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CULTURE / CHRONIQUE BOUQUINS

Pamphlet, l’arme de la colère

Aux armes / samedi 31 juillet 2010 par Jacques-Marie Bourget
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Violence verbale, vérité partiale, le pamphlet s’est imposé en France après la Révolution. Baudelaire, Zola, Gracq se sont tous révoltés contre leur époque et sont tous compilés dans ce Dictionnaire du pamphlet

« L’annexion est un thème de conversation belge… Je suis contre l’annexion. Il y a “déjà” bien assez de sots en France, sans compter tous nos anciens annexés, Bordelais, Alsaciens, ou autres. Mais je ne serais pas ennemi d’une invasion, et d’une razzia, à la manière antique, à la manière d’Attila. Tout ce qui est beau pourrait être porté au Louvre. Tout cela nous appartient plus légitimement qu’à la Belgique, puisqu’elle n’y comprend rien. Et puis les dames belges feraient connaissance avec les Turcos, qui ne sont pas difficiles… » Qui a écrit ces sages paroles exprimant un jugement si mesuré ? Édouard Drumont ? Eh non, ces mots sortent de dessous les cheveux verts de Charles Baudelaire. Exilé à Bruxelles, le poète a été pris d’une bien injuste férocité envers son pays d’accueil. Baignant dans la haine, il a écrit, un jour après l’autre, la substance de sa Belgique déshabillée, une oeuvre qui ne sera révélée qu’en 1887, vingt ans après sa mort. Cette perle au-dessus citée est extraite d’un petit bouquin épatant, le Dictionnaire du pamphlet.

Art français accouché de l’esprit de la Révolution, de Marat et Mirabeau, qu’il faut vite réhabiliter. Grâce à des livres ou des journaux malpolis, contre la convenance et le consensus mou, celui qui fait l’eau de notre aquarium. pamphlet Lisez la Littérature à l’estomac, de Julien Gracq, vous aurez la parfaite manière de pourfendre : « La demande harcelante de grands écrivains fait que presque chaque nouveau venu a l’air de sortir d’une forcerie : il se dope, il se travaille, il se fouaille les côtes : il veut être à la hauteur de son époque… » On va à l’essentiel sans circonvolutions qui puissent servir, in extremis et au cas où, de parachute. Le vrai pamphlétaire est nu. Sans rambarde, il oublie la si commode « mise en perspective » pour, en bien voyant, cogner comme un sourd. Demi-tour impossible, il ne voyage qu’en aller simple. Dans un inventaire bien sûr trop rapide, je ne vois en ce moment que Stéphane Guillon, Alain Badiou et Jean-Claude Michéa (pardon pour les rappeurs) qui répondent aux critères de cette désobéissance civile.

Dans son dico trop concentré, Frédéric Saenen cite Julien Benda et sa Trahison des clercs, publiée en 1927 : « Les clercs modernes prétendent parfois qu’en prêchant l’inhumanité ils ne font que continuer l’enseignement de certains de leurs grands aînés, notamment de Spinoza, en vertu de sa fameuse proposition : “La pitié est, de soi, mauvaise et inutile dans une âme qui vit selon la raison.” » Quoi de plus contemporain que ce pamphlet majeur ? Que Benda, qui pleure la mort de « l’érudit », de son esprit de paix universelle qui cède la place aux « guerres justes » de l’humanitariste. Où l’on passe de Nizan, inquiet du peu de cas que font les philosophes de la réalité des hommes (« La philosophie va-t-elle demeurer longtemps encore un ouvrage de dames ? »), à Kouchner, ce qui, en escalade, s’appelle une chute.

À propos de héros, citons Bernanos, catho aux convictions détruites par la force de ce qu’il voit et décrit dans ses Grands Cimetières sous la lune : «  Il n’y a pas de pitié en guerre civile, il n’y a pas non plus de justice. Les rouges de Palma n’appartenant pour la plupart qu’à des partis modérés de gauche n’avaient nulle part aux assassinats de Madrid ou de Barcelone : ils n’en furent pas moins abattus comme des chiens… » Mais il existe des morts plus douces : elles ne tuent que l’honneur. Le passage de vie à trépas pour les convictions de ces traîtres que Guy Hocquenghem a vu « passer du col Mao au Rotary ». Bien sûr qu’avec votre lupara, vous êtes embusqués pour me flinguer à la double chevrotine : « Dis donc, l’aveugle, parle nous un peu de Drumont, de Céline, de Rebatet. Parle un peu de ceux qui ont tenu les portes ouvertes des latrines de la pensée avec leur racisme mortel et de la haine bouillante ! » Vous avez raison. Admettons alors que la force du pamphlet est l’instrument de mesure de la liberté. Il n’y a pas de géants sans nains, de Zola sans Albert Paraz.

Dictionnaire du pamphlet de Frédéric Saenen, édition Infolio (2010), 190 p, 10 euros

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