Le nouveau patron de l’OM a toujours fait dans la mesure. Et s’est presque toujours retrouvé du bon côté de la barrière pour le faire.
Sans dérision, j’aime bien Jean-Claude Dassier, le nouveau patron de l’OM. Il fait partie d’une espèce humaine devenue rare, celle des cyniques. Prenons un exemple. Quand Eric Besson passe de Jean Jaurès à Adam Smith, il jure dans la minute qu’il adore Nicolas Sarkozy, l’homme l’œuvre et la gourmette en poil d’éléphant.
Ces nouveaux renégats, aussi genre Max Gallo, sont comme ces convertis devenant plus catholiques que le pape, plus bouddhistes que le dalaï lama. Le cynique, genre Dassier, est comme un butler anglais, il a vite compris que pour être pénard il suffit de servir le bon maître. Le cynisme a un autre bénéfice, il évite à son adepte de pratiquer l’art d’être faux cul. Instruit de cette philosophie grecque, on peut être un journaliste de la pensée qui convient bien sans avoir à aimer le timonier qui la sort de sa tête. Jean-Claude a vendu des tonnes des kilos de Mitterrand, les hectos de Chirac et des tonnes de Sarkozy… La belle affaire. Il le fait en « bon professionnel », comme Danone dans le yaourt, la grande distribution de la pensée sus citée doit circuler comme les trains qui arrivent à l’heure, sans entrave.
Comparons Dassier à Moati, celui qui nous a régalé de ses jolies vestes et de ses jolies lunettes dans « Ripostes ». Ce garçon a fait un film ridicule à la gloire d’un Mitterrand déposant des roses au Panthéon, puis, le natif de Jarnac mort, il a fabriqué un autre film pour décrire (un petit peu) le passage du même Tonton à Vichy. Aujourd’hui il tresse des couronnes de jasmin à Sarko. Dassier n’a jamais fait d’éclat dans l’éloge, chaque jour il va au charbon pour présenter le plus joli profil du président de la République, pour mettre à l’écran une amie du dit président qui achèvera de polir sa médaille. Discret mais efficace, Dassier n’a plus d’autres convictions que son confort, celui de ceux qu’il aime. Il a appris que, dans le monde tel qu’il est, les traîtres ont toujours raison.
Ce gentil garçon n’a pas toujours été comme ça. En lisant dans l’Equipe une petite biographie du bonhomme, j’ai constaté que le quotidien qui se veut de référence écrit des sottises : « Après des débuts sur France Inter où il fait la circulation routière, il passe sur Europe I ». Toute l’histoire de notre héros est là mais rien n’est dit. Si, sur Inter, Dassier a un bref moment parlé du bouchon de Roquencourt, il a été très vite un très bon journaliste de radio : précision dans la voix, bon débit, rapidité de l’analyse. Nos compagnons de bureau s’appelaient alors Mougeotte, Elkabbach, Mourousi, de futurs rebelles.
Avant 1968, Dassier aime beaucoup la révolution castriste, voyage à Cuba et connaît les bonnes adresses qui sentent la poudre. En Mai il fait une bonne et solide grève, prend la parole dans les AG, la révolution dans la révolution est sa seule issue. Je ne me moque pas puisque, parti du même point de vue, je l’ai conservé. Sauf que, dans l’indifférence totale, nous nous sommes retrouvons, en cocus des « évènements », au chômage. Lourdés par De Gaulle.
Le talent professionnel, Dassier est du genre diesel, pas de sprint mais jamais en panne : fiable pour assurer l’antenne. Il retrouve donc assez vite du travail à Europe I. Mais ce n’est plus le jeune type passionné de foot et ami de Castro qui embauche rue François Ier, mais un homme nouveau, instruit par l’histoire : notre monde douillet n’est mûr ni pour l’utopie ni pour la générosité.
C’est à ce moment que Dassier se convertit au cynisme, comme Matthieu Ricard devient Safran. Depuis, il n’a plus bougé. Charme discret de la courtoisie, l’ancien de France Inter n’a rien des caractériels qui meublent les rédactions, il reste journaliste, la preuve, il dit des gros mots et met toujours les pieds sur son bureau.
L’unique faiblesse de Dassier, sa conviction résiduelle, sa faille et donc son charme, c’est qu’il estime qu’un très mauvais sort, injuste, est fait aux Palestiniens. La preuve, il a signé l’appel lancé en faveur de Charles Enderlin, le correspondant à Jérusalem de France 2, attaqué par des sionistes hystériques. Dassier signant une pétition ! Plus rare que Guy Roux mangeant du caviar.
Contrairement à ces sportifs qui n’ont de couleur que celle de leur écran, tels Bilalian ou Villeneuve, l’ancien patron de la rédaction de TF1 a toujours eu une authentique et grande passion pour le sport, et même une vraie connaissance. Je me souviens que sous les quolibets de Roland Mesmeur (ex « girondin »), nous échangions l’Equipe à l’époque où ce journal était la Bible. C’est dire si le cynique a été instruit dans la communauté des croyants.
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