Une crise du PSG ne fait pas peur à son patron Charles Villeneuve, au contact de milieux plus sulfureux, comme l’attestent les écoutes débusquées par « Bakchich », dans l’affaire du Cercle Concorde.
Bombardé président du club le plus drôle de France, le Paris Saint-Germain, le 27 mai dernier, Charles Leroy dit Villeneuve se fait peu à peu à ses nouveaux habits. Et ce ne sont pas les déclarations de Sébastien Bazin, Patron de Colony Capital, l’actionnaire majoritaire du club, qui vont l’inquiéter. Mécontent de l’activisme de l’ancien chef du service des sports de TF1 à la recherche d’un nouvel actionnaire, Bazin l’a fait savoir dans le Parisien du 5 novembre. Et le 4 novembre dans l’Equipe, le financier a renouvelé sa confiance à l‘entraîneur du PSG, Paul Le Guen, en froid avec Villeneuve, tout en pointant que sa « méthode ne passe pas toujours très bien, c’est un type dur. Mais c’est un patron ».
Les deux défaites consécutives en championnat n’entachent pas plus la gouaille de l’ancien para Villeneuve. « Vous savez, quand on a passé 18 ans à TF1, confie-t-il bien gentiment à Bakchich, on s’est fait une solide cotte de maille ».
Formé à rude école le Charles. Ancien para, considéré (si, si) comme un journaliste subversif sous la présidence Mitterrand, l’ancien légendaire présentateur du Droit de savoir sur TF1 aime à peaufiner son image de baroudeur. Livres à l’appui. Auteur d’Histoire secrète du terrorisme, Le glaive et la balance ou Les masques du terrorisme, l’ancien officier a frayé avec des cercles autrement plus chauds que le milieu footballistique.
Au hasard avec les joyeux drilles qui ont animé le Cercle de Jeux Concorde. Cible d’une vaste enquête judiciaire, toujours en cours et dont Bakchich s’est largement fait l’écho, le Concorde, 6 rue Cadet (la porte à côté du siège du Grand Orient de France) a fermé ses portes après une perquisition géante, fin novembre 2007. Et ses animateurs, sympathique conglomérat de Corses, Marseillais, agrémenté de pontes des Hauts-de-Seine et d’un banquier suisse, font l’objet d’une batterie de mises en examen. « Blanchiment, association de malfaiteurs, non justification de ressources, abus de biens sociaux, extorsions de fonds » et plus si affinités. En résumé, flics et juges reprochent au Cercle d’avoir fonctionné comme une lessiveuse pour le Milieu.
Premiers visés par l’instruction les frères Lantiéri, rejetons d’une fort connue famille de Bonifacio. Longuement cités dans le rapport Legras (du nom du procureur de Bastia) sur le grand banditisme insulaire et anciens boss de la mythique boîte de nuit l’Amnésia [1], Paul et Antoine vivent bien différemment l’enquête.
Mis en examen, détenu pendant quelques mois à la prison des Baumettes à Marseille, Antoine Lantiéri, dit « Tony », a regagné l’île. Depuis novembre 2007, en revanche, point de nouvelle de Paul, introuvable et en cavale.
Même Charles Villeneuve est sans nouvelles. Pourtant les deux hommes ont souvent eu l’occasion de discuter entre fin 2006 et début 2007, comme en attestent les écoutes judiciaires qu’a pu parcourir Bakchich.
« Non désolé je ne sais pas où il est », lâche rigolard le patron du PSG, très prompt à détailler ses relations avec les frères Lantiéri. « Je leur apportais la coke et je faisais sortir le cash du Cercle ». Sacré Charles, toujours le mot pour rire, comme à l’époque des reportages pas du tout racoleurs du Droit de savoir sur les filières de la prostitution (un de ses dadas avec les bidasses, défense de voir un lien), sur les « cités sensibles », sur la formation de la Légion étrangère dans la forêt guyanaise. Mais plus précisément.
« J’ai connu Antoine Lantiéri lors de vacances à Bonifacio et c’est un ami. D’ailleurs je pense qu’il a été mis en prison à cause de son nom. Je l’ai même invité lors de ma soirée de départ de TF1, quand il a été libéré ». Quant à Paul, « je le connaissais moins bien. Il souhaitait que l’on fasse un reportage sur ses soirées poker au cercle de jeux et nous avons mangé ensemble une fois ». De simples connaissances, avec lesquelles il entretient toutefois des rapports cordiaux. Petit cachottier, ses liens avec les Lantiéri apparaissent plus que cordiaux à en croire les discussions téléphoniques interceptés par la flicaille.
