Petit jeu de chaises musicales à Bruxelles passé presque inaperçu. Un séide de Berlusconi récupère les Transports, affaire Alitalia oblige. Et Sarko espère utiliser le centriste Jacques Barrot pour faire du Brice Hortefeux à l’échelle européenne. Tout un programme !
Encore un coup de la presse française, dirait Nicolas Sarkozy… La bonne nouvelle, flatteuse pour l’ego national, est en effet passée quasiment inaperçue en France. Pourtant, à la Commission européenne, Jacques Barrot, notre champion national jusqu’alors en charge des Transports, vient d’être promu à un nouveau poste. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, l’a nommé, fin avril, commissaire à la Justice et aux Affaires intérieures. Pas mécontent, Barrot y voit une belle récompense. Avec à la clé des dossiers qu’il prise davantage que la future taxe Eurovignette sur les poids lourds ou le système de navigation par satellite Galiléo.
Le centriste délaisse donc les Transports dont il avait la charge depuis 2004. « Un peu par hasard, glisse-t-on perfidement à Bruxelles. Il ne voulait pas spécialement ce poste, mais c’était le seul disponible quand Chirac l’a fait nommer à l’époque ». « S’occuper des questions de droit et de politique d’immigration européenne est peut-être moins exposé médiatiquement, mais c’est beaucoup plus stratégique », juge ce fonctionnaire européen. Cette promotion d’un Jacques Barrot, physiquement un peu à bout de souffle après quatre ans aux Transports, ne s’est évidemment pas faite sans l’aval de l’Elysée. Et, à quelques semaines de la présidence française du Conseil européen, elle tombe bien pour Nicolas Sarkozy. Le plus ironique, c’est qu’après ses déclarations sur la nullité du bilan de Jacques Chirac, le président français espère trouver dans le chiraquien Barrot un allié objectif pour mettre en musique la première de ses priorités : conclure un pacte à 27 Etats sur l’immigration. Avec au menu des réjouissances, le refus des régularisations massives, l’harmonisation des régimes d’asile et les accords de réadmission. Bref, du Brice Hortefeux à l’échelle européenne…
Plus folklorique encore est la raison des nouveaux galons gagnés par le Français. En fait, Jacques Barrot peut dire un grand merci à Silvio Berlusconi, le nouveau chef du gouvernement italien, car il a indirectement bénéficié du retour du Cavaliere aux affaires. En effet, durant la campagne électorale dans la péninsule, Franco Frattini, l’un des séides de l’ami Berlu, justement en charge des Affaires intérieures, a décidé de se mettre en vacances de la Commission. Une fois Berlusconi élu, Frattini a dit ciao à Bruxelles, tout heureux de se faire nommer ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement italien.
José Manuel Barroso a alors profité de l’occasion pour refiler le portefeuille sensible de la Justice et aux affaires intérieures à un homme qui ne soit pas envoyé par Berlusconi. Du coup, le nouveau commissaire représentant l’Italie désigné par le Premier ministre italien — en l’occurrence Antonio Tajani, un ex-journaliste, cofondateur de Forza Italia et député européen — a récupéré l’ancien portefeuille de Barrot. A la grande satisfaction de Berlusconi, qui toujours fin, a commenté ainsi ce petit jeu de chaises musicales : « Il est beaucoup plus intéressant pour nous de nous occuper d’infrastructures que du droit des homosexuels ». Ben voyons…
Beaucoup plus intéressant aussi, imagine le boufon transalpin, d’avoir un pion à Bruxelles en pleine affaire Alitalia (cf. Alitalia a la berlu). La récente aide de 300 millions d’euros de l’Etat italien à la compagnie aérienne moribonde est en effet considérée comme illégale par l’administration bruxelloise. « Il n’y a que Sarkozy et Berlusconi pour croire qu’il suffit d’avoir un commissaire de son pays pour régler ses problèmes ou faire passer ses envies, commente un Bruxellologue. Dieu merci, à chaque niveau, les décisions sont collégiales et encadrées ». Contre les fous nationaux, des gardes fous européens.