H&M solde les ouvriers du Bangladesh

Avec un peu moins de 60 euros d’impôts sur les sociétés payés pour l’année 2008, H&M (Hennes & Mauritz) profite à fond de ses fournisseurs du Bangladesh… La troisième chaîne mondiale de magasins de vêtements, dont le chiffre d’affaires trimestriel s’est établi à 2,890 milliards d’euros, s’est fait épingler cette semaine par l’ONG ActionAid qui précise, en citant le ministre du Commerce Bangalais, que « Ce qu’ils font est légal mais immoral ».

H&M se prend une veste

H&M a réagi en affirmant respecter les règles et en soulignant que ses commandes assurent « des centaines de milliers d’emplois » au Bangladesh, relate lemonde.fr. Il est vrai que le Bangladesh est un des plus grands fournisseurs des géants du textile. C’est aussi - sans doute un hasard - l’un des pays où les ouvriers sont le moins bien payés. Les grands groupes de textile qui se livrent une concurrence acharnée dans le monde ne vont quand même pas s’embarrasser avec la moralité ou l’éthique…

De fil en aiguilles

Ah… si ! Sur leur site internet destiné à être lu par les clients occidentaux, Tommy Hilfiger et Levi’s se targuent d’être très vigilants sur les salariés des fournisseurs. Le premier se dôte d’un Code de conduite quand le second met en avant ses "valeurs et visions". Ne manquez pas le passage sur "l’empathie" de Levi-Strauss qui « commence par être attentif au monde qui nous entoure (…) et répondre aux besoins de nos clients, employés et autres parties prenantes » et "l’intégrité" (« Ethique et responsabilité sociale caractérisent notre manière de faire des affaires »). H&M, qui a des soucis depuis qu’elle s’est installée dans la partie palestinienne de Jerusalem en mars (voir vidéo de manifestants pro-palestiniens devant les magasins en France sur le site participatif Street Generation) mise aussi sur une communication marquée par la responsabilité. Quand les patrons du géant suédois (qui emploie 700 fournisseurs à travers le monde) revêt le costume de l’entreprise soucieuse des pays de ses fournisseurs, cela donne ces deux vidéos qui laissent rêveurs, disponibles sur leur site et dont nous avons tiré quelques extraits :

Derrière les images de ces ouvriers Bangalais heureux, la profession de foi du groupe : « Pour nous, il est important que nos produits soient fabriqués dans de bonnes conditions » « Légalement, nous ne sommes pas responsables de nos fournisseurs. Mais bien sûr, moralement et selon nos valeurs, nous estimons que nous avons une part de responsabilité sur la fabrication. » « Il est important pour nos clients que nous soyons responsables de ce qui se passent là où les produits qu’ils achètent soient fabriqués. »

Responsables

Après le "code de conduite", "notre responsabilité par H&M" (sous-titré en anglais). Le "sens des responsabilités" de l’entreprise selon le PDG Rolf Eriksen et la directrice de l’environnement et de la citoyenneté d’entreprise Ingrid Schullstrom… Extraits (voir le publi-reportage intégral en deux parties ici et là) :

Tout doit disparaître

Pourtant, du 19 au 23 juin, une dizaine de milliers d’ouvriers des 700 usines textiles du Bangladesh se sont mis en grève (voir montage ci-dessous à partir de ce reportage). Ces ingrats ont eu l’outrecuidance de réclamer que leur salaire mensuel passe de… 23 à 58 euros. De peur que les grands groupes délocalisent vers un pays encore plus compétitif, les autorités du Bangladesh ont fait réprimer les manifestants par la police (balles en caoutchouc et bombes lacrymo). Le gouvernement a quand même promis une augmentation du salaire minimum pour cet été… Comme il l’avait fait en avril dernier, mais les patrons des usines de confection n’avaient accordé qu’une hausse de 3 euros par mois (voir La Croix).

L’envers du décor

Le "code de conduite" de H&M date de 2007. L’année suivante, l’émission allemande "Report Mainz" (de la chaîne ARD) avait pourtant déjà dénoncé les pratiques des sous-traitants du groupe de vêtements en montrant les conditions déplorables des employés (extraits ci-dessous et reportage complet ici). En publiant les chiffres de ses bénéfices jeudi 24 juin, H&M a aussi souligné que le troisième trimestre serait celui "des grosses promotions". Au Bangladesh aussi, le groupe pratique les soldes… mais avec leurs employés.