Le 6 mai 2007 aux alentours de 18 heures, par exemple, Paul Lantiéri annonce à son interlocuteur les « résultats des élections avec une extrême précision », remarquent les enquêteurs, avant de se vanter de « tenir ses informations de Charles Villeneuve ».
Le 7 mai, Paul et Charles n’échangent que des banalités, notent les policiers. Mais le 11, « Charles Villeneuve a invité Paul son frère et d’autres à la finale de la coupe de France », un OM-PSG de sinistre mémoire pour les supporters du Vieux Port. Mais l’intention est appréciable.
Tout autant que le coup de fil post-réveillon du 2 janvier 2007. « Charles Villeneuve laisse un message à Paul. Il lui souhaite une bonne année pour son Cercle. Il présente également ses vœux à Antoine ». Las, comme la finale de la coupe de France pour l’OM, l’intention est louable. Mais l’année 2007 de Paul, son cercle, et d’Antoine ne sera pas vraiment « bonne »…entre fermeture du Cercle mise en examen et cavale.
Aux petits soins avec la fratrie Lantiéri, l’alors ponte de TF1 se confond même en promesses, le soir du 22 novembre 2006. « Paul parle avec Charles Villeneuve. Il est question d’une émission de télé sur le Cercle. Charles explique qu’il a donné des instructions à un de ses collaborateurs pour que l’émission soit faite dans les meilleures conditions possibles. Il rapporte à Paul les propos qu’il a tenus à ses subordonnés. « MA VOLONTÉ C’EST QUE VOUS METTIEZ AU SERVICE DE PAUL LANTIÉRI…DES FRÈRES LANTIÉRI. JE VEUX QUE ÇA AILLE ASSEZ VITE ».
Emballé le Charles, ou tout simplement reconnaissant après le repas aux Langoustes, tenu « chez Paul », lors d’une « soirée entre mecs », le 21 novembre en compagnie de « Eric Enzo [2], Guillaume Lacroix [3] et KHALIFA [4] ». L’histoire ne le dit pas, l’émission n’a pu se faire.
Dommage, tant le talent de Villeneuve aurait alors pu tourner à plein. D’autant que le sémillant Charles a une parfaite connaissance du pedigree des Lantiéri, au plus grand étonnement de Paul, quasi en deuil le 2 novembre 2007.
« Discussion entre Paul et Charles Villeneuve. Paul essaie d’organiser un RDV avec Antoine. Paul explique qu’il doit partir à un enterrement. Ils conviennent de se voir ce soir. Brusquement Charles lui dit "vous êtes obligé d’aller chez Colona". Exactement répond Paul, un peu surpris. Charles lui dit en plaisantant que personne ne croit à un accident de voiture ».
Le 1er novembre 2006, Jean-Jérôme Colonna, dit Jean-Gé, parrain de Corse-du-Sud, meurt dans un accident de voiture. Toute la smala Lantiéri se rendra à son enterrement deux jours plus tard. Un mort et un enterrement qui n’ont pas été sans conséquence pour la famille et la vie au sein du Cercle Concorde (cf. L’ombre du parrain plane sur le Cercle).
Non décidément, Charles Villeneuve n’a aucune raison de s’inquiéter du PSG. L’ex para a connu des ambiances autrement plus sulfureuses.
À lire ou relire sur Bakchich.info
[1] parti en fumée après un attentat en 2000
[2] en fait Eric Hannzeo alors adjoint de Villeneuve
[3] alors présentateur de l’émission 50 minutes inside
[4] le tycoon algérien déchu
Chapeau, ça c’est de la brève de chiottes : un bourgeois qui cherche à s’encanailler et deux voyous qui veulent se faire inviter aux déjeuners de notables ; sacré scoop.
La porosité entre le Milieu et les vestiaires sportifs mériterait un autre traitement, mais il faudrait pour cela oublier ces trompettes de parisiens et allez voir du côté des vrais beaux mecs, à Marseille : à quand un sujet sur la grande époque des frères B. ?