A défaut d’une carrière aux Etats-Unis, l’ancien patron de France Télécom et ex-ministre Thierry Breton se cherche un point de chute en France. Aurions-nous du mal à exporter nos brillants PDG ?
Lorsqu’il a quitté en juin 2007 le ministère de l’Economie et des Finances, lui, l’ancien patron de Thomson et de France Télécom, Thierry Breton se croyait invincible. Il était prêt à traverser l’Atlantique « pour diriger une entreprise américaine ». Pourvu qu’on le lui propose. Las. Son nom circule maintenant pour diriger Alcatel ou éventuellement Sanofi. Les Etats-Unis ne veulent-ils plus de nos PDG ?
La réponse est positive. Souci parmi nos élites patronales : le PDG français est -il un produit difficile à vendre ? Trop hexagonal ? Trop mono-culturel ? La greffe serait alors délicate. Les questions sont légitimes. La réponse est plus nuancée. Au sein de plusieurs cabinets de placement, interrogés par Bakchich, personne ne se souvient de l’exemple d’un grand patron français, qui comme cela, aurait été coopté par le conseil d’administration d’une entreprise étrangère. Les experts sont unamimes : le patron doit avoir une excellente culture nationale de l’entreprise qui l’accueille et qu’il représente à l’extérieur. « Un PDG doit connaître parfaitement les médias, les codes de communication du pays ». C’est son premier savoir-faire, un exercice périlleux, le PDG de la Société Générale, actuellement en plein dérapage, en fait l’expérience. Jean-Marie Messier, autrefois patron de Vivendi Universal, starifié puis fusillé dans les médias américains, en pâtit également au début des années 2000.
Les chausse-trappes ne manquent pas. Le PDG doit savoir se débrouiller avec les autorités de régulation. Il doit entretenir de bonnes relations avec l’Etat, y cultiver des amitiés, voire s’assurer des appuis, être identifié par les syndicats, et éventuellement connaître certains de ses responsables. Il doit aussi être connu des marchés financiers, identifié pour son sérieux et sa probité. Et pour finir évidemment connaître ses meilleurs clients. Sans ces qualités, pas d’avenir. Pour cela il doit avoir fait ses classes. Les conseils des cabinets sont corroborés par Mintzberg, le pape du management. Le patron doit d’abord être « un symbole » et comprendre, jusqu’aux moindre détails, les codes du pays. Entre autres, il doit maîtriser toutes les subtilités de la langue, mais aussi de tous les réseaux. C’est ce qui manque aux patrons français pour s’installer aux Etats Unis, mais aussi à tous les patrons étrangers… C’est pourquoi beaucoup de patrons français ont rêvé de traverser l’Atlantique, mais peu y sont parvenus. Les patrons ne s’exportent pas. Et pourtant il y a…
Quelques patrons français dirigent pourtant des grandes entreprises internationales. Mais ils y ont fait toute, ou une grande partie, de leur carrière. Aucun n’y est arrivé patron. C’est le cas, entre autres, de notre actuelle ministre des Finances, Christine Lagarde. Elle est entrée en 1981 dans le cabinet d’avocat Baker & McKenzie à Chicago. En 25 ans, elle en a gravi tous les échelons, un à un. En en comprenant tous les arcanes, toutes les subtilités. Pour les associés du cabinet américain, elle n’avait pas de nationalité, elle était simplement membre du cabinet, nombre des associés ignorant même qu’elle était française. Ce n’est pas une exception. Jean Pierre Garnier est le patron de Glaxo, un géant de la pharmacie de nationalité anglaise, il y a fait une partie de sa carrière. Denis Hennequin fait une parcours remarqué chez McDonald’s. Il y est rentré simple équipier derrière la caisse, il dirige aujourd’hui toute l’Europe. Ces deux exemples ne sont pas uniques. Il y en a d’autres comme Bernard Poussot qui dirige Wyeth HQ, un laboratoire pharmaceutique.
Pourtant pour ceux qui veulent vraiment traverser l’Atlantique il existe deux marchés d’exception, celui de la finance et celui de la recherche. Pas besoin d’être américain pour diriger un laboratoire de recherche, ni pour diriger une banque d’affaires. Dans ces deux cas, les marchés et les clients sont mondiaux, il n’y pratiquement plus aucun particularisme local. Les chercheurs publient tous dans la même langue, dans les mêmes revues. Les banquiers d’affaires maîtrisent les mêmes codes, font les mêmes présentations, les fameux « confidential information memorendums », s’habillent chez les mêmes tailleurs, portent les mêmes monogrammes aux poignets. Ces deux marchés sont déjà mondialisés pour tous les salariés, et pas seulement les patrons. Les cabinets de chasseurs de têtes nous l’assurent, les Français y sont bien représentés. Jean-Marie Messier et Thierry Breton dirigent des banques d’affaires à New York. Peut-être que Daniel Bouton travaillera demain pour une banque d’affaires. Peut-être, mais pas tout de suite. Ainsi en a décidé le conseil d’administration de la Société Générale…
Si Breton est parti aux US , c’est parce qu’il savait très bien qu’on ne voulait pas de lui en France, purge sarkoziste anti-chiraquienne oblige. Il sait aussi très bien qu’il est un mauvais patron et qu’on ne lui reconnait que des amitiés politiques obsolètes. Il a construit sa carrière en tuant des boites (Bull, Thomson, raté Orange car pas resté assez longtemps) en exhibant des faux profits à court terme liées à des compressions de coût, suivi de mort à moyen terme par manque complet de vision stratégique et de leadership.
il ne faudrait pas oublier que nombre de boites du CAC 40 sont des entreprises plus internationales que françaises et qu’elle se débrouillent très bien, car dirigées par des brillants PDG issus de nos écoles d’élite françaises dont les journalistes se moquent quotidiennement par pur complexe d’infériorité
Attention, il n’est pas nécessaire de faire une grande école pour être un bon patron. Les "chers inspecteurs" qui se sont cassés la gueule sont légion : Jean-Yves Haberer, Jean-Marie Messier, Michel Bon, Jean-François Bloch-Lainé, Jean-Maxime Lêveque, Jacques Friedman, les frères Attali, Pierre Bilger… Les inspecteurs de finances ne créent aucune dynamique, les meilleurs se contentent de maintenir les acquis. Ils se cooptent dans les conseils d’administration, ceux qui créent une entreprise (à l’exception d’une officine de conseils en n’importe quoi) et ne font pas faillite se compte sur les doigts d’une seule main.
Par contre les autodidactes comme François Pinault, Nicolain, Leclerc peuvent se targer de belles réussites.