Le livre du docteur Paclet évoquant les analyses suspectes de l’équipe de France en 1998 ne contient pas vraiment de révélations… mais une saine « piqûre » de rappel.
De temps à autre, au hasard d’un livre ou d’une période aussi creuse dans l’actualité qu’une fin de mois d’août, un polichinelle ressort du tiroir. Ou s’affiche en Une d’un quotidien. Mercredi dernier, Le Parisien en l’occurence. Avec une imposante manchette en couverture, à la veille de la révélation de la sélection de l’équipe de France pour les matchs de septembre. « Les révélation de l’ex-médecin des Bleus ». Dans la malette du docteur Paclet, déversée dans son livre Implosion : critique de l’ex-sélectionneur Domenech, de la fédération, des joueurs et égratignure sur les Bleus de 98, les seuls, les vrais, les champions du monde. Ou plutôt de petites piques, un poil survendues par le quotidien. « Les analyses suspectes de certains champions du monde 1998 » ou « Quand Vieira (capitaine de l’équipe en 2006) veut prendre un produit interdit ».
Avec de petits gants, les journalistes du groupe Amaury affublent leur polichinelle d’un maillot de foot et de seringues. Façon vaudou exorcisant le totem absolu du sport français, la victoire en coupe du monde de football en 1998.
Habilement les confrères d’Arrêt sur images ont démonté la mise en scène des révélations, qui aurait dupé tout lecteur néophyte (le non lecteur de L’Équipe). À savoir notamment que le docteur Paclet n’était en 1998 que le médecin des Espoirs, et n’a réellement officié pour l’équipe de France que de 2004 à 2008. Intéressant mais pas suffisant pour affubler de « bidons » ces révélations. Plutôt un sain rappel d’évènements connus, de soupçons constants et d’informations parues -quoiqu’oubliée- sur les « Intouchables » du foot français, les champions du monde.
En l’an 1998, une génération dorée de joueurs français s’est déjà exilé, a traversé les Alpes pour atterir dans la fine fleur des équipes italiennes. La Juventus de Turin (Zinédine Zidane et le capitaine Didier Deschamps), Parme (le philosophe Lilian Thuram) ou encore le Milan AC (Christophe Dugarry durant la saison 1996-1997). A une époque où le Calcio domine l’Europe du football… Fort d’une telle expérience, de la science tactique acquise et d’une « préparation de haut niveau », les joueurs français remportent la coupe du monde.
« Des analyses de sang ont révélé des anomalies sur plusieurs Bleus juste avant la Coupe du monde 1998. On peut avoir de forts soupçons quand on connaît les clubs où certains joueurs évoluaient, notamment ceux du championnat en Italie. » pointe le docteur Paclet dans son livre. Avant d’en rajouter une couche. « C’est de notoriété publique qu’il y avait des pratiques pour le moins limites à la Juventus [de Turin, NDLR] à l’époque ».
Notoriété publique certes, mais largement oubliée. Ou enterrée. À l’instar de l’enquête pour fraudes sportives et administration de produits dopants contre la Juventus, achevée par un non lieu général en 2007. Au passage, Didier Deschamps aura admis prendre de la créatine interdite en France, tout comme Zinedine Zidane. Qui livrera aux limiers le cocktail auquel il s’adonnait régulièrement. « Des perfusions d’un produit dont [il] ne connaît pas le nom » relevait Libé (29/06/2004) et « du Samyr (un antidépresseur) », « pour éliminer la fatigue » et beaucoup de fer.
Les experts du procureur Raffaele Guariniello avaient déjà souligné que le « fer est un élément nécessaire, en dose massive, pour qui prend de l’EPO » a pointé Libération à l’époque. EPO dont la prise a pour conséquence, bien souvent des « anomalies » dans les analyses de sang…
Une égratignure sur la statue du commandeur Zizou ? Du tout. Même les révélations d’une autre icone française, Johnny, sur une étrange clinique suisse recommandée par le footballeur passeront inaperçus.
Capitaine à l’époque des faits, et désormais entraîneur de l’OM, Didier Deschamps n’aime guère que l’on salisse la plus belle de ses victoires.
Actuel sélectionneur des Bleus -et néanmoins champion du monde 98- Laurent Blanc s’en tient lui à botter en touche. « C’est du réchauffé », a-t-il été invité à réagir sur France Info. D’autant que le dopage à l’Italienne lui rappelle de mauvais souvenir. Libero de l’OM en 1999, son club affronte le Parme de Lilian Thuram, en finale de la Coupe de l’UEFA. Une défaite cinglante 3-0, dont l’avant match passera à la postérité grâce à une vidéo de Fabio Cannavaro, capitaine parmesan et futur leader de l’équipe d’Italie championne du monde en 2006.
Une piqûre de creoton, créatine autorisée… en Italie.
Prudemment, peu de joueurs de l’époque ont réagi au « réchauffé du docteur Paclet ». Pas même Lilian Thuram, pourtant grand défenseur des causes morales du football français, ou Christophe Dugarry. Reconverti en consultant très offensif sur Canal +, le Bordelais ne souhaite sans doute pas que soit rappelé son contrôle positif à la nandrolone en 1999, bienheureusement pour sa carrière, entâché d’un vice de forme. « S’il suffisait de prendre de la cocaïne pour gagner la coupe du monde, cela ferait longtemps que la Colombie serait championne », se marrait Duga après coup (à partir de la sixième minute de la vidéo de l’INA ci-dessous).
Les seuls champions du monde pris dans les mailles du dopages resteront les gardiens Bernard Lama et Fabien Barthez, suspendus chacun pour consommation de cannabis.
Après tout, tant que ça reste sur le gazon…
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