En clair, l’ancien ministre de François Mitterrand serait contraint de se rabattre sur le canton plus bucolique de Vaud, notamment du côté de Gland, une bourgade entre Nyon et Lausanne. « Non seulement la villa sera au nom de sa femme, mais Bernard Tapie fait faire toutes les démarches par un intermédiaire. Son nom n’apparaît jamais. Il peut donc se permettre de démentir tout projet d’installation en Suisse », assure un agent immobilier installé sur les bords du lac Léman. Enfin, Tapie, réputé assez près de ses sous, se presse lentement : il attend que la chute des prix de l’immobilier s’accélère en Suisse romande. La maison de ses rêves peut bien attendre quelques mois…
Guelfi, lui, a déjà été résident suisse. Depuis 1975 et pendant une vingtaine d’années, l’intermédiaire a été domicilié à Lausanne. Il en a profité pour devenir l’un des meilleurs amis de Juan Antonio Samaranch, président du Comité olympique international (CIO) de 1980 à 2001. Les deux hommes ont œuvré avec succès pour que Moscou devienne ville olympique en 1980, puis que Sotchi soit désigné en 2014 pour les Jeux d’hiver. En 1997, impliqué dans Elf, André Guelfi reproche à la Suisse d’avoir répondu aux commissions rogatoires françaises, et d’avoir livré ses comptes aux magistrats tricolores. Ça lui a valu une belle condamnation.
Par dépit, André Guelfi s’exile à Malte. Ce qui n’empêche pas « Dédé la sardine » de revenir fréquemment sur les bords du lac Léman, notamment lorsqu’il s’agit de désigner les villes candidates aux JO. Avec le temps, André Guelfi se dit aujourd’hui prêt à pardonner à la Suisse ses entorses au secret bancaire. Il cherche un domicile dans le canton de Genève, qui bénéficie d’un aéroport. Ce que nous a confirmé son avocat Pascal Maurer, l’un des ténors du barreau de la Cité de Calvin. Genève est tout de même plus animée que La Valette, la capitale de Malte.
À lire ou relire sur Bakchich.info