A chaque crash d’avion, son miraculé. S’il est jeune, blessé et qu’il a perdu des parents, les médias sont au septième ciel. Bakchich passe du crash au trash…
Vous avez aimé Bahia Bakari, la fillette de 14 ans survivante du crash des Comores ? Vous allez raffoler du petit Ruben (9 ans), miraculé de l’accident d’avion en Libye ! En juillet 2009, les médias hexagonaux s’étaient rués sur le lit d’hôpital de Bahia après avoir scruté, six mois plus tôt, les familles de victimes du vol F447. Cette fois, ce sont les médias étrangers qui décollent.
Le quotidien très populaire De Telegraaf a remporté seul la palme de l’interview la plus glauque. Le journal néerlandais le plus vendu (800 000 exemplaires tirés par jour) est parvenu à téléphoner à Ruben Assouw, le garçonnet hollandais, seul survivant des 104 personnes à bord de l’airbus A330 en provenance de Johannesburg. « Une brève et émouvante conversation téléphonique », se félicite la journaliste du Telegraaf, Jolande van der Graaf. Un triste moment pour la presse, surtout.
Un passage résume le reste de l’article : « Ruben dit ne se souvenir de rien (…) et n’a même pas été informé de la perte de ses parents et de son frère ». Après 9 heures de soins intensifs, il reçoit le coup de fil du journal : « En entendant ces mots : "Bonjour Ruben, tu peux m’entendre ?", le garçon a d’abord réagi de façon émotive. Mais quand Ruben a compris que ce n’était pas sa famille au téléphone il est devenu plus calme », croit bon relater De Telegraaf. Bien sûr, les propos de l’enfant choqué ne servent à rien d’un point de vue informatif : « Je suis couché dans un hôpital et il y a des hommes et des femmes. Je ne sais pas comment je suis venu ici, je ne sais rien ».
En Hollande, on en fait légitimement tout un fromage. Sur Twitter, Jolande van der Graaf se fait allègrement incendier par ses compatriotes et le fil Twitter @TelegraafZuigt a été créé pour demander le boycott du journal.
Dans un blog imaginant la conversation de la journaliste avec le gamin, l’interview est (à peine) parodiée, Der Graaf apprenant à Ruben Assouw que ses parents étaient décédés. Les confrères ne sont pas plus réjouis de l’article de De Telegraph. « Cette interview nous a choqués », a expliqué à Bakchich Reijer Zwaan, journaliste de la chaîne publique Nova, « cela provoque une vague d’indignation au pays ». D’autant que l’interview malsaine est agrémentée de photos du gamin inerte dans son lit d’hôpital…
En France, si un journal s’amusait à ce genre de procédés digne de la pire presse people, ses confrères auraient aussi poussé des cris d’orfraie… Pensez donc ! L’an dernier, le crash des Comores avait défrayé la chronique. Deux journalistes de 20 minutes et France 2 se sont fait inviter par le secrétaire d’Etat à la Coopération Alain Joyandet dans l’avion rapatriant la pauvre Bahia pour l’interviewer. Joli coup ! La fillette vient de perdre sa mère dans le crash et a passé 12 heures dans l’eau accrochée à un débris d’avion. La miraculée filmée en gros plan (floutée sur 20minutes.fr mais pas sur France 2) ne dit rien. L’émotion et le sensationnalisme au journal du soir.
Les médias français, de LCI (qui précise même que la fillette « n’a plus qu’une idée en tête : retrouver vivante sa mère » pourtant décédée) à Arte, avaient ensuite capté la petite fille tuméfiée sur son lit d’hôpital avec son papa et le zélé Joyandet, se livrant à une sordide course à l’exclusivité. Mais, parfois, des rabat-joie comme ce membre du personnel médical (vers la 5ème seconde) qui gâche un peu la photo de la poignée de main du secrétaire d’État et Bahia en intimant aux journalistes d’arrêter de filmer. Pas si grave, puisque les médias n’en finissent pas de filmer la survivante ou son papa veuf régulièrement accompagné de Joyandet, aussi collant que les journalistes.
« Elle a été récupérée avec beaucoup de difficultés », expliquait Joyandet. Cela dépend du sens que l’on donne au mot "récupération"…
Rien à ajouter à l’article, sinon une ou deux claques bien placées. Certaines rédactions mériteraient bien un petit saccage.
Pourquoi ne pas envoyer les syndiqués de continental non floutés lors des reportages ? Ils ont aussi des comptes à rendre avec qqs journalistes…
:-)